Longtemps connu avant tout comme le scénariste de Martin Scorsese – de Taxi Driver à Raging Bull, jusqu’à À Tombeau ouvert – parallèlement à sa carrière de réalisateur, Paul Schrader savoure la reconnaissance prestigieuse conférée à son travail de cinéaste par la Mostra, via le Lion d’Or d’honneur qui lui a été remis à Venise samedi 3 septembre. Une distinction reçue alors qu’il est venu également présenter hors compétition, malgré des ennuis de santé, son dernier film Master Gardener, avec Sigourney Weaver et Joel Edgerton.

Un jardinier au passé très sombre, en quête de rédemption

Comme souvent dans les films du réalisateur américain de Blue Collar ou en 2021 The Card Counter, déjà présenté à Venise, il est question d’hommes hantés par les fautes de leur passé, de violence, de paternité et d’une rédemption impossible. Le film raconte l’histoire d’un jardinier au passé obscur et extrêmement sombre, pris dans un triangle amoureux, sur fond de tensions raciales.

« On ne pense pas à Paul Schrader comme quelqu’un qui écrirait de grands rôles pour des femmes. Mais, à cette étape de sa vie, il a crée deux femmes fortes et sexuelles », a observé Sigourney Weaver, interrogée par l’AFP.

Si Master Gardener reprend des thèmes classiques, Paul Schrader pense que la question raciale, qui émerge au fur et à mesure dans le film, avec un personnage qui tente de surmonter son passé de néonazi sans en effacer toutes les traces, peut être brûlante aujourd’hui, « dans notre ère woke où tout est jugé en fonction de qui pourrait être offensé ». Il ajoute : « Peut-être que (le film) n’est pas réaliste, peut-être que ça ne pourrait jamais arriver. Mais c’est ce à quoi l’art sert. À créer des hypothèses. »

Ses trois derniers films semblent indissociables avec leurs personnages cherchant la rédemption, au point qu’on pourrait y voir une trilogie. « Quand j’ai commencé à écrire le troisième, un ami m’a dit que c’était une trilogie. J’ai dit, non, pas du tout ! Mais ensuite je me suis rendu compte que c’était le cas. »

L’ombre au tableau, un grave ennui de santé

Si tout semble sourire à Paul Schrader d’un point de vue professionnel, le réalisateur est très diminué par un problème de santé surgi il y a quelques mois, alors qu’il achevait le tournage de Master Gardener. « Je ne peux plus respirer, je ne pourrais même pas diriger une partie de mini-golf à l’instant présent », a confié le réalisateur à l’AFP, lors d’une interview sur le Lido à la Mostra de Venise. « Je pourrais très bien être hospitalisé à nouveau demain. »

Sa maladie n’a toujours pas été identifiée précisément, les médecins ne sachant lui dire s’il s’agissait d’une pathologie cardiaque ou respiratoire. Aujourd’hui, il craint que son horizon professionnel s’assombrisse au moment de goûter pleinement à une reconnaissance tardive.

Durant des décennies, Paul Schrader a travaillé comme scénariste pour les plus grands, de Martin Scorsese bien sûr à Steven Spielberg (Rencontres du troisième type), Brian De Palma (Obsession), Peter Weir (Mosquito Coast) ou encore Sydney Pollack (Yakuza). Sa première nomination aux Oscars – au titre du meilleur scénario – remonte à 2019 seulement, pour Sur le chemin de la rédemption (2017) avec Ethan Hawke, un film sorti directement en DVD en France.

Joel Edgerton, à l’affiche de Master Gardener, a confié à l’AFP son admiration de longue date pour le travail de Paul Schrader. « Comme plein de gars de ma génération, je voulais être De Niro, Al Pacino… et Paul était au centre de cette époque. C’est quelqu’un d’important pour moi. Travailler avec lui, c’était quelque chose de vraiment spécial. » Paul Schrader ne fait pas partie de ces réalisateurs « dont on sent que leurs meilleurs œuvres sont derrière eux quand ils vieillissent », a ajouté l’acteur de 48 ans.

Pour le cinéaste septuagénaire, le Lion d’Or d’honneur n’efface pas complètement une carrière en dents de scie, comportant son lot d’échecs critiques et commerciaux. Travailler aujourd’hui est totalement différent, observe-t-il toutefois, car les nouvelles technologies permettent de baisser les coûts de tournage, et donc de se libérer des contraintes des studios. « La bonne nouvelle c’est que tout le monde peut faire un film aujourd’hui », souligne-t-il. La mauvaise, « c’est que personne ne peut en vivre ».

Source: Lire L’Article Complet