C’est parce qu’elle en avait assez d’être devenue « une orfèvre du mensonge », pour une partie des siens et pour elle-même, que l’auteure s’est attelée à l’écriture de Presque toutes les femmes (*), livre-confession* aussi palpitant que bouleversant où elle explore sa bisexualité. Elle nous explique ce besoin qu’elle a eu de « tout mettre à plat » après une vie passée sous le masque de l’hétéronormalité.

Marie Claire : Pourquoi ce dévoilement soudain de votre bisexualité ?

Héléna Marienské : J’avais atteint le point de non-retour dans son effacement. Ma vie et mes romans précédents gommaient cette part importante de moi-même. Mais à 40 ans, heureuse pourtant dans mon mariage et ma vie de famille, la rencontre d’une passion de jeunesse rallumant la flamme, le naturel est revenu au galop, me confrontant à l’évidence. J’ai alors passé la moitié de mon temps dans des amours clandestines, où je retrouvais les plaisirs lesbiens, mais où ma dernière passion s’est mal finie pour moi. D’où une dépression grave, et le besoin urgent de tout mettre à plat…

Votre mari était-il au courant ?

Oui. Un jour, il a eu quelques soupçons après une réunion littéraire anormalement longue à laquelle je lui avais dit participer, et je lui ai tout avoué. J’étais devenue une orfèvre du mensonge, il était temps que ça cesse. J’ai aussi informé mes deux filles, et la plus grande a souri : « Mais Maman, il y a longtemps que je le savais… »

Et côté femmes, pas de problème ?

Elles me savaient mariée. J’ai néanmoins rencontré plusieurs fois ce problème : les bi sont souvent soupçonné·es de trahison. On est homo ou hétéro, point. Après l’hétéronormalité, l’homonormalité. J’ai ainsi découvert qu’il y a bien peu de place pour le « b » de LGBT !

Les bi sont souvent soupçonné·es de trahison.

Avez-vous pu tout écrire et décrire dans ce livre ?

Presque tout, ce qui est déjà beaucoup. J’y parle de presque toutes les femmes importantes pour moi (maîtresses ou figures féminines de mon ascendance familiale), d’un traumatisme de mon enfance et puis, bien sûr, de mes amours pour des femmes et de mes plaisirs avec elles. Ce ne sont pas des descriptions cliniques, mais elles sont quand même assez crues. En revanche, je m’étais engagée auprès de mon mari à ne pas y décrire notre intimité.

En tant que bi, êtes-vous plus homo ou hétéro ?

Je suis 100 % homo et 100 % hétéro. Ce n’est pas une pirouette.

Mais quelle différence faites-vous entre les deux genres ?

De nombreux bi répondent : je ne suis pas amoureux·se de tel ou tel genre, mais d’une personne. Pour moi, en revanche, ce n’est pas la même sorte d’amour. La relation au corps de l’autre n’est pas la même, notamment. Je ne cherche pas l’uniformité du genre : ils me plaisent pour des raisons différentes. Avec l’homme néanmoins, il y a plus de petits conflits, moins de complicité. Et les femmes restent plus mystérieuses. Ce mystère est un délice…

(*) Presque toutes les femmes, éd. Flammarion, 22 euros, parution le 25 août.

Cet article a été initialement publié dans le n°828 de Marie Claire, daté septembre 2021

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