Scénariste, actrice, réalisatrice, romancière, Laetitia Colombani sait raconter des histoires et traduire en situations concrètes, tendues par le suspense, des trajectoires humaines pleines de sens qui, toutes, lui tiennent à cœur et dont les « scénarios » nous happent à chaque fois.
Ses personnages féminins et la force de leur lien, voilà son talent premier, qui nourrit ici son troisième roman, en même temps que l’adaptation de son best-seller La tresse qu’elle va réaliser elle-même pour le cinéma – tournage en préparation. Mais elle a quand même trouvé le temps de nous parler.
Marraine d’écoles en Inde et à Madagascar
Marie Claire : Quelle nécessité intérieure propulse l’envol de votre « Cerf-volant » ?
Laetitia Colombani : Quelques années après la sortie de La tresse, un instituteur français à la retraite m’a écrit que ce roman l’avait bouleversé. Il avait ouvert une école privée pour les enfants des « intouchables », qui ne sont pas scolarisés, ou dans des conditions si pénibles que ça les décourage.
Aujourd’hui encore, ils sont discriminés et maltraités, dans les grandes villes et plus encore les villages. Avec double peine pour les petites filles. En février 2020, j’ai visité son école lors d’un voyage en Inde où se mélangent partout le sublime et l’effroyable et à mon retour, j’ai commencé à écrire Le cerf-volant.
Partagez-vous cette envie de ficher le camp, loin de tout, comme votre héroïne Léna ?
Non, je suis très heureuse dans ma vie. Mais je peux la comprendre, avec cette petite voix me chuchotant parfois, néanmoins : « Ce serait mieux ailleurs, à l’autre bout du monde. » Léna, elle, était en perdition totale avant de partir en Inde fonder cette école où elle recueille – entre autres – une petite fille exploitée par son entourage. Ma seule perdition au moment de l’écriture, très relative, c’était de subir comme nous tous un confinement assez pénible me poussant à rêver de lointain.
Et concrètement, comment se manifeste votre sens de la solidarité ?
Rien de comparable avec Léna, ou ces gens, ces femmes qui dédient vraiment leur vie aux autres et pour lesquelles j’ai une admiration extrême. Moi, je ne fais qu’aider l’Armée du Salut et je suis la marraine de quelques écoles en Inde et à Madagascar.
Quelle est votre forme de féminisme ? Musclé ?
Je suis une féministe pacifiste. Car, par nature, je suis contre toute violence. Mais en Inde, 70 % des femmes sont maltraitées, ce qui inclut violences et viols. Les lois n’étant pas appliquées et la police ne les aidant pas, il y a donc urgence pour elles à se défendre. D’où cette « Red Brigade » qui joue un rôle important dans mon livre. Elle existe dans la réalité, constituée de jeunes femmes bien entraînées et dont les interventions défensives peuvent être assez musclées…
Je suis contre toute violence. Mais en Inde, 70 % des femmes sont maltraitées, ce qui inclut violences et viols. Les lois n’étant pas appliquées et la police ne les aidant pas, il y a donc urgence pour elles à se défendre
Scénariste, cinéaste, écrivaine… Si vous ne gardiez qu’une de ces activités, et si vous en ajoutiez une, lesquelles ?
S’il fallait vraiment n’en garder qu’une : romancière, car seule en face de son clavier, on n’a besoin de personne. Une de plus ? Sans hésiter : psychologue ou psychanalyste. Car là, ce serait une autre façon d’entrer à l’intérieur des personnages.
(*) Éd. Grasset, 18 €.
Cette interview a initialement été publiée dans le numéro 826 de Marie Claire, daté juillet 2021.
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