En 2018, l’acteur incarnait un élu qui lutte pour la survie d’une commune rurale. Les confidences du réalisateur, Philippe Le Guay, sur ce tournage à la campagne…
D’où vient l’incroyable histoire de ce photographe d’art américain qui projette de déshabiller des dizaines de paysans dans un champ ?
Philippe Le Guay : Pour écrire mon scénario, je me suis intéressé au travail original du photographe plasticien Spencer Tunick, qui s’est spécialisé dans les happenings de gens nus à travers le monde entier, allant jusqu’à faire poser plus de mille personnes en même temps. Je me suis demandé ce qu’il se passerait s’il atterrissait par hasard en pleine campagne normande, à la rencontre des paysans.
Vous avez posé vos caméras à Le Mêle-sur-Sarthe, dans l’Orne. Quel accueil vous ont réservé les 700 habitants du bourg ?
Je connais très bien ce village, où ma famille possède une maison depuis plusieurs générations. C’est le type même du bourg rural, avec sa place du marché, son monument aux morts, sa pharmacie… L’accueil de notre équipe a été formidable : les habitants ont spontanément prêté leurs tracteurs, leurs vaches, leurs fermes et leurs champs. Ils ont même accepté de jouer. Une ambiance amicale s’est créée entre les techniciens et les riverains. Cette très belle alchimie se ressent dans les scènes.
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Pourquoi avez-vous choisi François Cluzet pour incarner Georges Balbuzard, le courageux maire du village ?
J’apprécie le côté empathique de François, qui est un acteur généreux. Il travaille dans le lien, aimant échanger avec ses partenaires. De plus, il a une énergie, une truculence qui convenait parfaitement au rôle de ce maire voué corps et âme à son village. Lui-même petit-fils d’agriculteur, François a adoré ce personnage de paysan combatif.
Comment êtes-vous parvenu à dénuder ce grand pudique qui déclare : « Je déteste me mettre à poil dans un film » ?
Dès le début, il m’a dit, droit dans les yeux : « Tu peux tout me demander, sauf de me mettre nu dans un champ. Là, je refuse ! » J’ai alors adopté la stratégie de la patience. Et elle a payé ! Au fil du temps, il a eu plus confiance en moi et il a réalisé la dimension enfantine, innocente et festive de cette scène. Huit jours avant la séquence, il m’a confié qu’il jouerait le jeu. Et le jour du tournage, il était si pressé de rejoindre les autres nudistes qu’il s’est bloqué les pieds en enlevant son pantalon. (Rires)
Sous des dehors légers, vous évoquez la détresse du monde agricole, qui doit se serrer les coudes pour survivre…
Je tenais à montrer la souffrance des paysans paupérisés et oubliés, dont quatre cents se suicident de désespoir chaque année. Mais je ne voulais pas dresser un constat trop sombre. C’est pourquoi j’ai préféré filmer la solidarité, les beaux liens d’humanité qui existent entre eux, au-delà des querelles de clocher.
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Votre film s’ouvre et se termine par de magnifiques images d’arbres. C’est une déclaration d’amour au bocage normand ?
Oui, je l’avoue, je suis un amoureux des arbres. Et je tiens cela de mon père, qui adorait contempler les chênes dans la campagne. Ces arbres sont aussi les acteurs de mon film : ils donnent une telle majesté à l’image, lors de ces plans somptueux et poétiques, tournés au lever du jour…
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