Porter une armure ne fut pas l’apanage des chevaliers du Moyen Âge. Bien avant eux, des animaux, eux-aussi, en ont revêtues… Non pas sous la forme d’une cuirasse métallique, mais en tant que partie intégrante de leur anatomie. Il s’agissait en effet de plaques osseuses, arborées notamment par une famille de dinosaures du Crétacé : les ankylosauridés.

Présents en de nombreuses régions de la planète au cours d’une période comprise entre -100 et -66 millions d’années, ces animaux à l’allure impressionnante étaient pour la plupart de paisibles herbivores et vieux comme Mathusalem. Ils occupaient leurs longues journées à se promener d’un pas lourd, et s’affrontaient parfois tête contre tête, histoire, sans doute, de passer le temps…

Pour une majorité d’entre eux, la partie d’armure située au niveau du sommet du crâne n’était qu’une cuirasse entièrement lisse. Les tête-à-tête belliqueux ne devaient donc pas avoir de conséquences majeures. Mais pour certains, les choses semblent avoir été bien différentes…

Une révélation issue de dix années d’investigations

La découverte remonte à 2008. Il y a dix ans, des archéologues mettaient au jour d’étranges restes fossiles dans le Monument national de Grand Staircase-Escalante — un parc national situé au Sud de l’Utah, aux États-Unis — issus a priori d’un animal membre de la famille des ankylosauridés. Ce squelette d’ankylosaure s’est révélé comme l’un des plus complets jamais découvert.

L’ensemble mis au jour comprenait en effet un crâne complet, de nombreuses vertèbres, une queue en forme de massue entièrement préservée, et même quelques portions de membres antérieurs et postérieurs. Seulement, c’est une armure crânienne constellée de pics que le spécimen arborait en lieu et place de l’habituelle cuirasse parfaitement lisse de ses congénères. Une telle énigme pour les archéologues, qu’il leur aura fallu une décennie de travail pour en venir à bout.

Elle a été résolue à l’issue d’une étude publiée en 2018 dans la revue PeerJ. Principale révélation de ces travaux inédits : les restes d’armure fossile constellée de pics sont bien ceux d’un ankylosauridés. D’un ankylosauridés, certes, mais membre d’un genre inconnu jusqu’alors, représenté aujourd’hui par une seule espèce : Akainacephalus johnsoni.

De proches parents éloignés sur le plan géographique

Le moins que l’on puisse dire est que le chemin évolutif suivi par cette espèce fut quelque peu sinueux… Plutôt que de s’apparenter à d’autres ankylosauridés de l’Ouest américain, c’est en réalité de ses cousins d’Asie tels que Saichania et Tarchia, qu’Akainacephalus johnsoni semble le plus proche.

Une hypothèse raisonnable serait que les ankylosauridés de l’Utah appartiennent à la même famille que ceux retrouvés ailleurs dans l’Ouest de l’Amérique du Nord, nous avons donc été très surpris de découvrir qu’Akainacephalus était si étroitement apparenté aux espèces originaires d’Asie », retrace le conservateur des collections de paléontologie du Muséum d’histoire naturelle de l’Utah, Randall Irmis.

Un grand voyageur

Si l’on en croit les interprétations avancées par les spécialistes, c’est donc une grande épopée migratoire qu’a dû entreprendre, au Crétacé, Akainacephalus johnsoni. Lui, ainsi qu’un proche parent baptisé Nodocephalosaurus — un autre ankylosaure du Crétacé — qui ont tous deux certainement franchi un pont terrestre qui reliait alors l’Amérique à l’Asie.

C’est toujours excitant de nommer un taxon fossile, mais c’est tout aussi excitant si ce taxon apporte également des informations supplémentaires sur le contexte plus large de sa vie, tel que son régime alimentaire, ou certains aspects de son comportement, et l’environnement dans lequel il vivait », explique l’auteur principal des travaux Jelle Wiersma.

C’est extrêmement fascinant et important pour la science paléontologique que nous puissions extraire tant d’informations à partir des enregistrements fossiles, ce qui nous permet de mieux comprendre les organismes disparus et les écosystèmes dont ils faisaient partie », avance finalement avec enthousiasme Jelle Wiersma.

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