En attendant que les restrictions aux frontières s’assouplissent, les couples binationaux séparés depuis la crise sanitaire se mobilisent sur les réseaux sociaux via le mouvement #LoveIsNotTourism. De leurs discussions émergent des solutions, parfois extrêmes, pour tenter de retrouver à tout prix l’être cher.

«Ce virus n’aime pas l’amour, nous si !» Dans un entretien au Journal du dimanche, publié début août, le secrétaire d’État au Tourisme Jean-Baptiste Lemoyne annonçait la mise en place d’une procédure dérogatoire permettant aux 2000 couples binationaux français non-mariés ou non-pacsés de se retrouver malgré la fermeture des frontières, décrétée avec l’épidémie de coronavirus. Une décision qui aurait été permise, entre autres, grâce au lancement d’un hashtag fédérateur et mondial #LoveIsNotTourism, le 4 juin 2020, décliné depuis en un site internet et plusieurs groupes Facebook, dont le principal compte plus de 31.200 membres.

Le Danemark, la Norvège, les Pays-Bas ont été les premiers à entendre ce cri du cœur et à accueillir à nouveau les compagnons étrangers de leurs concitoyens, qu’importe leur nationalité, à condition de justifier d’un test Covid-19 négatif. Depuis, treize autres pays dont l’Allemagne, la France ou encore L’Espagne ont suivi le pas, encouragés par la Commission européenne à clarifier cette situation. Seulement, ces démarches sont loin d’être sans obstacles.

En France, 20% des demandes rejetées

En France, les couples doivent notamment monter un dossier complexe prouvant l’antériorité de leur relation (de plus d’un an), le passage du conjoint sur le sol français ou encore la certification que ce dernier est originaire d’un pays qui autorise les retours de ses ressortissants. Sont exclus de la procédure les relations en ligne et les salariés étrangers. Environ 20% des demandes sont rejetées, sans un mot ni une explication de l’administration consulaire, comme le rapporte France Culture. Alors au nom de l’amour, et parfois du risque, bon nombre épluchent les législations internationales et partagent leurs expériences en ligne pour se réunir coûte que coûte, malgré la propagation du virus.

En vidéo, malgré le confinement, un couple se marie en visioconférence

À la recherche d’un troisième pays

«La nature humaine démontre que lorsqu’on ne peut pas passer par la porte, on y va par la fenêtre», concède Nicolas Perret, un des administrateurs du groupe Facebook LoveIsNotTourism France. Depuis le 15 janvier, le quinquagénaire n’a pas pu serrer dans les bras sa compagne russe, avec laquelle il partage une relation depuis plus d’un an et demi. Il fait partie des rares à espérer obtenir un laissez-passer spécial pour faire venir sa conjointe d’ici à Noël. «Tant qu’elle n’est pas là, rien n’est joué», assure celui qui regarde aussi avec intérêt les alternatives proposées par les utilisateurs du groupe, mais qui se dit aussi «trop vieux» pour toutes ces aventures.

Ce qui n’est pas le cas de Mathieu qui raconte sur Facebook comment son amie russe Oksana a «forcé le passage» en se tournant vers la Grèce, pays délivrant à nouveau un visa Schengen. En pratique, ce dernier permet à une personne de voyager dans tous les pays de l’espace Schengen pour une période de 90 jours. Une fois ledit sésame obtenu à l’ambassade grecque à Moscou, s’en est suivi un voyage en avion avec 2 correspondances – Minsk et Paris – pour arriver à destination – Marseille – avec en tout et pour tout «à peine un contrôle» sur la capitale. Vous avez dit impossible ? «Peut-être le fait de ne jamais croire en rien ne fait justement pas avancer les choses, conclut le jeune homme. Courage à vous tous, et battez-vous, les retrouvailles en valent la peine.»

La Turquie, l’Albanie et la Croatie ouvrent également leurs frontières aux touristes et surtout aux amoureux moyennant, selon les restrictions, un test de dépistage et une quarantaine. Ce fut l’option choisie par Erika, une Américaine souhaitant rejoindre son partenaire italien. Si certains couples binationaux se rendent dans un pays tiers afin de mélanger retrouvailles et vacances durant un court séjour, la jeune femme tente un autre plan, soufflé par la communauté LoveIsNotTourism. «Prendre un vol jusqu’à Zagreb, rester en quarantaine, passer une semaine supplémentaire dans la ville, puis demander à mon partenaire de venir me chercher pour traverser la Slovénie en Italie», détaille-t-elle.

Deux vols, trois pays et quatre passages frontaliers plus tard, l’opération a été couronnée de succès. «Je me sens tellement mieux d’être sur le même continent et le même fuseau horaire que lui», conclut-elle dans son journal de bord.

Mariage à Gibraltar

Par manque d’argent ou par peur de l’échec, d’autres couples privilégient l’ultime alternative : le mariage, preuve irrévocable de leur relation aux yeux de la loi pour décrocher un laissez-passer. Et quand on recherche sur Google «l’endroit le plus facile pour se marier en Europe», le moteur de recherche renvoie en priorité vers Gibraltar, ce territoire britannique d’outre-mer situé sur la pointe sud de l’Espagne. Ici, sur simple présentation des passeports, des certificats de naissance et d’une réservation d’une nuit dans un hôtel du coin, les tourtereaux de tous horizons peuvent se dire oui en toute légalité.

«Nous étions juste fatigués d’être constamment déçus par toutes les restrictions d’immigration qui ont fonctionné contre nous», confie au New York Times Je’nell Griffin, une Américaine de 36 ans fiancée avec un Britannique. Sur place, en découvrant les cérémonies célébrées à la chaîne et en quinze minutes top chrono dans une pièce impersonnelle d’un yacht-hôtel, la jeune mariée ne déchante pas. Même lors du premier baiser avec le masque obligatoire. «En fin de compte, la réalité d’être marié à la personne que j’aime l’a emporté sur la vision que j’avais de mon mariage», confie-t-elle.

Vœux en ligne

Depuis le confinement, les vœux s’échangent également en ligne via webcam interposée, notamment aux États-Unis. Une entreprise, WebWed en a fait son gagne-pain, nous apprend le site USA Today et a organisé plus de 6000 mariages pour des personnes dans presque tous les États de l’Oncle Sam et 38 pays sur six continents. Le package global, tarifé environ 762 €, comprend notamment la prise en charge des démarches afin d’obtenir une licence de mariage à distance, un officiant disponible 24 heures sur 24 et une retranscription vidéo en direct pour partager ce moment avec les proches.

Reste encore à le faire valider dans le pays du concubin. Les juridictions française et canadienne par exemple ne reconnaissent pas ce type de mariage. «Passer la bague au doigt ne figure pas sur ma to-do list, la relation longue durée par contre oui, s’exaspère Lucie sur le groupe #LoveIsNotTourism. C’est bien gentil de dire « jusqu’à ce que la mort nous sépare », sauf que pour mon copain et moi j’ai peur que ce soit plutôt tout ce « bordel » administratif qui s’en occupe.» Pour le meilleur et pour…

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