En promotion pour son livre basé sur son film, « Once Upon a Time… in Hollywood », Quentin Tarantino est longuement revenu, dans un podcast mené par le Hollywood Reporter, sur les diverses controverses de sa carrière. Morceaux choisis.

En pleine promotion de son livre basé sur Once Upon a time… in Hollywood, Tarantino était invité fin juin dernier dans un podcast organisé par le Hollywood Reporter, The Joe Rogan Experience.

« Go Suck a Dick ! » C’est en ces termes fleuris et garantis sans filtre que Quentin le poète a évoqué diverses controverses sur sa carrière, comme ses relations avec Harvey Weinstein, la violence envers les femmes dans ses films, la polémique entourant son personnage de Bruce Lee dans Once Upon a Time… in Hollywood, etc. Morceaux choisis.

Désenchanté et émouvant, Once Upon a Time… in Hollywood de Quentin Tarantino a largement su conquérir la critique et le public avec son film. Dans cet hommage foisonnant aux acteurs et actrices dans un Hollywood revisité, on y croise même la route d’un Bruce Lee très / trop sûr de lui, pour ne pas dire carrément arrogant.

Il s’agit en l’occurrence de la désormais fameuse séquence où l’acteur / réalisateur et maître des arts martiaux fanfaronne sur un plateau de tournage, et se vante de pouvoir battre le boxeur Mohammed Ali, avant de provoquer un combat avec le cascadeur Cliff Booth (interprété par Brad Pitt) qui se moque de son attitude.

Pour le plaisir, la séquence, ci-dessous..

Interrogée par le site The Wrap, la fille de Bruce Lee, Shannon Lee, avait confié ne pas avoir été contactée par Tarantino à propos de son père, tout comme elle n’a pas caché son vif agacement à propos du portrait qui en est fait : « Je comprends qu’ils veuillent faire du personnage de Brad Pitt quelqu’un de super bad-ass qui pourrait battre Bruce Lee, mais ils n’avaient pas besoin de le traiter de la façon dont le Hollywood blanc de l’époque l’a fait de son vivant. il est montré comme un trou du cul arrogant qui brasse de l’air, et pas comme quelqu’un qui a dû lutter trois fois plus que les autres pour accomplir ce qui était naturellement donné à d’autres (…).

Ce qui m’intéresse c’est de sensibiliser au fait que Bruce Lee était un être humain et à la façon dont il a vécu sa vie. Tout cela a été mis à mal et a fait de mon père un sac de frappe arrogant ». Avant de conclure par un lapidaire : « C’était très désagréable de m’asseoir au cinéma et d’entendre les gens se moquer de mon père ».

Interpellé à ce sujet lors d’une interview promotionnelle du film à Moscou en août 2019, Tarantino s’est défendu d’avoir déformé la réalité : « Bruce Lee était un type plutôt arrogant », déclara-t-il dans des propos rapportés par le site Variety. « La manière dont il s’exprimait, je n’ai pas tout inventé. Je l’ai entendu dire des trucs comme ça. Les gens prétendent qu’il n’a jamais dit qu’il pouvait battre Mohammed Ali, et bien si, il l’a dit. Non seulement il l’a dit mais sa femme, Linda Lee, a rapporté ces propos dans sa première biographie que j’ai lu. Elle a tout à fait dit ça. »

Pour justifier ce choix de représentation, Q.T. invoqua justement le principe de la fiction : « si on me demande : « qui gagnerait dans un combat entre Bruce Lee et Dracula ? » c’est la même chose. Il s’agit d’un personnage de fiction. Si je dis que Cliff peut battre Bruce Lee, c’est un personnage de fiction donc c’est possible. Voilà la réalité de la situation : Cliff faisait partie des Forces Spéciales. Il a tué beaucoup d’hommes pendant la Seconde Guerre mondiale dans des combats à mains nues.

Ce que Bruce Lee veut dire dans tout ça, c’est qu’il admire les guerriers avant tout. Il admire le combat, et la boxe est ce qu’il s’approche le plus du combat dans le sport. Cliff ne pratique pas un sport, c’est un guerrier (…) Si Cliff devait se battre contre bruce Lee dans un tournoi d’arts martiaux dans un stade, Bruce le tuerait. Mais si Cliff et Bruce se battaient dans la jungle des Philippines dans un combat à mains nues, Cliff le tuerait. »

Des explications que n’a pas franchement apprécié Shannon Lee, qui lâcha au micro de Variety : « Il pourrait juste la fermer. Ce serait vraiment sympa. Ou alors il pourrait s’excuser et dire « Je ne sais pas vraiment qui était Bruce Lee. Je l’ai décrit de cette façon dans mon film, mais il ne faut pas le prendre comme le reflet de ce qu’il a vraiment été ».

Polémique 2.0

Dans le podcast, Tarantino en remet une couche, reprenant plus ou moins sa ligne de défense précédente.

« Je peux comprendre que sa fille ait un problème avec ça, c’est son putain de père, je comprends. Mais n’importe qui d’autre [peut] aller sucer une b… Si vous le regardez, il est évident que Cliff l’a piégé, c’est ainsi qu’il a pu [le battre] c’est expliqué un peu plus dans le livre. […] Les cascadeurs détestaient Bruce sur Le Frelon vert, c’est dans le livre de Matthew Polly… Bruce n’avait que du manque de respect pour les cascadeurs américains et les frappait toujours. Il les marquait toujours avec ses pieds et ses poings et c’est arrivé au point où ils ont refusé de travailler avec lui ».

Ni une ni deux, la fille de Bruce Lee a cette fois-ci pris la plume pour publier une tribune dans le Hollywood Reporter. « J’en ai vraiment marre que les hommes blancs d’Hollywood m’expliquent qui était Bruce Lee. J’en ai marre d’entendre des hommes blancs d’Hollywood dire qu’il était un connard arrogant alors qu’ils n’ont aucune idée de ce que ça pouvait être de trouver du travail dans le Hollywood des années 1960 et 1970 en tant qu’homme chinois avec (Oh Seigneur) un accent (…) J’en ai marre que des hommes blancs d’Hollywood méprennent sa confiance, sa passion et sa maitrise pour de l’hubris. » 

Et Shannon Lee de placer (ou déplacer, c’est selon) la polémique sur un contexte plus générale de regain de racisme anti-asiatique aux Etats-Unis : Pour conclure, à une époque où les Américains d’origine asiatique sont attaqués physiquement, invités à rentrer chez eux parce qu’ils sont vus comme non américains, et diabolisés pour des raisons qui leur échappe, je me sens dans l’obligation de suggérer que les attaques continues de Mr. Tarantino, et sa représentation trompeuse d’un membre pionnier de la communauté sino-américaine ne sont pas les bienvenues. »

Dans le film Les Huit salopards, certains / certaines se sont ému du sort de Daisy Domergue, régulièrement tabassée par le personnage incarné par Kurt Russell, au point d’y voir un écho problématique sur les violences faites aux femmes.

Réponse de Tarantino, qui aime chatouiller le spectateur en le poussant hors de sa zone de confort : « C’est des conneries. Il n’y a rien qui lui arrive qui n’aurait pu arriver à un homme dans la même situation. Si au lieu de Daisy Domergue, c’est [le voleur joué par David Carradine dans Boxcar Bertha] Big Bill Shelly, un homme qui pèse plus de 110 Kg et a une grosse barbe, vous vous en ficheriez que Kurt Russell le gifle tout le temps. Eh bien, ça arrive à une fille qui est aussi mauvaise que Big Bill Shelly, parce que je ne fait pas de putain de favoritisme. Cela rend la séquence un peu plus difficile à regarder, – je suis d’accord avec le fait que ce soit plus difficile à regarder -. Mais bon, c’est un film rugueux, brut ! C’est supposé faire mal ! C’est comme lorsque la famille noire qui tient le relais des diligences est intégralement assassinée par le gang de Daisy. Le fait qu’ils soient noirs fait plus mal. Bien ! C’est censé faire mal ! »

Tarantino est largement redevable à Harvey Weinstein pour avoir mis sur orbite sa carrière, en produisant ses films via sa société Miramax. Lorsque la tempête entourant le producteur accusé de multiples viols et agressions sexuelles s’est lancé, Q.T. est logiquement passé sous le microscope pour qu’il s’exprime sur le sujet. Un délicat exercice, avec l’impression de marcher sur des charbons ardents…

En octobre 2017, dans le cadre d’un entretien d’une heure avec le New York Times, Quentin Tarantino a ainsi reconnu avoir été au courant du comportement d’Harvey Weinstein : « J’en savais assez pour faire plus que ce que j’ai fait. Il n’y avait pas que les rumeurs habituelles, les potins habituels. Ce n’étaient pas de petites histoires. Je savais qu’il avait fait quelques-unes de ces choses. (…) N’importe quel proche d’Harvey a au moins entendu parler de l’un de ces incidents. C’était impossible de ne pas être au courant. (…) J’aurais aimé prendre mes responsabilités par rapport à ce que j’ai entendu. Si j’avais fait ce que j’aurais dû faire alors, je n’aurais pas dû travailler avec lui ».

Quelques mois plus tard, en février 2018, Tarantino fut logiquement contraint de s’exprimer à nouveau, cette fois-ci par rapport aux propos de Uma Thurman, qui vida à son tour son sac à propos de Harvey Weinstein et les incidents de tournage survenus sur Kill Bill.

Dans le podcast donc, Tarantino évoque à nouveau Weinstein, en restant peu ou prou sur la même ligne de défense qu’auparavant. Il souligne qu’un certain degré du comportement du producteur était connu de tous, y compris des principaux acteurs qui ont travaillé avec lui. La situation de Weinstein l’a rendu « triste », considérant l’ex producteur comme « une figure paternelle foutue ».

« J’aurais aimé parler au gars. J’aurais aimé l’avoir assis en face de moi et avoir eu une conversation inconfortable. Je n’étais au courant d’aucun viol ou quoi que ce soit du genre… Mais je savais qu’il était… j’ai mis ça sur le compte du patron qui poursuivait la secrétaire autour du bureau… Qu’il faisait des avances non désirées. C’est comme ça que je l’ai vu… J’aurais aimé l’avoir assis en face de moi et lui dire : « Harvey, tu ne peux pas faire ça, tu vas tout foutre en l’air. Je pense que personne ne lui en a parlé. Et le truc, c’est que tous ceux qui étaient dans son orbite étaient au courant… Ils ne savaient probablement rien des viols. Mais ils avaient entendu des choses ».

Histoire de terminer sur une note plus joyeuse, Q.T. évoque une sympathique anecdote au sujet de Boulevard de la mort. Il révèle en l’occurence qu’il avait d’abord pensé à Mickey Rourke pour le rôle de Stuntman Mike, finalement tenu par Kurt Russell.

Si ce dernier ne démérite absolument pas dans son rôle, le choix initial de Tarantino était intéressant. Dès lors, pourquoi Rourke n’a pas figuré au casting ? Q.T. dans le texte : « Mon premier choix était Mickey Rourke. Cela allait être Mickey et Mickey voulait le faire, mais ensuite ses agents ont commencé… Eh bien, ses agents ont dit : « ils ont besoin de Mickey ». Et ils ont commencé à nous faire chier. Ca se passait au moment où Robert [Rodriguez] faisait son film Planet Terror. Ses agents nous faisaient poirauter. J’ai dit quelque chose comme : « voici notre offre. Vous avez jusqu’à 9h vendredi pour accepter ou refuser l’offre ». Et ils ont laissé passé la deadline ».

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