- Ce dimanche à 21h05, France 5 diffuse « Enfants sous influence, surexposés au nom du like », un documentaire réalisé par Elisa Jadot.
- Mêlant témoignages et investigation, le film se penche sur les éventuelles dérives et les risques que peut impliquer, pour les mineurs concernés, le partage de clichés et de vidéos sur les réseaux sociaux.
- « J’espère que tout ça va amener à une prise de conscience collective », explique la réalisatrice à « 20 Minutes ».
Vous est-il arrivé de poster une photo de votre fils sur Instagram ? Ou de votre nièce sur Facebook ? Il est aujourd’hui on ne peut plus banal de donner à voir, via ses comptes personnels, l’image d’un anniversaire, d’une première balade en trottinette ou la bouille adorable du petit dernier… Certaines mamans « influenceuses » n’hésitent pas non plus à dévoiler à leurs abonnés le quotidien de leur petite famille. Mais qu’il s’agisse d’un post sur Twitter ou d’une vidéo sponsorisée sur YouTube, exposer ses enfants sur le Web n’est pas sans conséquence.
C’est ce que montre, de manière édifiante, Enfants sous influence, surexposés au nom du like, que France 5 diffuse ce dimanche soir à 21h05. Ce documentaire de 70 minutes mêlant témoignages et investigation, se penche sur les éventuelles dérives et les risques que peut impliquer, pour les mineurs concernés, le partage de clichés et de vidéos sur les réseaux sociaux : troubles anxieux à l’âge adulte, question du consentement et du droit à l’image, travail dissimulé, récupération de photos par des sites pédocriminels… La liste est vertigineuse. Tout comme ce chiffre, mis en exergue : un enfant apparaît en moyenne dans 1.300 photos et vidéos sur les réseaux sociaux avant l’âge de 13 ans.
« Le parent n’est pas détenteur de l’image de son enfant »
Pendant près d’un an, la journaliste Elisa Jadot – réalisatrice du docu #HAPPY, la dictature du bonheur sur les réseaux sociaux en 2020 – est partie à la rencontre de ces familles qui se racontent en stories à leurs milliers ou millions d’abonnés et de ces enfants qui grandissent sous les likes. Elle a notamment recueilli le témoignage de Cam, une Américaine de 24 ans, dont le récit sert de fil rouge. Son enfance, son adolescence et son intimité ont été régulièrement mises en scène par sa mère sur le Web. « Si vous pensez que partager la vie de votre enfant sur les réseaux sociaux est un acte innocent, je suis venue vous dire que vous avez tort », lance-t-elle en préambule, précisant souffrir désormais de troubles anxieux et paranoïaques. Elle détaille ensuite la perte de confiance que cela a engendré pour elle envers le monde des adultes.
« Je cherchais vraiment un témoignage inédit, une personne jeune, qui soit majeure, libre de s’exprimer, qui ait du recul et une vraie réflexion sur ce qu’elle avait vécu », explique la réalisatrice à 20 Minutes. Elisa Jadot a découvert Cam à l’été 2022. La jeune femme prenait alors pour la première fois la parole afin de dénoncer une vidéo virale postée par une maman influenceuse. Sur les images, on voyait une fillette de quelques années à peine, mimant notamment un rasage de pubis.
« Cam a été extrêmement choquée par cette vidéo. Elle a fait son apparition au moment de mon enquête, avant cela, elle n’existait pas sur les réseaux sociaux. Il a fallu de nombreuses semaines et de nombreux échanges avant qu’elle accepte que je la rencontre. Elle a de gros problèmes de confiance, elle est dans un processus où elle cherche à se réapproprier sa vie. »
A travers son expérience se pose la question du consentement, celui de figurer sur une photo ou d’apparaître dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux et accessibles en quelques clics. De même, dans quelle mesure pouvons-nous partager l’intimité d’une personne ? « Si vous ne donnez pas de photos de vos enfants à des inconnus dans la rue. Si vous n’invitez pas des inconnus à venir voir votre enfant dans son bain. Alors, pourquoi est-ce que vous publiez ça publiquement sur les réseaux sociaux ? », s’insurge Sarah, [email protected], une influenceuse canadienne à contre-courant qui sensibilise ses abonnés sur les abus et les risques de la surexposition des enfants.
Il y a aussi toute une réflexion autour du droit à l’image, de la e réputation [la réputation en ligne] et des éventuelles conséquences dans la vie future de ces personnes mineures. « Dans les faits, le parent n’est pas détenteur de l’image de son enfant. Il n’en est pas le propriétaire, il en est le garant. Nous parents, nous devons protéger l’image de notre enfant », souligne la réalisatrice.
« Cette photo peut-elle porter préjudice à mon enfant ? »
Un autre danger mis en lumière par le documentaire est particulièrement glaçant : 50 % des photos et vidéos qui s’échangent sur les réseaux pédocriminels proviennent des réseaux sociaux et ont été publiées par les parents eux-mêmes. Interrogé par Elisa Jadot, Sijmen Ruhoff, un expert en cybersécurité et « hacker éthique », explique comment une photo de vacances publiée naïvement sur les réseaux sociaux peut facilement se retrouver entre les mains de personnes malveillantes. Il donne l’exemple d’un site parmi les 870 les plus visités au monde et cumulant 25 millions de visiteurs uniques par mois. Dans cette banque d’images comptant plus de 75 millions de photos, des pédocriminels partagent et commentent des clichés d’enfants provenant d’Instagram, Facebook ou encore de Snapchat.
« Ce film est là aussi pour rappeler que s’il y a des gens malades ou des prédateurs sexuels dans notre société, ils sont également connectés aux réseaux sociaux et regardent aussi nos enfants », alerte Elisa Jadot. Il est également là pour sensibiliser. « Le but du documentaire n’est pas de juger les parents qui exposent leurs enfants sur les réseaux sociaux, que ce soient des personnes lambda ou des influenceurs. On vit avec les réseaux sociaux, on en a tous et on peut tous être amenés à partager de jolies photos sur lesquelles apparaissent les enfants. Il faut peut-être juste se poser la question deux fois avant de publier [une photo ou une vidéo] : Quelles peuvent être les conséquences ? Est-ce que ça peut porter préjudice à mon enfant ? Peut-elle porter atteinte à sa dignité ? »
Depuis 2020, une loi en France protège les « enfants influenceurs ». Son rapporteur, le député Bruno Studer, qui intervient dans le documentaire, travaille actuellement sur un nouveau projet de loi pour protéger le droit à l’image et la dignité des enfants sur les réseaux sociaux.
« J’espère que tout ça va amener à une prise de conscience collective. Que ce soit au niveau du public mais aussi du côté des autorités et des législateurs », espère Elisa Jadot. D’autant que les nombreuses problématiques pourraient devenir des sujets sociétaux d’ampleur lorsque ces enfants auront grandi. La réalisatrice souligne : « Nous sommes au tout début, nous n’avons pas encore de recul vis-à-vis de nos pratiques, on commence à peine. »
Les témoignages de trois influenceuses
Parmi les nombreux témoignages recueillis par la réalisatrice, trois mamans « influenceuses » ont accepté de prendre la parole et de partager leurs expériences. Il y a Jessica, connue pour ses participations dans Les Marseillais, dont les millions d’abonnés suivent chaque jour sa vie à Dubaï ainsi que le quotidien de son petit garçon et de sa petite fille. Il y a aussi Kelly une influenceuse fitness, enceinte de son premier enfant. Devant la caméra d’Elisa Jadot, elle partage ses réflexions sur la manière d’intégrer au mieux sa future vie de maman dans son business sur les réseaux sociaux. Enfin, Oralie, elle, est à la tête d’une agence d’influence spécialisée dans le domaine de la famille et se bat contre le travail dissimulé des enfants.
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