Vogue revient sur les différentes carrières de l’écrivaine française.
Vogue revient sur la vie et la riche carrière de Colette, l’une des écrivaines les plus importantes du 20ème siècle, première femme à avoir été nommée présidente de l’Académie Goncourt. En marge de son oeuvre littéraire, elle fut tour à tour journaliste, danseuse de music-hall et directrice d’un institut de beauté, trois activités qui en disent long sur son histoire et son rapport à la féminité dans la France du 20ème siècle.
Colette en 1922
© Apic/Getty Images
Colette journaliste
À la toute fin du 19ème siècle, alors mariée à Henri Gauthier-Villars, Colette publie ses premières chroniques musicales dans le quotidien La Cocarde. Alors qu’elle rédige, sous les ordres de son mari, les premiers volets de la saga Claudine (signés Willy), elle entame une carrière dans la presse, qui fera d’elle l’une des journalistes les plus prolifiques de son temps. Critique, reportage, enquête, nouvelle, Colette maîtrise tous les formats, qu’elle traite avec un extraordinaire talent d’écrivain alors tenu secret par un mari opportuniste, qui préfère signer de son propre nom les œuvres romanesques de sa femme. La devise de Colette : "Il faut voir et non inventer". Et c’est à travers cette vision sensorielle du monde qu’on lui connaît si bien, qu’elle traite de sujets aussi vastes que la vie des femmes pendant la guerre, l’arrestation de Jules Bonnot et les mondanités parisiennes. Au long de sa vie, elle collabore à de nombreux titres, de La Fronde au Figaro en passant par Le Matin (son second époux, Henry de Jouvenel, en est alors rédacteur en chef), Le Mercure Musical (elle y publie une partie de ce qui deviendra Les Vrilles de la vigne), Paris-Soir et Marie Claire. À travers ce riche portfolio se dessinent les contours d’une écrivaine plurielle, qui traite de l’actualité avec autant de curiosité et de liberté qu’elle analyse et commente la condition des femmes de son époque. Et cette grande sensibilité qu’elle emploie pour décrire le monde dans lequel elle évolue, ses paysages et ses couleurs, comme dans cet article publié le 29 juillet 1915 dans Le Matin, intitulé Mes impressions d’Italie : "C’est l’heure des réverbères bleus. La hâte, le hasard ont varié leurs couleurs, du bleu brillant des vitraux gothiques jusqu’à l’azur de la mer peu profonde. Nos visages et nos mains nus reçoivent tantôt le bleu flatteur d’un clair de lune d’août, tantôt la pâleur verte de l’éclairage oxhydrique; le brouillard du Tibre tremble en halo autour des veilleuses bleues égrenées le long d’un quai… Rome, bleue, intacte, parée par la guerre, a trouvé dans la guerre de quoi rendre plus belle la beauté de ses nuits."
Colette en reine égyptienne
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Colette actrice
En 1906, après treize années de mariage, Colette divorce de Willy. Un acte fort de symboles dans la France de l’époque, qui marque l’émancipation intellectuelle de celle qui deviendra l’illustre femme de lettres qu’on connaît. Dès cette même année, soutenue par son ami Georges Wague, comédien et mime de l’Opéra de Paris, elle entame une carrière parallèle dans le music-hall. Ses premières représentations sur les planches de l’Olympia, où elle s’essaye aux pantomimes (représentations théâtrales muettes), lui valent une critique dithyrambique dans la presse parisienne – Le Figaro dira d’elle que "L'étrangeté expressive de sa mimique subjugue tous les Parisiens". Plus que son visage, c’est son corps tout entier que Colette dévoilera au public, lors de représentations qui font rapidement scandale. Au début de l’année 1907, elle se produit au Moulin Rouge dans Rêves d’Egypte, aux côtés de sa maîtresse Missy, la Marquise de Morny. Le baiser qu’elles échangent sur scène à la fin du spectacle provoque un tollé. Sa carrière poursuit néanmoins, dans les plus grandes salles parisiennes et dans toute la France. Dans L’envers du music-hall, publié en 1913, un an après qu’elle a quitté les planches, l’écrivaine raconte les difficultés du métier d’actrice, le rythme éreintant des tournées, la fatigue physique et mentale : "J’en suis restée craintive. Plus je regarde les autres se démener, plus j’ai envie de rester assise… Et puis, ici, on ne voit que la peine que les gens se donnent. La lumière du théâtre, les paillettes, les costumes, les figures maquillées, les sourires, ce n’est pas un spectacle pour moi, tout ça… Je ne vois que le métier, la sueur, la peau qui est jaune au grand jour, le découragement… Je ne sais pas bien me faire comprendre, mais mon imagination travaille là-dessus… C’est comme si j’étais seule à connaître l’envers de ce que les autres regardent à l’endroit…"
Colette en 1932
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Colette directrice d’institut de beauté
C’est peut-être l’épisode le plus étonnant de la carrière de Colette. En 1932, l’écrivaine ouvre un institut de beauté rue Miromesnil, à Paris, subventionné entre autres par son amie Winnaretta Singer, dite Winnie, Princesse de Polignac. Dans une lettre à une amie, elle annonce son ouverture avec ironie : "Je travaille aussi à mon prochain commerce de "trucsasfouttsulapeau". C’est assez amusant et j’en ai déjà de bien jolis." Ce projet, que peu de proches de l’écrivaine soutiennent, concrétise l’intérêt de Colette pour les cosmétiques, qu’elle fabrique elle-même avec des fruits, des légumes et du cold-cream. Dans un texte de 1933, elle détaille les différentes facettes d’une industrie cosmétique en plein essor, qui sublime la femme autant qu’elle la contraint : "Nous détenons des gammes à enivrer un peintre. L’art d’accommoder les visages, l’industrie qui fabrique les fards, remuent presque autant de millions que la cinématographie. Plus l’époque est dure à la femme, plus la femme, fièrement, s’obstine à cacher qu’elle en pâtit. Des métiers écrasants arrachent à son bref repos, avant le jour, celle qu’on nommait “frêle créature”. Héroïquement dissimulée sous son fard mandarine, l’oeil agrandi, une petite bouche rouge peinte sur sa bouche pâle, la femme récupère, grâce à son mensonge quotidien, une quotidienne dose d’endurance, et la fierté de n’avouer jamais…" Si l’institut, où Colette maquille elle-même ses clientes, ne connaît pas le succès escompté, il marque un tournant clé dans l’histoire de la mode et de la beauté, puisque Colette est l’une des premières personnalités de l’époque à donner son nom à une marque. De la formulation des produits jusqu’à la distribution, en passant par les packagings et les conseils prodigués aux clientes, elle gère la totalité de son entreprise, une pierre de plus à l’édifice d’une vie qui reste aujourd’hui l’un des plus forts témoignages de l’émancipation intellectuelle, culturelle et professionnelle des femmes.
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