Pour ne pas céder à la morosité, le Dr François Bourgognon, psychiatre, psychothérapeute, spécialiste de la méditation, nous invite à l’acceptation active.

Toutes les études montrent que les états dépressifs et anxieux ont augmenté depuis un an. «On constate une vraie forme d’épuisement, confirme le Dr Bourgognon. La crise a un coût moral et psychique évident. Les gens sont véritablement « usés ».»

Madame Figaro. – Comment lutter contre cette usure psychique ?
Dr François Bourgognon. –
Il est indispensable de connaître la stratégie d’acceptation active, qui n’est pas la résignation. Comme le dit très justement l’écrivain Sylvain Tesson, la seule manière de ne pas succomber à l’effondrement intérieur est de ne pas engager une lutte contre le temps, de ne pas se fixer des échéances précises, car, à force de devoir les repousser encore et encore, on se démoralise. Comme dans les arts martiaux, ne pas lutter mais accompagner. Il y aura forcément un après, mais trop l’anticiper peut s’avérer contre-productif. Il faut admettre que notre vision de l’avenir est floue. Il faut faire avec le flou.

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N’est-ce pas justement ce flou qui est angoissant ?
Face à l’adversité, on a tendance soit à lutter, soit à fuir. Je prends souvent l’image du navigateur dans la tempête. Il ne sait jamais quand elle va finir. Il doit juste la traverser. Personne ne contrôle la météo. Si on continue de faire comme si les vents étaient favorables, le bateau casse ; si on va se réfugier dans la cale, le bateau part à la dérive. En réalité, la seule option pertinente est de rester sur le pont et d’orienter les voiles afin de maintenir au mieux le cap, la direction. Il faut faire corps avec les éléments, sans s’épuiser. Ne pas chercher à contrôler ce qui ne peut pas l’être. Il faut concentrer son énergie sur ce sur quoi on peut agir. Cela consiste à embrasser la réalité du moment, et tout l’inconfort qui va avec.

Même quand le beau temps tarde à revenir ?
Notre époque, caractérisée par le confort et l’urgence, ne connaît pas l’acceptation et perd de vue ce qui compte réellement. Nous voulons tout contrôler et pensons que le moindre inconfort est anormal. On nous répète depuis l’enfance que «quand on veut, on peut», «qu’il n’y a pas de problème, que des solutions». Or, dans la vie, il y a des choses sur lesquelles nous pouvons agir, et d’autres, pas. Et si nous refusons une réalité qui s’impose à nous, nous la subissons d’autant plus lourdement. C’est pourquoi il est nécessaire de changer de logiciel pour adopter celui de l’acceptation, de l’engagement, centré sur les valeurs.

Et comment fait-on concrètement ?
Les valeurs représentent ce qui donne du sens à l’existence, ce qui l’organise. Comme une boussole qui indique les grandes directions de nos vies. Ces dernières ne doivent pas être confondues avec des objectifs. Les objectifs ont une finalité mesurable, ce sont des buts à atteindre.

Par exemple, «voir ses proches tous les week-ends» est un objectif, alors qu’«être présent et soutenant» correspond à une valeur. On n’a pas forcément besoin de voir les gens pour faire attention à eux, leur signifier qu’on les aime. Autre exemple : «obtenir un meilleur travail» est un objectif ; «être utile, efficace et créatif» est une valeur.

L’important est de pouvoir continuer d’avancer du mieux possible, dans la réalité du moment, vers ce qui est important pour nous. J’utilise la thérapie d’acceptation et d’engagement avec mes patients, et je me l’applique également à moi-même. On peut la résumer en trois mots : présence (regarder la réalité bien en face), acceptation (faire avec ce qui ne peut être évité ou changé) et engagement (avancer en direction de ses valeurs). Celle-ci m’a énormément aidé à traverser cette période difficile, et j’en sors, je crois, plus souple, plus flexible.

Auteur de Ne laissez pas votre vie se terminer avant même de l’avoir commencée, Éditions Pocket, 192 p., 6,95 €.

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