Dans l’imaginaire collectif, la région de l’Algarve – la partie méridionale du Portugal – a souvent mauvaise réputation. C’est oublier qu’elle a décroché, en 2020, le prix de la meilleure destination touristique européenne. Car en marge de quelques stations défigurées par une cohorte de « resorts », il existe encore des villages préservés d’où émane un parfum 248 d’Orient bienveillant.
À l’image du centre historique d’Olhão, le fief traditionnel des pêcheurs de thon et de sardine qui aimante une clientèle exigeante, éprise d’authenticité. À quelques battements d’ailes de Faro, ce joyau cubiste a bien plus à offrir que des kilomètres de plages : une architecture néo-mauresque altière, un parc naturel exceptionnel, un chapelet d’îles solaires, un artisanat de haut vol et une gastronomie qui a le goût du large.
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300 jours soleil par an
« Il n’y a ni frime ni ostentation dans ce village », affirme Tamara Taichman, créatrice de la marque d’accessoires Tila March, conquise par cette cité affranchie des clichés. « On vient y chercher des plaisirs simples : du soleil trois cents jours par an, un horizon bleu cobalt, une nature brute, un retour aux sources de la culture portugaise et la gentillesse de ses habitants, libres et insoumis. On n’est qu’à deux heures de Paris mais tellement loin dans sa tête », ajoute celle qui ne tarit pas d’éloge sur ce port de pêche sans artifice, protégé de la pleine mer par la lagune.
On n’est qu’à deux heures de Paris mais tellement loin dans sa tête.
« Ici, le temps prend effectivement une autre dimension, comme si les horloges s’étaient arrêtées aux années 60-70 », explique Sergio Da Silva, natif d’Olhão et auteur du beau livre Portugal, art de vivre et création*. Il en émane une incroyable douceur de vivre que la population cultive, à l’instar de son riche patrimoine architectural marqué par la présence des Maures jusqu’au XIIe siècle.
Les yeux rivés sur l’Afrique du Nord
« Olhão a beau être en Europe, son centre historique a les yeux rivés sur l’Afrique du Nord. Érigée comme une petite médina, cette bourgade est constituée d’un entrelacs de maisons cubistes, blanchies à la chaux – parfois ornées d’azulejos et habillées de bougainvillées – avec patio, cheminée finement ouvragée et toit terrasse initialement conçu pour sécher le poisson. »
Un lacis de venelles et de rues pavées, protégé depuis 2017 par la municipalité, qui fait aujourd’hui la fierté de ses habitants. Et on les comprend ! « Pendant des siècles, cette localité était habitée par une communauté de pêcheurs qui vivaient dans des cabanes en bois, métamorphosées au fil des années et de la prospérité de la ville en maisons humbles mais empreintes de cet héritage oriental fondateur », ajoute Sergio Da Silva, pas du tout effrayé par l’arrivée d’une nouvelle communauté de Français, de Belges et d’Anglais plutôt esthète, qui réhabilite scrupuleusement ces constructions.
Consciente du cachet exceptionnel de ces habitations, dont l’architecture rappelle les casbahs marocaines. Tombée amoureuse de ce village, la réalisatrice Catherine Breillat loue également sa beauté farouche et sa modernité à contre-courant : « Ici, tout est gai et charmant sans être ni bourgeois ni kitsch pour autant ! Ce petit port m’a hypnotisée alors que j’allais depuis vingt ans à Bréhat. »
Ici, tout est gai et charmant sans être ni bourgeois ni kitsch pour autant.
Plages uniques
C’est vers la réserve de la Rio Formosa que tout le monde file aux premiers rayons de soleil, un sanctuaire de la vie sauvage considéré comme l’une des Sept Merveilles du Portugal. Un paysage immobile formé de marais salants, de chenaux ostréicoles et de bancs de sable dont certains composent de longues îles émaillées de petits bungalows.
Accessible en ferry, ce parc naturel peuplé d’oiseaux migrateurs, de flamants roses, de martins-pêcheurs ou de talèves sultanes – la mascotte des lieux – abrite aussi la plus grande communauté d’hippocampes au monde et fournit 90 % des palourdes et des huîtres du Portugal.
Impossible d’évoquer la lagune et ses îles (Armona, Culatra et Deserta…) sans faire un détour par ses plages, magistrales, léchées par l’océan Atlantique, qui méritent à elles seules le voyage. Sauvages, immenses, elles sont parmi les mieux préservées d’Europe, loin du tumulte cosmopolite d’Albufeira ou de Portimão.
Coquillages et crustacés
Dans ce port de pêche, les nouveaux arrivants savourent la vie simple faite de rencontres vraies et de partage, comme une source de bonheur oublié, dans un monde de plus en plus virtuel. À l’exemple de Kevin Gould, ex-critique gastronomique à The Guardian, qui a inauguré il y a trois ans une ravissante « tasca » – comprenez une taverne – où il mitonne une cuisine locavore.
Palourdes aux pois chiches et chorizo, crevettes poêlées et aïoli maison, coques sautées aux feuilles de betteraves cuites à l’étouffée sont quelques-unes de ses spécialités iodées. Il faut dire que la ville possède le plus grand marché aux poissons de l’Algarve, alangui sur les quais, à fleur d’eau. Outre les coquillages et crustacés à foison, on y retrouve aussi l’âme de cette province qui a le goût de la patate douce, du porc noir, des oranges douces et juteuses, des caroubes ou des figues gorgées de soleil.
Ville d’artisanat
C’est à la richesse de son artisanat que cette région doit également son charme indéniable, dont le village de Loulé, à proximité, est l’un des meilleurs ambassadeurs. Paniers, chapeaux, suspensions, tapis tressés à partir de feuilles de palmiers séchées sont encore fabriqués à la main par une douzaine de femmes de la Casa da Empreita, soucieuses de transmettre ce savoir-faire séculaire.
Juste à côté, un ancien palais privé – Loulé Design Lab – a été investi par vingt-huit designers en résidence, qui incarnent la modernité du Made in Portugal. À quelques pavés de là, Analide Carmo, chaudronnier, martèle sous vos yeux des « cataplanas » (les plats traditionnels) et de belles suspensions en cuivre. « Le cool de cette région n’est pas dans la nouveauté mais dans l’intemporalité et la sincérité », résume Catherine North, fondatrice de Luz do Algarve. Une agence de location de maisons avec conciergerie qui gère une quinzaine d’habitations toutes chargées d’histoire.
Le cool de cette région n’est pas dans la nouveauté mais dans l’intemporalité et la sincérité.
Pour elle, le salut d’Olhão tient à sa topographie. Comme on accède aux plages en bateau, la ville a été épargnée par l’industrie du tourisme, qui préfère le confort d’une résidence les pieds dans l’eau aux plaisirs éclairés et à la beauté cachée.
(*) Éditions de La Martinière.
Six incontournables à Olhão
- Déguster poissons et crustacés au Cha Cha
Une délicieuse taverne dont la carte fait la part belle aux poissons et aux crustacés locaux, pilotée par un ex-critique gastronomique du Guardian. À côté, il a inauguré une superbe pâtisserie sans gluten, Santa Maria Madalena.
- Déjeuner green à L’Estaminé
Sur l’île déserte de la Ria Formosa (ilha Deserta, en fait ilha da Barretta), ce restaurant écoresponsable ravit autant la vue que le palais. Tout y est exquis : les seiches panées, les beignets de coques, les gambas au beurre d’ail. Un bout du monde au chic informel.
- Dormir serein à la Casa Fuzetta
Avec un goût exceptionnel, les propriétaires ont relié trois belles maisons bourgeoises qu’ils ont transformées en une demeure ultra-élégante dans le cœur historique d’Olhão. Dans les chambres, pas de falbalas mais quelques meubles anciens bien choisis. Une bulle de sérénité à louer pour des retraites de yoga ou des évènements entre copains. Piscine sur le toit. 1 650 € la nuit pour 24 personnes.
- Se reposer au Convento
Une adresse rare, divinement bien située, à deux pas du marché et de l’embarcadère des ferries. Les propriétaires ont restauré un ancien phalanstère en une jolie demeure aux allures de riad doté d’un patio lumineux et d’un toit terrasse avec un bassin de nage. Les neuf chambres immaculées possèdent toutes un charme fou. À partir de 105 € la chambre.
- Dénicher des créations artisanales chez Zé e Maria
Dans ce concept store créé par Claudia Lichtenstein (à la tête de l’agence d’architecture Saudade) et Olivier Pereira, on a envie de tout. On y trouve le meilleur de la production artisanale locale : céramiques, textiles, verreries ou objets en liège. Une sélection bien inspirée et à prix doux.
- Louer une maison typique avec Luz do Algarve
Fondée par Catherine North, cette agence dispose d’une quinzaine de maisons et appartements traditionnels, à louer pour un week-end ou une semaine dans le centre historique d’Olhão. À partir de 80 € la nuit.
- Découvrir la région
Visites privées de la ville d’Olhão et des alentours : domitur.pt. Visites de la Ria Formosa en bateau-taxi : portugalnolimits.com. Plus d’informations à l’office de tourisme de l’Algarve.
3 vols Paris-Faro par semaine à partir du 28 mars 2021 avec la compagnie Transavia, à partir de 34 € TTC l’aller simple. Départs aussi de Lyon et Nantes.
Cet article a été initialement publiée dans le n°822 du magazine Marie Claire, daté de mars 2021.
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