Marion Desbats, 36 ans, est devenue éleveuse de vaches laitières en 2019. Bien qu’épanouie, elle se remet sans cesse en question raconte-t-elle dans Nous, paysans, mardi 23 février à 21 h 05 sur France 2. Elle sait que dans ce métier rien n’est jamais acquis.
Vous êtes fille et petite-fille de paysans mais vous avez eu la vocation sur le tard…
Marion Desbats :J’avais un sentiment de répulsion vis-à-vis de la ferme de mes grands-parents car il y faisait froid et ils étaient un peu rudes. S’ils me voyaient aujourd’hui, ils diraient : «C’est la petite qui faisait la gueule quand elle venait à la ferme et qui maintenant est au cul des vaches.» (Rires.) Ils seraient hyper contents.
Que faisaient vos parents ?
Mon père élevait des canards mais c’était une activité parmi d’autres. La transmission ne s’est pas faite avec une ferme mais psychologiquement et philosophiquement. J’ai grandi dans un village de montagne. J’allais traire les chèvres chez mes voisins, Jeannot et Marie, pour avoir ma petite tasse de lait. J’allais aussi jouer au milieu des moutons. J’ai baigné dans les chants occitans qui ne racontent que des histoires de paysans. Tout cela a contribué à ma vision de la paysannerie.
Quel a été le déclic ?
J’étais éducatrice depuis une dizaine d’années. J’aspirais à un retour à la terre, à trouver du sens, une émancipation. Cela a du sens de produire de l’alimentation pour les autres. J’aime vivre avec mes animaux. Tous les jours, je me mets un petit coup de pied aux fesses. Je fais des choses que je n’aurais jamais faites et j’apprends tout le temps.
Quoi par exemple ?
Hier, j’étais en formation tronçonneuse et bientôt ce sera pour la mécanique de mon tracteur. J’ai appris la soudure, le parage, c’est-à-dire à soigner les pattes des vaches. Je suis aussi porte-parole de la Confédération paysanne du département. Du coup, intellectuellement parlant, je m’y retrouve. Je discute de sujets de société, de transformation sociale… Il y a du militantisme, une réflexion permanente. C’est un métier hyper complet où vous travaillez de vos mains, de votre corps et de votre tête.
Comment ont réagi vos parents face à ce changement de vie ?
Ils étaient déconfits. (Rires.) Mais ils ont l’âme paysanne. Ils se sont faits à l’idée même s’ils restent inquiets : une fille toute seule dans ce métier difficile physiquement et psychologiquement. C’est la profession où les gens se suicident le plus. Les dettes, la dureté du métier, les problèmes personnels… La descente aux enfers arrive vite. Et les agriculteurs sont très isolés.
Est-ce votre cas ?
Non car je m’implique dans des structures comme la Confédération paysanne ou l’Atelier paysan qui propose des formations. Le numérique aide aussi grâce à mes comptes Instagram et Facebook – @LasBorias -, je suis l’actualité, je rencontre des collègues, je participe à des groupes d’entraide. Je vois du monde, je discute. En cas de problème, je peux appeler des gens.
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