franceinfo : Les méchants est un film surprenant. On sent qu’il y a beaucoup de vous dedans et on se rend compte de qui vous êtes, d’où vous venez, ce qui vous a touché, comment vous vous êtes construit. Je me trompe ?

Mouloud Achour : C’est vrai qu’il est très personnel. Le défi de ce film, c’était de se dire peut-être que je n’en ferai qu’un dans ma vie, donc, autant tout donner et montrer qui on est. Souvent quand on touche au genre qu’est la comédie, c’est un genre très industrialisé en France, on a beaucoup d’archétypes. Moi, je suis un grand fan, par exemple, de Mel Brooks, des Monty Python. Le baron de Münchhausen est un de mes films préférés de tous les temps et je me suis dit qu’il fallait être capable de faire une comédie comme on fait un film d’auteur, parce que les gens que je viens de citer sont des auteurs.

J’avais envie d’approcher la comédie, de me dire on va donner de soi, on va donner de son point de vue pour faire une farce.

à franceinfo

C’est l’histoire d’un jeune homme qui essaie de s’en sortir, de survivre. Et comme il a une bonne tchatche, il va tenter de vivre de petits larcins. Sa vie va complètement basculer du mauvais côté puisqu’il va devenir le ‘méchant’. C’est un vrai regard sur la manipulation de l’information, les fake news, sur ce besoin de millions de clics pour avancer et c’est aussi un regard sur le métier de journaliste qui est de plus en plus précaire.

C’est une déclaration d’amour à ce métier. Le métier de journaliste, pour moi, c’est le dernier rempart de la démocratie, surtout dans la campagne présidentielle qu’on est en train de vivre. C’est une année particulière et c’est important que ce film sorte maintenant car l’information, pour moi, ne doit pas être mélangée au divertissement cette année-là.

Par exemple, chez Click, on n’invitera pas de politiques cette année parce que ce mélange des genres est compliqué. Le message du film est tout simple : Plutôt que de prêter attention au bruit médiatique qu’on nous envoie tout le temps, faites une chose très simple, au lieu de lire les fake news, tout ce qu’on vous envoie sur les groupes WhatsApp et les réseaux sociaux, procurez-vous les programmes des candidats, prenez une carte d’électeur.

Le bruit doit se faire en silence dans les urnes et pas dans l’espace médiatique.

à franceinfo

Comment êtes-vous arrivé au journalisme? On sait très peu de choses sur vous.

J’ai été sauvé par la culture hip hop. J’ai rencontré le Mouvement de l’immigration et des banlieues, une association née à l’époque de la Marche pour l’égalité. Récupérée plus tard par SOS Racisme et le Parti socialiste, elle est devenue la Marche des beurs. C’était un mouvement qui se battait à l’époque contre la double peine : prison + expulsion, qui alertait sur les dangers de la précarité dans les quartiers, parlait des violences policières à un moment où ce n’était pas audible.

Ils m’ont donné une culture, un enseignement et une façon de lire l’actualité qui m’a suivi. Lorsque j’ai voulu faire des études de journalisme, on m’a dit : « Mais il faut que tu ailles à la fac de Villetaneuse. Après trois ans, tu pourras peut-être faire une école de journalisme« . En fait, j’ai senti le panneau ‘Voie de garage’ arriver parce que quand j’y suis, je vois des gens qui décrochent au bout de six mois, un an, car juste le trajet prenait à peu près 1h45 par jour. Donc, j’ai fait un truc très simple, je suis allé à la fac et j’ai pris la bourse pour produire une mixtape qui s’appelle Un jour peut-être, dans laquelle il y avait le groupe La Caution. L’affiche Des méchants est un hommage à cette mixtape donc tout est lié.

A quel moment ce film est né dans votre tête ? Pendant très longtemps, on vous demandait de réaliser et vous ne souhaitiez pas faire un film pour faire un film.

J’avais envie d’avoir des choses à dire. Et puis, il y a une série d’attentats terroristes en 2015 en France. Charlie Hebdo d’abord, le 13-Novembre, Nice ensuite. Ça tombe au moment où on est en train de créer Click. On a la chance d’avoir un entretien, le dernier accordé, avec Kanye West. Cela fait le tour du monde et je suis invité sur une chaîne d’info et là, on me demande si je suis solidaire ou pas de ce qui s’est passé au niveau des attentats. Je me dis qu’il y a un problème, qu’on est en train d’exclure de la communauté nationale une partie des Français, alors que ce n’est pas un gouvernement du Rassemblement national, mais un gouvernement socialiste.

Les attentats de 2015 étaient des moments où il fallait faire corps avec tout le pays, inclure les gens de toutes les origines pour combattre le terrorisme. C’est un moment raté. Ce moment de communion nationale aurait pu être incroyable. La France aurait pu montrer toute sa grandeur au monde entier et on a été médiocres.

à franceinfo

Je me suis senti extrêmement insulté et je me suis senti ‘méchant’, au même titre que quand j’entends une interview d’un syndicaliste qui demande des droits pour des ouvriers, il est considéré comme un ‘méchant’, lorsqu’une femme demande l’égalité salariale, elle est considérée comme ‘méchante’. Quand on s’est trompé, tout de suite, on est mis au ban des ‘méchants’. Ce film Les méchants est une déclaration d’amour à la France et à la deuxième chance. On a tous en nous, une part foireuse et on est tous, le ‘méchant’ de quelqu’un.

La suite serait de décliner les aventures de Patrick et Sébastien, deux personnages du film ?

Oui. Je pense qu’on est à un moment où ce pays a besoin de rire ensemble.

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