• A l’occasion des 20 ans de la téléréalité, 20 Minutes propose une série d’articles sur ce phénomène qui a bouleversé le petit écran.
  • Candidate de la cinquième saison de Secret Story, Morgane Enselme a pointé du doigt les méthodes de la production dans un livre.
  • « Il y a des candidats qui ressortent des émissions dans un état très compliqué à rattraper psychologiquement », prévient-elle dans une interview à 20 Minutes​.

Il y a un an, Morgane Enselme s’est donné une mission. Celle de décrire,
dans un livre, son expérience dans la cinquième saison de Secret Story. Et celle-ci, contrairement à toutes celles qui lui ont été données dans le jeu de
TF1, n’était pas dictée par La Voix. Après treize semaines passées au sein de la maison des secrets, la candidate a voulu livrer sa vérité et mettre en lumière les agissements de la production qui souhaite parvenir à ses fins, peu importent les conséquences sur les participants et participantes.

Aujourd’hui, Morgane Enselme vit à Los Angeles où elle travaille notamment en tant que consultante pour YouTube. Son rêve ? « Raconter des histoires positives, inspirantes et qui font du bien aux gens. » Avant cela, elle revient sur son parcours dans la
téléréalité pour 20 Minutes.

Dès le début, la directrice de casting vous dit qu’elle veut changer l’image de la téléréalité. Est-ce que vous croyez que c’est possible à l’époque ? Et aujourd’hui ?

En 2011, c’était encore possible car les candidats étaient encore spontanés. Je pense que j’ai vécu le moment charnière parce que les carrières dans la téléréalité commençaient à se développer, avec les candidats qui enchaînaient d’autres téléréalités après. A l’époque, ça aurait été possible de dire qu’on ne veut pas que ça se mécanise, que ce soit répétitif, que l’on n’ait pas que des candidats qui correspondent à des stéréotypes. En 2021, je crois que le virage qui a été pris est trop marqué pour qu’on puisse revenir en arrière. Ça a créé des codes pour ces émissions où l’on attend des clashs, des couples, un certain type de physiques, de comportements. Maintenant que le public de ces émissions attend ça et vient regarder pour ça, c’est très compliqué de se dire qu’on va se séparer de ce côté-là.

La Voix constitue-t-elle une présence réconfortante, un semblant d’humanité, dans Secret Story ?

Je m’étais beaucoup attachée à La Voix, c’est un peu une présence paternelle dans le jeu. C’est une compétition qui est sans merci parfois et La Voix qui est là, c’est un peu la voix de la sagesse qui, de temps en temps, intervient quand ça va trop loin. Malheureusement, je me suis rendu compte que La Voix jouait un rôle pour nous contrôler, pour nous maintenir. C’est un peu le gentil flic par rapport à d’autres personnes de la production qui font les méchants flics. A la fin du jeu, je me suis rendu compte qu’elle n’était pas honnête avec nous parce qu’elle nous donne des missions. Quand j’ai vu la diffusion du programme, j’ai vu que ces choses-là étaient diffusées comme notre propre comportement et pas comme des missions. Pour moi, c’était vraiment une trahison parce qu’il y a des choses pour lesquelles je faisais confiance à La Voix, et en fait, elle n’était pas de mon côté.

Vous dites également que la production a la mainmise sur les votes de l’émission…

Le système de vote n’est ni transparent ni impartial. Au moment où je sors de la maison des secrets, je vais dans une voiture qui doit m’amener sur le prime avec Benjamin Castaldi. L’agent de sécurité qui la conduit me dit qu’il savait que c’était moi qui sortais depuis mercredi. Il m’a dit de ne pas le dire mais à partir du moment où les nominations sont faites le mardi, le lendemain il a la feuille de route avec le nom du candidat qui va sortir, son adresse pour le ramener chez lui et ses billets de train s’il n’est pas de Paris. Ça ne m’a même pas complètement surprise. J’ai rigolé et en même temps, j’ai ressenti la dernière pointe d’illusion qui tombait. Quand j’ai entendu ça, je me suis dit « si les jeux sont faits à partir du mardi, je ne sais pas à quoi servent les votes. »

Vous écrivez : « Si j’écris ce livre, c’est aussi pour rétablir un semblant de justice. Pour que les failles de sécurité qui aboutissent à des drames soient prises au sérieux et que les traitements dégradants qu’on fait subir aux candidats soient reconnus, sinon abolis. » Pensez-vous y être parvenue ?

Je pense que plus on donne de la visibilité aux mauvais traitements, aux failles de sécurité qu’il y a dans ces émissions, plus ça oblige les boîtes de production à faire attention. Maintenant que ça se sait, il y a quand même plus de vigilance. Est-ce que je pense que mon livre va révolutionner l’univers de la téléréalité ? Je n’ai pas cette illusion que je peux gagner à moi toute seule face à cette industrie. En revanche, je pense que c’est une pierre à l’édifice, que c’est une trace, un témoignage. C’est aussi un morceau d’information pour les futurs candidats qui voudraient faire ces émissions-là.

Faut-il entièrement blâmer les sociétés de production lorsque des drames se produisent avec des candidats ?

Quand il y a des drames avec des candidats de téléréalité, on ne peut pas dire que ce n’est que la faute des boîtes de production. En revanche, ce que je peux dire avec certitude, c’est que quand les gens sont fragiles et qu’on les balance dans un système comme la téléréalité, il y en a que ça détruit, ça les prive de leur dernière chance de réussir à vaincre leurs failles. C’est un monde où on te met sous pression, on cherche à te faire perdre tes moyens à l’écran pour que tu pleures, pour que tu cries. On ne peut pas nier que la téléréalité va pousser les gens dans leurs retranchements, à la fois physiques et psychologiques, et que ça crée dans certains cas un syndrome de stress post-traumatique. Ça, je l’ai vécu vraiment quand je suis sortie de l’émission. J’avais un gros syndrome de stress post-traumatique parce que c’est une expérience qui est très intense, parce qu’il y a de la violence psychologique, parfois de la violence physique, des clashs qui éclatent et qui sont violents physiquement. Ce n’est pas facile quand on sort de tout ça d’accepter ça, toutes les humiliations qu’on a vécues.

Pourquoi n’y a-t-il presque que vous qui osez parler ?

Il n’y a pas encore beaucoup de candidats qui ont parlé du côté sombre parce que ce n’est pas évident. Il y a des clauses de confidentialité énormes qui sont en place et qui font qu’au moment où on sort, que c’est tout frais, on ne peut pas en parler. Ensuite, le temps passe. Certains espèrent toujours refaire une téléréalité donc ils ne veulent pas forcément se fâcher avec les boîtes de production. Une autre partie des candidats n’a pas de problème avec ce système à partir du moment où ils peuvent y participer et avoir ensuite plein d’abonnés sur les réseaux sociaux. Au moment où on parle, on est mis sous examen, on est examiné à la loupe et à ce moment-là, il faut que l’on soit irréprochable, sinon on va nous dire qu’on en a profité, qu’on fait des partenariats, qu’on gagne de l’argent. Des candidats viennent me parler en privé parce qu’ils savent que je ne vais pas les balancer. Toutes les émissions ne sont pas pareilles, tous les candidats ne participent pas avec les mêmes motifs. Il y a des candidats qui se font manipuler et exploiter et qui ressortent des émissions dans un état très compliqué à rattraper psychologiquement. Il ne s’agit pas de dire que la téléréalité est à jeter à la poubelle et que tout est mauvais. Mais attention, il y a des êtres humains qui participent à ces émissions et qui en ressortent complètement brisés pendant que c’est encore diffusé à la télé.

20 secondes de contexte

Il existe de multiples formes de téléréalité aujourd’hui. Nous avons choisi ici de ne pas y inclure les émissions d’aventures (type Koh-Lanta), certaines émissions de dating (comme l’Amour est dans le pré), les concours (émissions de cuisine, de shopping, etc.) ou encore les télécrochets (sauf Star Academy parce qu’on suivait en continue la vie des candidats au château).

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