- Chaque semaine, 20 Minutes met en avant une image marquante en allant chercher le regard du photographe.
- Les attentats du 13 novembre 2015 ont fait 130 morts et plus de 350 blessés, à Paris dans la salle de concert du Bataclan et aux terrasses de bars et restaurants, ainsi qu’à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) au Stade de France.
- La photographe Jeanne Accorsini explique à 20 Minutes le making of d’une photo réalisée lors de la commémoration devant le Bataclan, le 13 novembre 2023, huit ans après l’attentat terroriste commis dans la salle de concert.
Huit ans déjà… Le 13 novembre 2015, trois commandos de djihadistes semaient la terreur à Saint-Denis, aux abords du Stade de France, et dans Paris, faisant 130 morts et plus de 350 blessés. Dans la salle de concert du Bataclan, 90 personnes perdaient la vie lors des attaques terroristes revendiquées par Daesh. Tous les ans, des commémorations se déroulent devant les lieux du drame en mémoire des victimes. Les photographes de presse sont présents pour couvrir l’événement, en tâchant de trouver la bonne distance entre le respect pour le recueillement et la volonté de capter l’émotion du moment. La photojournaliste Jeanne Accorsini, de l’agence Sipa Press, explique à 20 Minutes le making of d’une photo réalisée lors de la cérémonie devant le Bataclan le 13 novembre 2023.
Que voit-on sur l’image ?
« On voit un homme assez âgé qui s’approche de la stèle où les noms des personnes décédées sont inscrits. Il vient toucher avec sa main le nom d’une personne précisément, détaille à 20 Minutes Jeanne Accorsini. Sans vouloir surinterpréter en ne connaissant pas l’identité de cet homme-là, j’imagine que c’est un proche d’une des victimes, un père ou un grand-père. » En effet, l’homme sur l’image est d’une génération différente que celle visée au Bataclan. Lors de ce moment de recueillement, on observe que le point, la partie nette de l’image, est sur la main et quelques noms. « C’est vraiment cet élan vers la stèle, ce geste symbolique, que je voulais mettre en lumière, ajoute la photographe. L’ambiance était très silencieuse, c’était un moment particulier, calme. J’ai pris la photo car j’ai été touchée par ce geste-là. »
Quel est le contexte de prise de vue ?
« Cette photo a été prise juste après que la Première ministre, Élisabeth Borne, et les politiques soient venus pour la cérémonie en hommage aux victimes de l’attaque du Bataclan lors des attentats du 13 novembre 2015. Juste après que les politiques soient partis, les familles, les passants, ont pu s’approcher de la stèle pour se recueillir et déposer des fleurs », poursuit la photojournaliste. Elle confie qu’elle ne voulait pas trop mettre en lumière les visages. « En tant que photographe, ma préoccupation était vraiment de trouver la bonne distance avec le sujet pour respecter et ne pas gêner l’intimité du moment, tout en étant un témoin et montrer ce qu’il se passe. » Tout cela en gérant ses propres émotions en revenant sur un lieu qui évoque à tous des souvenirs particuliers. D’autant plus pour ceux qui vivaient déjà à Paris il y a huit ans.
L’anecdote en plus
En évoquant la gestion de l’émotion que peut susciter ce genre d’événement, Jeanne Accorsini livre un souvenir plus personnel. « Je suis photographe mais en 2015, je suis aussi une personne qui vivait seulement depuis quelques mois à Paris lors des attentats du 13-Novembre. Cela m’a beaucoup touché même si j’étais chez moi en sécurité. Il y avait beaucoup d’angoisse autour de moi. Celle que j’avais par rapport à mes amis qui étaient à l’extérieur ce soir-là. Je devais sortir vers République aussi. Ensuite, il y avait l’angoisse de mes parents, de mes proches, qui me demandaient si j’étais à l’abri en sécurité, et je me suis un peu recroquevillée. Et là même chez moi, je ne me sentais pas en sécurité. »
Il est vrai que chaque personne peut se remémorer exactement ce qu’elle faisait cette soirée-là, avec qui elle était et ce qu’elle a ressenti. Et le fait de revenir sur les lieux dans un moment de recueillement peut réactiver certaines émotions. « Quand je suis arrivée sur place, j’avais les mains qui tremblaient un peu, confie la journaliste. Je n’étais pas très à l’aise mais je me suis dit : « Prends-toi en main Jeanne, prends l’appareil photo et va photographier ! » » Si effectivement ce n’était pas facile de revenir devant le Bataclan dans cette ambiance, elle ajoute qu’elle a « le devoir d’informer » en se mettant dans « une espèce de bulle » où elle se concentre sur son travail de prendre des photos. « Quand je prends mon boîtier dans les mains, je pense à mon cadre, mon intention. Et quand je vois une image, je me dis qu’il faut les émotions que je ressens à travers mon objectif ressortent sur la photo. » Toute la difficulté de trouver la bonne distance pour ne pas se laisser submerger par l’émotion et respecter le sujet, sans être trop neutre pour autant.
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