Isolement, manque d’interactions sociales, déprime, tristesse, anxiété… Le syndrome de la cabane ou syndrome de l’escargot, est une peur née avec le confinement et la situation sanitaire actuelle, qui peut exposer à un risque de dépression. Décryptage avec Pierluigi Graziani, psychologue.

Le syndrome de la cabane, aussi appelé le syndrome de l’escargot, n’est pas un trouble « reconnu » en psychiatrie, mais plutôt une expression que l’on utilise pour désigner une difficulté à sortir de chez soi et/ou une difficulté à reprendre une vie sociale après une période d’isolement, comme c’est le cas actuellement avec la situation sanitaire (confinement, couvre-feu…). Ce terme de « syndrome de la cabane » (síndrome de la cabaña) a d’ailleurs été rendu populaire à la fin du premier confinement mis en place en Espagne pour lutter contre la Covid-19.

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Syndrome de la cabane : la peur de sortir, nous touche-t-elle davantage avec le confinement ?

Pour une bonne « autorégulation des émotions » et donc une bonne santé psychologique, il est nécessaire de trouver un équilibre entre moments sociaux et moments de solitude. « Chaque individu peut réguler son humeur en alternant les deux. », explique le psychologue Pierluigi Graziani.

« La pandémie modifie cette alternance « idéale » et impose un isolement social. Le risque est que la personne se conforme à cette solitude et ne recherche pas de situations sociales quand elle en a la possibilité. En psychologie, nous décrivons ce phénomène avec le concept d’inertie de la solitude », précise le spécialiste.

Dans le contexte d’isolement actuel, l’inertie de la solitude définit la tendance à rester dans des états prolongés d’être seul. C’est en quelque sorte un cercle vicieux que l’on enclenche, parfois sans même nous en rendre compte : « Plus je passe du temps seul plus je risque de continuer à rester seul ». Ce concept se rapproche de la description du syndrome de la cabane, qui est donc née à la suite du premier confinement.

En d’autres termes, les individus ayant une forte inertie de la solitude ont tendance à moins alterner entre un état de solitude et des interactions sociales. Ils restent dans l’état de solitude, et ont donc plus de risque de souffrir du syndrome de l’escargot.

Syndrome de la cabane : quelles peuvent être les conséquences ?

Les spécialistes s’accordent à dire que la tendance à rester dans des états de solitude (l’inertie de la solitude ou syndrome de la cabane) augmente les symptômes dépressifs, en particulier la rumination.

« Lorsque les interactions sociales sont absentes pendant des périodes plus longues, une rumination excessive peut conduire au développement d’autres symptômes dépressifs (Susan Nolen-Hoeksema, 2000), en particulier, l’anhédonie sociale, ou le désintérêt pour le contact social et la diminution du plaisir découlant du contact social », explique Pierluigi Graziani.

En conséquence, les personnes présentant des symptômes plus dépressifs sont moins motivées à rechercher un contact social en général, mais surtout lorsqu’elles sont seules. Il devient alors plus difficile de s’engager à nouveau dans des interactions sociales. Ne plus être en mouvement augmente la difficulté à répartir. Ainsi, le risque sur le long terme, serait que ces personnes restent « coincées » dans l’isolement social.

Le contact social aide à garder un meilleur sens de la réalité. Échanger avec les autres, aide à corriger ses propres pensées : lors d’une période d’isolement, on a tendance à subir davantage ses propres vulnérabilités psychologiques, et si les personnes à tendance dépressive vont commencer à voir davantage du négatif, à perdre en assurance.

« Avec l’isolement, le sentiment d’auto-efficacité et d’estime de soi diminue. Des idées négatives sur soi peuvent augmenter et certaines personnes peuvent développer des sentiments de honte et de gêne vis-à-vis des autres », prévient Pierluigi Graziani.

Santé mentale : l’isolement affecte certains étudiants

Une étude récente (Hamza, Ewing, Heath, et Goldstein, 2020) a d’ailleurs montré que l’isolement social des étudiants pendant la Covid-19 augmentait la pathologie chez les étudiants.

« Il est intéressant de noter que ce n’était pas la santé mentale des étudiants qui bénéficient d’un suivi en santé mentale avant la Covid-19 qui s’empirait, mais celle d’autres étudiants inconnus par les services psychiatrique jusque-là. », tient à préciser le psychologue.

« Les universités doivent donc continuer à soutenir les étudiants en difficultés et mettre en place des programmes de prévention pour tous les étudiants afin de les aider à gérer cette période d’isolement et d’augmentation de l’effet potentiel d’un isolement social croissant en réponse à la pandémie. Le syndrome de la cabane se traduit chez l’étudiant par un décrochage universitaire et l’augmentation du risque dépressif. », ajoute Pierluigi Graziani.

8 conseils de psychologue pour surmonter le syndrome de la cabane

Pierluigi Graziani, spécialiste de la thérapie comportementale, cognitive et émotionnelle nous donne quelques conseils pour ne pas subir la situation d’isolement :

  • Ne vous dites pas « j’attends que ça passe et tout va redevenir comme avant ». Le temps d’isolement a un effet immédiat, il abîme la santé psychologique en déséquilibrant l’alternance que vous aviez entre moments sociaux et moments de solitude.
  • Gardez des contacts avec vos amis : même à distance, par téléphone, visio ou messages, les interactions avec des amis sont prédictives du bonheur.
  • Augmentez dès que vous le pouvez, les occasions d’interactions sociales : l’interaction sociale aide à sortir des états de rumination et à réguler les émotions. Adaptez-vous, inventez en conséquence : inventez des nouveaux modes de communication, utilisez les réseaux, prévoyez des échanges par visio pour discuter avec les autres.
  • Forcez-vous, si l’envie commence à manquer. Persévérez : il y a plein de choses qui semblent inutiles au premier abord, mais les faire active pourtant votre cerveau.
  • Planifiez votre journée pour garder ou installer de bonnes habitudes : l’isolement risque de modifier un rythme social puisqu’il n’y a plus de contraintes sociales. Il est important de garder un rythme comme avant : je dors la nuit, je mange équilibré, je prends soin de moi et de mon apparence, je m’active le jour.
  • Faites de l’exercice physique, restez en mouvement quotidiennement.
  • Faites également de l’exercice émotionnel : relaxation, méditation, yoga… De nombreuses applications peuvent vous accompagner si vous débutez.
  • Ne procrastinez pas ! La perte de motivation amène à repousser à plus tard ce que vous pourriez faire maintenant. Cela augmente l’anxiété et la dépression. Réaliser une tâche de votre To do list augmente l’estime de soi et le sentiment de maîtrise de votre vie.

Enfin, si certains signes persistent ou apparaissent (déprime, anxiété, tristesse, perte de plaisir, insomnie, tabagisme, augmentation de la consommation d’alcool, drogue…), ne pas hésiter à demander une aide extérieure auprès d’un professionnel. Des consultations en ligne, pour une aide psychologique sont proposée par exemple sur www.psy.link. N’attendez pas la fin de cette situation sanitaire : plus tôt vous consulterez, plus efficace sera la prise en charge !

Syndrome de l’escargot : comment aider un proche qui en souffre ?

Toute personne isolée est exposée à un risque de déprime et peut être confrontée plus tard à la difficulté de reprendre un rythme « normal’. Si un proche est dans un état de perte de motivation à rencontrer d’autres personnes, n’hésitez pas à le solliciter, à « l’obliger » à prendre soin de lui. Faites-le aujourd’hui, et non pas demain. « Vous occupez d’un proche peut d’ailleurs aussi vous aider à donner du sens à cette période difficile ! », encourage le psychologue.

Isolement, déprime… Est-ce forcément synonyme de dépression ?

L’isolement social imposé par le confinement et les autres mesures de restrictions posent la question de ses conséquences sur la santé mentale.

« Les personnes socialement isolées rapportent en général plus de souffrance psychologique et plus de troubles psychiatriques. Les études montrent que les personnes ayant moins de relations sociales, de soutien, sont plus susceptibles de souffrir de stress et en particulier de dépression », explique Pierluigi Graziani.

« La relation entre l’isolement social et la dépression est bidirectionnelle : alors que l’isolement social peut conduire les individus à développer des symptômes plus dépressifs, les symptômes dépressifs peuvent également affecter le degré d’isolement social des individus », précise le spécialiste

Mais comme le rappelle Pierluigi Graziani, être seul, n’est pas nécessairement mauvais : bien qu’être seul puisse avoir des effets négatifs sur la santé mentale, il y en a aussi des effets positifs.

À l’instar des « honjok », des Coréens qui ont fait le choix de vivre leur solitude de manière positive, et d’en tirer de nombreux bienfaits, être seul peut avoir du bon !

« Le fait que la solitude ait ou non un effet positif sur le bien-être et la santé mentale d’un individu peut dépendre du dosage qui doit être adapté en fonction de la personne, du contexte social… Par exemple, dans les populations adolescentes, un temps modéré de solitude est associé à moins de détresse psychologique par rapport aux adolescents qui ont passé moins ou plus de temps seuls », explique le psychologue.

Merci à Pierluigi Graziani, Psychologue sur la plateforme www.psy.link, Professeur des universités en psychologie clinique et psychopathologie, Université de Nîmes et Aix-Marseille Université. À découvrir : son Podcast conseils santé psychologique Deux psys I Psy.link

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