- Tous les vendredis, 20 Minutes propose à une personnalité de se livrer sur son actualité dans son rendez-vous « 20 Minutes avec ».
- Camélia Jordana est sur plateforme pour la série « Irrésistible » , dans les bacs pour son album « Facile x Fragile » et, mercredi prochain sur grand écran pour « Avant que les flammes ne s’éteignent ».
- Elle revient sur son actualité foisonnante et sur les polémiques qui ont failli lui coûter cher.
Camélia Jordana est sur tous les fronts ! Après la série (Irrésistible sur Disney+), après l’album (Facile x Fragile), voici le film (Avant que les flammes ne s’éteignent), en salle mercredi prochain. L’artiste trentenaire semble avoir une énergie inépuisable. Dans le long-métrage de Mehdi Fikri, Camélia Jordana incarne brillamment la sœur aînée d’un adolescent tué lors d’une interpellation de la police. Elle met alors sa vie entre parenthèses pour découvrir la vérité et obtenir justice. Après avoir provoqué une polémique pour des propos sur les violences policières, « déformés » selon elle, l’artiste revient sur ce sujet délicat par le biais de ce film puissant. Avec le sourire mais sans langue de bois, elle s’est confiée à 20 Minutes sur son actualité mais aussi sur son rapport au monde et à la médiatisation de ses déclarations. Rencontre avec une femme pleine de vie et de convictions.
Comment faites-vous pour gérer tous vos projets à la fois ?
J’ai la chance d’avoir une super équipe qui fait entrer des ronds dans des carrés ce qui fait qu’on finit par y arriver même si ce n’est pas simple. La vérité est que je crois aux projets dans lesquels je m’engage et que la beauté de ce qui se passe autour de moi fait que les choses glissent. La question à se poser avant tout est pourquoi on fait les choses.
Justement pourquoi avez-vous choisi de tourner dans un film brûlant d’actualité comme « Avant que les flammes ne s’éteignent » ?
J’ai aimé que ça parle de sujets universels comme la famille, le deuil, le rejet ou la culpabilité. Et pas seulement de violences policières. Des films comme La Haine ou Les Misérables adoptaient un point de vue masculin et extérieur. Dans celui-ci, on est à l’intérieur d’une famille. Le titre « Avant que les flammes ne s’éteignent » indique la petite fenêtre de tir qu’ont les familles pour agir politiquement et médiatiquement afin de se battre pour la vérité. Le fait de passer par l’intime pour aborder un sujet éminemment politique m’intéressait. C’est ce que je recherche au cinéma comme spectatrice et comme actrice.
On vous a reproché par le passé des propos sur des violences policières, n’avez-vous pas peur que ce film relance la polémique ?
Bien au contraire et j’aime beaucoup l’idée de pouvoir revenir dessus avec ce film qui nous permet bien plus de nuances, de temps long, c’est le luxe du cinéma. Il me semble important de le souligner. Ce n’est pas un film anti-police, de la même façon que je ne l’ai moi-même jamais été. Les propos qu’on a pu me prêter à ce sujet, toutes les déformations de mon discours, allaient à l’opposé même du message que je voulais envoyer pour recréer du lien et de la confiance entre le peuple et la police. Vivre en société, pour moi, ce n’est évidemment pas les opposer mais les faire avancer ensemble et voir mes propos transformés était très dur et très injuste.
A quel point en avez-vous bavé ?
Cela m’a fragilisée sur le moment. Mais j’ai compris qu’il pouvait être plus confortable pour certaines personnes pour certaines personnes qui auraient pu apporter une réponse sur le sujet des violences policières, d’insister sur ma maladresse. Cela détournait l’attention pour éviter d’agir. Heureusement, j’ai l’impression aussi que l’écoute a changé en trois ans. C’est un sujet qui est maintenant au centre du débat citoyen. Je n’ai pas fait le film que pour des raisons d’engagement personnel, mais aussi parce que j’ai eu un coup de cœur pour le personnage de Malika qui me fait penser à Amal Bentounsi, devenue avocate pour défendre son frère. C’est un vrai film de cinéma qui a été sélectionné et récompensé dans plusieurs festivals internationaux comme Rome ou Toronto. Quant à moi qui suis issue de la culture populaire, qui cherche à donner de l’amour au public, on oublie parfois que j’ai grandi devant des caméras et des journalistes qui étaient ravis que je leur raconte ce que je pensais. Cela se faisait dans une grande confiance. Et du jour au lendemain, sur un sujet que je ne pensais pas à ce point épineux, c’est devenu incontrôlable. J’ai été choquée par la façon dont mes propos ont été déformés sans que je puisse rien inverser. Il y a encore, aujourd’hui en France, des gens qui pensent que je suis raciste « anti-Blancs » ou que je déteste les hommes. Du pur délire !
Pensez-vous qu’un artiste devrait avoir un droit de réserve quand on lui demande son avis sur l’actualité ?
L’actualité, c’est à la fois intéressant et délicat. On peut être tenté de dire ce qu’on pense avec spontanéité et authenticité, quitte à en payer le prix, comme dans mon cas. On peut ne pas avoir envie de parler de certains sujets parce qu’on a peur d’être maladroit, ce que je respecte. Ce ne devrait pas être une obligation de s’exprimer sur des sujets brûlants d’actualité, mais être artiste, c’est refléter son temps. Je ne saurais pas ne pas regarder le monde dans lequel je vis. Quand on me pose des questions sur l’état du monde, je ne peux pas dire : « non, non, je n’ai pas d’opinion ». Je devrais peut-être pratiquer plus de langue de bois, pour me protéger, moi et mes projets, mes équipes… J’ai une responsabilité par rapport à elles qui travaillent dans l’ombre mais trinquent autant que moi.
Le sujet brûlant d’actualité aujourd’hui, c’est le conflit israélo-palestinien. Peut-on vous demander quel regard portez-vous dessus ?
Je n’ai pas de mots pour définir l’état dans lequel cela me met, cette impuissance qui me bouleverse ! Je ne comprends pas qu’en 2023 des gouvernements et personnes élues pour représenter le peuple aient encore le droit de vie ou de mort sur des humains. Ce qu’il se passe sur place, ce n’est pas moi qui vais pouvoir le résoudre. Mais je ne peux aussi que regretter l’impact énorme que cela peut avoir en France avec une recrudescence de l’antisémitisme et de l’islamophobie.
Comment avez-vous abordé votre rôle dans « Avant que les flammes ne s’éteignent », celui de la sœur aînée de la victime ?
Je me suis appuyée sur le scénario qui m’a profondément émue. Le personnage de Malika m’évoque Antigone prête à sacrifier sa vie pour ce qu’elle croit juste. Comme elle, et comme bien des femmes qui se sont engagées, mon personnage n’est pas instrumentalisé. Elle fait le choix conscient de lutter, quitte à perdre beaucoup au passage. Sa force de conviction finit par entraîner son entourage. C’est sa façon de supporter sa douleur. C’est un très beau rôle de femme forte. Je m’estime très chanceuse d’avoir été choisie pour l’incarner.
Votre vie est-elle plus « facile ou fragile » pour reprendre le titre de votre nouvel album ?
Entre les deux. Je me suis longtemps forcée, sans même, en avoir conscience, à être forte et à me battre sans jamais poser mes armes. Puis je me suis rendu compte, avec le temps, que c’était un atout que d’embrasser ses fragilités. Les épreuves que j’ai rencontrées m’ont rendue plus solide en m’apprenant à embrasser mes nuances. Tout est une question d’équilibre, de savoir accepter les tempêtes qu’on peut rencontrer. Le travail d’artiste, c’est de savoir choisir, ce qui veut dire aussi apprendre à renoncer. On a le droit de ne pas plaire à tout le monde. Faire cette démarche, c’est apprendre à s’accepter. J’ai la chance de pouvoir raconter tout cela dans mes chansons. Et je compte bien continuer à toucher à tout : musique, cinéma et même un documentaire sur un haut lieu culturel, la villa Noailles, que je suis en train de réaliser. Je ne m’interdis rien. L’art m’aide à surmonter la vie.
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