Annoncée comme celle de tous les dangers, cette 45 cérémonie des César s’est avérée des plus réussies, grâce à Florence Foresti en maîtresse de cérémonie remarquable, et à un discours de la présidente de la soirée, Sandrine Kiberlain, qui a ouvert une nouvelle ère. Si Les Misérables, César du meilleur film, était attendu et s’avère mérité à plus d’un titre, la surprise est venue de celui du meilleur réalisateur décerné à Roman Polanski, pour J’accuse, au centre de toutes les polémiques.
Florence Foresti désamorce la bombe
Si une chose a changé pour ces 45e César de tous les dangers, c’est bien la présentation de la maîtresse de cérémonie par Florence Foresti. Elle a réussi à désamorcer la bombe en lançant : « Bienvenue à la dernière… euh à la 45e cérémonie des César ». Dans un sketch hilarant, l’humoriste a multiplié les allusions aux polémiques qui ont alimenté les semaines avant la cérémonie en mettant tout le monde dans sa poche. Elle a entre autres brocardé les absents dans le public : « Il n’y a jamais autant d’invités en tournage« …
Florence Foresti n’a eu de cesse à chaque prix d’aborder, sans détour, tous les sujets polémiques, du cas Polanski à la « diversité », en pasant évidemment par la place de la femme. Et a pris un malin plaisir à dénoncer les pratiques machistes, en lançant entre autres, que les femmes sont sous-représentées dans le cinéma français, comme les chats par rapport aux chiens dans les films : « ça manque de chattes dans le cinéma français », a-t-elle brocardé…
Sandrine Kiberlain tourne une page des César
Sandrine Kiberlain a pris son rôle de présidente à bras le corps. Visiblement émue, elle a notamment déclaré : « J’ai confiance dans la nouvelle génération et dans les films », parlant d’une « nouvelle page qui se tourne » en cette « année symbolique » de « la parole libérée ». Elle a fait référence à une « révolution en cours » et conclu en citant Fabien Sullivan Grandfils : « Derrière chaque grand homme se cache une femme, mais pourquoi ne pas dire une grande femme ? » , pour lancer la musique de La Nuit américaine de François Truffaut, signée Georges Délerue.
Polanski meilleur réalisateur : Adèle Haenel quitte la salle
A la surprise générale, Roman Polanski a été sacré meilleur réalisateur pour J’accuse, ce qui a provoqué le départ immédiat de l’actrice Adèle Haenel, suivie de toute l’équipe de Portrait de la jeune fille en feu.
L’actrice nommée dans la catégorie meilleure actrice pour le film de Céline Sciama, avait déclaré dans le New York Times deux jours avant la cérémonie que « récompenser Polanski revient à cracher au visage de toutes les victimes. Ça veut dire, ce n’est pas si grave de violer des femmes« . Le film a par ailleurs remporté le César de la meilleure adaptation remis du bout des lèvres par l’acteur Jean-Pierre Daroussin et celui des meilleurs costumes, revenu à Pascaline Chavanne.
« Les Misérables », meilleur film, remporte trois autres César
Sacré meilleur film 2019, Les Misérables de Ladj Ly remporte par ailleurs trois autres récompenses : meilleur espoir masculin pour Alexis Manenti, meilleur montage et décroche le César du public.
A cette occasion, les comédiens du film sont montés sur scène, ainsi que le distributeur (Le Pacte), qui a rappelé que le film était « parti de Montfermeil pour arriver juqu’ici », aux César, remerciant les deux millions de spectateurs » du film en France. Ladj Ly a quant à lui rappelé que « le cinéma sert la banlieue« , étant originaire de Montfermeil (Seine-Saint-Denis), en étant « fondateur d’espoir ».
Un palmarès équilibré
Ces 45e César ont distribué les récompenses dans un esprit d’équité et de rajeunissement. Le premier bénéficiaire en est Nicolas Bedos qui avec La Belle époque, son deuxième film seulement, remporte trois César : meilleur second rôle féminin pour Fanny Ardant, meilleur scénario original pour Nicolas Bedos, et meilleurs décors pour Stéphane Rozenbaum.
Mais ce renouvellement est incarné également par Papicha, qui remporte le César du meilleur premier film, pour Mounia Meddour, ainsi que celui du meilleur espoir féminin, revenu à Lyna Khoudri. Une nouvelle génération également incarnée par Anaïs Desmoutier pour son César de la meilleure actrice dans son rôle dans Alice et le maire, très reconnaissante de son réalisateur Nicolas Pariser et son partenaire Fabrice Luchini.
Renouvellement et innovation sont également visibles dans les deux César revenus à J’ai perdu mon corps, premier film de Jérémy Clapin, également meilleure musique (Dan Lévy).
Le cinéma reste une fête
Alors que l’on pouvait attendre des propos stigmatisant la polémique autour du genre dans le cinéma, nombre de lauréats ont plutôt axé leur propos sur ce que représente le cinéma à leurs yeux, souvent dans des termes émouvants. Swann Arlaud recevant le César du meilleur second rôle masculin à souligné combien « le cinéma peut faire trembler« , et porter un message fort tel que celui de Grâce à Dieu, sur la pédophilie dans l’Eglise, pour lequel il a été honoré.
C’est également Fanny Ardant qui compare les récompenses « à une glace », « une grande joie, mais éphémère », ou la réalisatrice Emmanuel Bercot qui, en remettant le César du meilleur réalisateur évoque « un métier qui est à la fois une joie et une souffrance« . Roschdy Zem, César du meilleur acteur, a longuement remercié son réalisateur de Roubaix, une lumière, Arnaud Desplechin, qui a écrit son rôle pour lui, ainsi que tous les réalisateurs qui ont forgé sa carrière, pour arriver à la récompense suprême.
Manifestation féministe devant le tapis rouge
Des incidents ont brièvement opposé manifestants et forces de l’ordre devant la salle Pleyel moins de deux heures avant la soirée de la cérémonie des César. Les manifestants avec des fumigènes ont tenté d’approcher de la salle Pleyel protégée par des policiers et des barrières métalliques en criant « enfermez Polanski ». Les manifestants qui tentaient de renverser des barrières ont été repoussés par la police.
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