Le terme de fashion curating, issu de l’univers muséal, consacre les noces de la mode et de la culture. Il désigne l’art de légitimer une marque, de la scénographier, d’en exprimer la singularité… Explications.

Un nouveau label de certification

Dans la dernière playlist proposée par la marque de prêt-à-porter The Row, on retrouve pêle-mêle des morceaux signés Solange, Nina Simone, Duke Ellington ou encore MGMT… Des titres choisis par les sœurs Olsen, ou plus exactement curated by les deux fondatrices de la marque. Curated by, l’expression est désormais plus qu’un leitmotiv dans la mode, c’est un nouveau label de certification, gage de culture et de (bon) goût.

Liste de films curated by Hedi Slimane sur la plateforme Mubi, playlists curated by des collaborateurs de Burberry ou des amis de Kenzo, contenus culturels curated by des muses de Bottega Veneta (le danseur M. J. Harper, le photographe Walter Pfeiffer, le chorégraphe Wayne McGregor et d’autres) : créateurs et artistes se prêtent à l’exercice de la sélection culturelle. En février, Kim Jones, directeur artistique de Dior Homme, a même été nommé curator exceptionnel d’une vente aux enchères chez Sotheby’s, à New York.

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Des listings culturels

Traduit par «commissaire d’exposition», le curator détermine traditionnellement le choix des pièces présentées et la thématique de l’exposition. Dans la mode, on pourrait dire qu’il façonne nos goûts. «Le « curating », ce néologisme dérivé de l’univers muséal, apporte une caution culturelle et historique aux marques en assurant la fiabilité de leur image», analyse Alexandre Samson, responsable des collections contemporaines au Palais Galliera, musée de la mode parisien.

Avec ces listings culturels, on a également l’impression d’entrer dans l’intimité des créateurs. Ainsi, on découvre les films cultes d’Hedi Slimane, directeur artistique de Celine, parmi lesquels figurent Pierrot le Fou, Persona ou encore Laurence Anyways ; les titres favoris de Virgil Abloh, directeur artistique des collections masculines de Louis Vuitton (il écoute aussi bien Miles Davis, créateur de la bande-son d’Ascenseur pour l’échafaud, le compositeur brésilien Arthur Verocai que le rappeur Young Nudy).

«En partageant ces contenus, les marques évangélisent leurs followers en modelant leurs références artistiques. Il s’agit là d’une technique d’influence et de persuasion subtile, qui se focalise sur nos biais cognitifs et nos biais de personnalité, analyse Gachoucha Kretz, professeure de marketing à HEC. On s’éloigne d’une logique purement marchande tournée vers la promotion directe, en passant par l’art et la culture.» Une évolution qui ne concernerait pas que les marques… «Avec Instagram, nous sommes tous en train de devenir curators de nos propres vies…», conclut Alexandre Samson.

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