Le réalisateur roumain Alexandru Belc est avec Radio Metronom, sorti le 4 janvier, dans la continuité de Leto de Kirill Serebrennikov. Tous deux explorent le lien qu’entretiennent des jeunes avec des musiques interdites dans les sociétés socialistes de la Guerre froide. Alexandru Belc prend ce prétexte pour décrire les méthodes de la Securitate roumaine (la police politique secrète) dans un film fort, prix de la Mise en scène à Un certain regard à Cannes en 2022.

Light My Fire

En pleine Guerre froide à Bucarest en 1972, des lycéennes et lycéens écoutent l’émission « Metronom » sur Radio Free Europe, interdite par le gouvernement. Un délateur confie à la Securitate une lettre écrite de leur main à l’animateur exilé à l’Ouest. Arrêtés, ils doivent tous s’acquitter d’une déclaration où ils s’accusent mutuellement de trahison au pays, sous peine de prison. Ana est la seule du groupe à résister, mais jusqu’à quand ?

La reconnaissance de la mise en scène de Radio Metronom à Un certain regard se justifie et saute aux yeux dès les premières scènes. Les plans-séquences caméra portée évoquent l’époque, comme s’ils avaient été filmés en 1972. La bande d’une dizaine de jeunes qui passent leur Bac est soudée par une musique qui les rassemble. Rarement les « boums » n’ont été évoquées avec autant de vivacité, de justesse et d’émotion. Alexandru Belc virevolte entre les danseurs dont il capte l’énergie et les expressions sur un Light My Fire des Doors d’anthologie.

Temporalité

L’auteur, réalisateur et metteur en scène prend son temps, laisse la durée des plages musicales finir leur boucle. Puis il filme des anges de passage durant de longues pauses, comme si le pays transpirait d’ennui et de langueur, dans une attente fébrile. A la dynamique festive succède la chape qui se referme sur le groupe. Embarqués par la Securitate, rassemblés dans une salle de classe où on leur dicte leur déclaration les jeunes doivent lister les noms de tous les participants. Obligés d’écrire des aveux fallacieux, ils sont les victimes d’un pouvoir répressif, dont les tortures sont autant psychologiques que physiques.

Ana, la rebelle, est jouée par Mara Bugarin, une jeune interprète dans son premier rôle au cinéma. Elle est autant époustouflante de justesse dans le scintillement de ses yeux amoureux sur la piste de danse, qu’introspective dans ses doutes. Finement dialogué et interprété, le texte passe du paternalisme aux menaces et à la corruption du côté de la Securitate. Alors que la Chine, la Russie, et l’Iran musellent les libertés aujourd’hui, Radio Metronom rappelle qu’on a connu cela en Europe de 1945 à 1989. Alexandru Bel avait neuf ans à la fin du régime Ceausescu en Roumanie. Sa reconstitution donne aux spectateurs l’impression de l’avoir vécu, de s’y reconnaître, sans y avoir été, avec un universalisme lyrique.

La fiche

Genre : Drame
Réalisateur : Alexandru Belc
Acteurs : Mara Bugarin, Şerban Lazarovici, Vlad Ivanov
Pays :  Roumanie / France
Durée : 1h42
Sortie : 28 décembre 2022
Distributeur : Pyramide Distribution

Synopsis : Bucarest, 1972. Ana a 17 ans et rêve d’amour et de liberté. Un soir, elle rejoint ses amis à une fête où ils décident de faire passer une lettre à Metronom, l’émission musicale que Radio Free Europe diffuse clandestinement en Roumanie. C’est alors que débarque la police secrète de Ceausescu, la Securitate…

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