Certaines personnes éprouvent un grand dégoût au contact physique. Cela s’appelle l’haptophobie. Quand les symptômes s’aggravent, cette angoisse s’avère difficile à surmonter sans aide thérapeutique.

Qu’est-ce que l’haptophobie ?

L’haptophobie se caractérise par la crainte irraisonnée du contact physique. « Le patient a peur de toucher l’autre et a peur d’être touché, il voit dans la proximité de l’autre quelque chose de dangereux. Cela peut s’étendre à la simple idée d’être en présence de quelqu’un, de sentir sa respiration, son souffle », explique la psychanalyste Florence Lautrédou. Elle vient de « hapto », qui veut dire « toucher » en grec, et de « phobos », la « peur ».

Lire aussi >> Olivia, haptophobe : « Je ne supporte pas qu’on me touche »

Pourquoi ces personnes n’aiment-elles par qu’on les touche ?

Comme souvent pour les phobies, la psychanalyste rappelle qu’elle s’exprime pour canaliser une peur sous-jacente, moins concrète. « L’haptophobie peut avoir des explications diverses, liées à l’historique de chaque patient. Il s’agit souvent d’un mécanisme de déplacement : par exemple, j’ai peur de la maladie, cette angoisse me dépasse et se transforme en charge émotionnelle trop intense, je déplace ma peur sur un objet phobique qui devient ici le fait d’être en contact direct avec autrui », développe Florence Lautrédou.

L’haptophobie peut aussi avoir pour origine un traumatisme, comme une agression sexuelle, répondre à un besoin extrême de contrôle de son corps, s’expliquer par une crise identitaire ou prendre source dans des habitudes culturelles différentes, rendant les traditions de la bise ou de l’enlacement assimilables à une intrusion, par exemple. « Mais il n’y a pas forcément de logique de similarité entre traumatisme et phobie, rappelle-t-elle. Parfois, l’haptophobie n’a pas de cause évidente ou directe. Cette phobie est néanmoins renforcée par un contexte anxiogène qui amplifie le paradigme d’hygiène versus la maladie. Le climat actuel lié à la Covid-19 risque de jouer un rôle de déclencheur ou d’amplificateur de cette anxiété du toucher. »

Comment se manifeste l’haptophobie ?

« En général, l’haptophobie commence par de petites choses : je n’aime pas trop toucher l’autre. Puis cela prend de plus en plus de place : il devient compliqué de toucher ce que l’autre a touché avant soi. Donc on arrête de toucher la chaise du restaurant où l’on mange, on n’ose plus toucher la poignée du métro, finalement on ne va plus au restaurant et on ne prend plus le métro, la problématique s’étale et bloque le périmètre de vie », détaille la psychanalyste. Si la personne haptophobe est touchée contre son gré – bousculade, enlacement, peau effleurée, parfois juste une proximité renforcée – elle va ressentir des manifestations d’une crise d’angoisse : elle peut sursauter, crier, avoir un mouvement de recul, voire de rejet, avoir une montée d’adrénaline, transpirer excessivement, voir son rythme cardiaque s’accélérer, elle peut aussi se figer. « L’haptophobie peut entraîner une réaction violente, la personne se sent envahie dans son espace vital et perçoit cette intrusion comme potentiellement létale. Elle va se nettoyer, tenter de se protéger en se purifiant. Tout peut être insupportable : l’odeur de l’autre, ses postillons, tout ce qui exprime la vie en face de soi. Les personnes haptophobes sont souvent très fatiguées, car cette phobie demande de mettre en place des stratégies souvent complexes nourries par une vigilance constante, donc épuisante », termine Florence Lautrédou.

Quels traitements peuvent aider à lutter contre l’haptophobie ?

Pour traiter l’haptophobie, il y a plusieurs écoles. Les thérapies brèves, telles que les thérapies cognitives et comportementales (TCC), ou encore l’hypnose éricksonienne. Dans ces deux cas, le patient va devoir se confronter à sa phobie pour en sortir. Dans le cas des TCC, la personne haptophobe sera exposée à une échelle des peurs et accompagnée face à la phobie. Elles sont efficaces mais ont parfois le défaut de voir la phobie se déplacer sur autre chose. « L’autre approche, probablement plus longue, consiste en une psychanalyse, enrichie d’apports liés à la pratique narrative. Cela permet au patient de mettre en place des associations libres, pour dérouler le fil de la phobie, trouver des images corrélées, parvenir à un historique voire une archéologie de cette phobie dans son histoire personnelle », explique Florence Lautrédou. Un des objectifs consiste à désactiver la réaction émotionnelle forte liée au toucher, à la proximité d’autrui, sans attaquer le symptôme directement. « On ne cherchera pas non plus à le circonscrire à une ou plusieurs causes. Cette approche implique une narration ou une re-narration par le patient, elle peut être très efficace, mais de manière différée. Elle ne peut pas convenir avec le besoin de solution rapide d’une personne sévèrement haptophobe », termine Florence Lautrédou.

Peut-on être pris en charge lorsqu’on est haptophobe ?

Comme toute phobie, l’haptophobie est reconnue comme un trouble anxieux par le DSM (manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux). Elle peut donc être prise en charge, soit via des consultations auprès d’un psychiatre, remboursées par la sécurité sociale. Soit auprès d’un hypnothérapeute, d’un psychologue, ou encore d’un psychanalyste, en fonction de la complémentaire santé choisie et du forfait de remboursement proposé.

L’haptophobie se guérit-elle ?

L’haptophobie peut tout à fait être guérie, elle n’est pas une fatalité. Selon le type de thérapie choisie, la phobie du toucher peut mettre plus ou moins de temps à être éradiquée. La sécurité sociale estime qu’une approche en thérapie cognitive et comportementale demande 12 à 25 séances pour soigner la personne haptophobe.

Source: Lire L’Article Complet