Hannes Baumgartner écrit et réalise Midnight Runner, qui s’inspire de l’agresseur en série surnommé par la presse suisse le « tueur de minuit ». Mischa Ebner, appelé Jonas Widmer dans le film, a agressé plusieurs femmes et tué l’une elles en 2002 à Berne. Il restera en grande partie une énigme, suite à son suicide en prison quelque mois après son arrestation. Un cas psychologique complexe, sur lequel le film pose avec justesse plus de questions qu’il n’apporte de réponses.

Cas clinique

Jonas Widmer (Max Hubacher, tout en intériorité) a été séparé, comme son frère,  de ses parents biologiques. Sportif accompli, il se passionne pour la course à pied et participe brillamment à des compétitions militaires, rêvant d’être sélectionné au marathon des prochaines olympiades. Chef cuisinier dans un restaurant, il s’apprête à emménager avec sa compagne Simone. Mais Jonas est mal dans sa peau et vit mal ses relations avec les femmes. Victime d’insomnies, submergé par une violence rentrée, il va la déverser sur des jeunes inconnues, allant jusqu’au meurtre.

Hannes Baumgartner ne réalise pas un énième film de tueur en série. Il expose un cas clinique en teintant sa mise en scène d’une même froideur. Observateur de son sujet, il prend beaucoup de temps pour exposer son quotidien. Aussi ne se passe-t-il pas grand-chose dans une première partie où l’on suit Jonas Widmer de son appartement de célibataire à la cuisine où il travaille, en passant par ses compétitions de course militaire où il excelle. Sa relation avec sa compagne devient ambiguë quand il est troublé par une jeune cuisinière, novice dans sa brigade. Lorsqu’il est rabroué par une femme qui vient de chuter devant lui, et à laquelle il offre son aide, il va basculer dans la violence…

Mise à distance

De prime abord, la vie de Jonas Widmer est bien remplie et agitée. C’est pourtant l’impression inverse que procure sa représentation à l’écran. Une répétition s’installe et l’on reste à l’écart des aléas de sa vie amoureuse, alors qu’il inspire peu d’empathie. Midnight Runner a ainsi les défauts de ses qualités et inversement. Un manque de dramaturgie s’installe, mais n’est-ce pas justement le but recherché d’une mise en scène qui joue de cette mise à distance ? Jonas Widmer n’a en effet rien de romanesque.

Annina Euling et Max Hubacher dans « Midnight Runner » de Hannes Baumgartner. (Copyright Tamasa Distribution)
S’il n’apporte pas vraiment de réponse au comportement de Jonas Widmer, Hannes Baumgartner le présente orphelin, adopté comme son frère, dont on nous dit qu’il s’est pendu. Sa mère adoptive, jamais présentée comme telle et assez énigmatique, reste fugitive. La solitude habite Jonas Widmer. Elle lui éclate à la figure lors de l’incident avec la jeune femme qui rejette son aide. Une scène originelle qui va déclencher ses pulsions violentes, et mettre au jour sa double personnalité. C’est alors l’engrenage, une fuite en avant où le jour succède à la nuit, en laissant finalement Jonas Widmer face à lui-même : une énigme, à l’image de la fin ouverte du film. Malgré quelques réserves inhérentes à une première œuvre, Hannes Baumgartner révèle le potentiel d’un véritable cinéaste qui ne demande qu’a s’accomplir.
L’affiche de « Midnight Runner » de Hannes Baumgartner. (Copyright Tamasa Distribution)

La fiche

Genre : Drame
Réalisateur : Hannes Baumgartner
Acteurs : Max Hubacher, Annina Euling, Sylvie Rohrer
Pays : Suuisse
Durée : 1h32
Sortie : 24 juin 2020
Distributeur : Tamasa Distribution

Synopsis : Jonas Widmer est l’un des meilleurs coureurs de fond en Suisse. Sa grande ambition est de courir le marathon aux Jeux Olympiques. En parallèle, il est cuisinier et s’apprête à emménager avec sa petite amie, Simone. Mais cette vie bien normée, Jonas la conduit méticuleusement et au prix d’efforts surhumains pour ne pas céder aux pulsions violentes qui l’envahissent. Incapable d’exprimer sa souffrance émotionnelle, la vie de Jonas se transforme progressivement en un parcours d’endurance pour ne pas sombrer.

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