• Maïa Mazaurette présente Ce que veulent les femmes ce mardi à 21h15 sur TMC.
  • A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, l’autrice et chroniqueuse s’est penchée sur la question du désir féminin.
  • « On voit bien qu’avec la question du désir, il y a aussi un refus initial de prendre au sérieux ces sujets et de les creuser vraiment », explique-t-elle notamment à 20 Minutes.

Les « mystères » du désir féminin. Vaste question à laquelle Maïa Mazaurette a décidé de s’attaquer. Ce mardi soir, journée internationale des droits des femmes oblige, l’autrice et chroniqueuse « sexperte » de Quotidien, présente son enquête sur Ce que veulent les femmes diffusée à 21h15 sur TMC. Pour comprendre ce désir et surtout tordre le cou aux clichés sexistes, elle est partie à la rencontre de femmes aux profils variés afin de recueillir leurs expériences et leurs ressentis.

Ensemble elles abordent la question du fantasme, de la masturbation, mais aussi de la charge mentale et du harcèlement. Maïa Mazaurette s’est également tournée vers la science pour découvrir où se niche le désir dans nos corps et dans nos têtes, se prêtant ainsi à une première en France. 20 Minutes l’a interviewée.

Pourquoi vous êtes-vous intéressée au désir féminin pour cette journée internationale des droits des femmes ?

Parce que c’est un sujet hyper politique. Je sais que dès qu’on parle de sexualité, il y a toujours la question de la légitimité qui se pose, de savoir si ce sont des sujets assez nobles pour le journalisme, pour la politique… Pour moi c’est très logique de diffuser ce documentaire ce jour, notamment du fait que depuis le mouvement #MeToo, on voit bien que la question du désir féminin, ou l’absence de désir, est complètement liée aux droits des femmes. Le désir c’est affronter deux grandes questions : celle de pouvoir dire non mais aussi celle de pouvoir dire oui. Ce qui reste un peu compliqué, c’est que même en 2022 ce désir n’est pas toujours bienvenu, bien reçu et il peut être très durement jugé par les hommes.

C’est un sujet fort symboliquement et crucial dans la lutte féministe ?

J’ai l’impression effectivement qu’on est un peu passé de la question du plaisir – le clitoris il y a 10-12 ans –, à la question du désir. Pas seulement avec ce documentaire mais aussi avec les bouquins de Manon Garcia, de Camille Froideveaux-Metterie, c’est un effort collectif. Moi je donne aussi la parole à des gens comme Victoire Tuaillon ou Belinda Canonne qui travaillent sur ces questions. C’est toujours intéressant de voir comment une question qu’on ne se posait pas, ou alors pour la déplorer à coups de clichés, est devenue quelque chose de très importante. Et ce n’est pas fini. Dans la dernière enquête Ipsos parue le mois dernier pour l’Association Mémoire Traumatique et Victimologie, on voit bien qu’encore 21% des Français pensent qu’au lit les femmes « savent beaucoup moins ce qu’elles veulent que les hommes ». Ça voudrait donc dire qu’elles n’auraient pas conscience de leur désir. Mais quand on commence à intérioriser ce genre d’idées, alors pourquoi se soucier de leur consentement si elles ne savent pas ce qu’elles veulent ?

L’idée de ce programme était notamment de casser les clichés sur le sujet ?

Je voulais vraiment faire quelque chose sur les stéréotypes liés au désir féminin. Les clichés typiques vont être : le désir des hommes et celui des femmes sont radicalement différents, les femmes ne sont pas visuelles, le désir féminin est forcément soft, les femmes ont besoin d’être amoureuses pour ressentir du désir… On pourrait vraiment en faire toute une liste de ces choses qu’on a apprises, et en particulier ma génération qui a été infusée par Les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus. Et puis aussi, et c’est très important, il y a le refus de penser l’objet désir. Dans ma carrière de journaliste – bien avant le documentaire –, quand j’abordais ces questions-là, on me disait beaucoup que ça ne servait à rien d’y réfléchir parce que tout le monde était différent. Ou alors, parce que chacun faisait ce qu’il voulait, ce qui n’était pas vrai non plus. On voit bien qu’avec la question du désir, il y a aussi un refus initial de prendre au sérieux ces sujets et de les creuser vraiment. Et moi ça m’intéresse qu’on réfléchisse justement à ces sujets dont on estime qu’ils ne sont pas importants ou impensables.

Le désir féminin c’est donc encore un mystère ET un tabou ?

Un mystère à cause de ce côté nébuleux dont je viens de parler, et un tabou malgré tout parce qu’on voit la persistance des stéréotypes sexistes qui perdurent. Dans cette enquête d’Ipsos, on voit que ce sont chez les 18-24 ans que ces stéréotypes sur le sexe sont les plus forts. Comment ces réflexes continuent d’être propagés ? L’explication que je donne à ça, je ne sais pas si c’est la bonne, c’est qu’au moment où on commence notre vie sentimentale et sexuelle on a besoin d’être très rassurés. Tout est très dangereux et nous rend vulnérables donc on a besoin de se rattacher à des certitudes. On va aller les chercher dans nos références culturelles et historiques, des contes de fées à la pornographie, et on voit bien que ces représentations ont vraiment du mal à se réinventer. Le tabou dont on nous vend la chute génération après génération, il est toujours là avec une force de résilience frustrante. Je suis quelqu’un qui a envie d’agir. L’adversaire est plein de persistance, mais moi aussi ! Il y a plein de choses à inventer. Parfois on a l’impression qu’on restera dans une espèce d’incommunicabilité entre les hommes et les femmes. J’ai l’impression qu’on va y arriver et que tant qu’on en parle, on va dans la bonne direction.

Justement, ce documentaire s’adresse aussi bien aux femmes qu’aux hommes ?

Oui ! Le documentaire ne s’adresse pas qu’aux femmes, même si évidemment elles vont apprendre plein de trucs comme moi j’en ai appris. J’aimerais que les gens le regardent en couple. Je ne sais pas si ça va faire des engueulades à l’arrivée ou pas, mais ce serait intéressant pour les gens – et peut-être même plus pour des couples hétérosexuels –, qu’ils le regardent ensemble et qu’ils puissent en discuter après. C’est peut-être l’occasion d’ouvrir des conversations qui n’ont pas eu lieu précédemment et de remettre aussi les choses au point.

Est-ce que ça a été facile de trouver des femmes qui acceptaient de parler librement sexualité face caméra ?

A ma grande surprise, oui ! Comme c’est moi qui ai fait l’appel à témoins et que ça fait longtemps que je fais ça, je pense que les femmes qui se sont manifestées savaient très bien qu’elles ne seraient pas jugées. On a noté un discours militant chez beaucoup d’entre elles, de tous les âges, mais encore plus manifestes chez les jeunes femmes. Avec cette idée de se dire qu’on en a marre que les autres parlent à notre place. Ça fait plaisir et ça veut dire que là encore il y a quelque chose qui est en train de changer et de se bousculer. Pareil, quand j’arrive dans la soirée sadomasochiste, je pensais qu’avec deux caméras et un preneur de son, on allait se faire jeter, que personne ne voudrait être à l’écran. Et on a été hyper bien accueilli ! J’explique ça aussi en partie avec les réseaux sociaux où les gens ont l’habitude de divulguer beaucoup leur intimité, c’est peut-être plus facile de faire ça aujourd’hui qu’il y a 10 ans.

Il y a une grande diversité d’âge, d’origines ou encore d’orientations sexuelles parmi les femmes que vous avez rencontrées, c’était très important pour aborder au mieux cette question ?

Bien sûr, et sans ça je pense que le documentaire ne tenait pas debout. Si c’était pour entendre des femmes blanches hétéros de 30 ans nous parler de leur sexualité, ce n’était pas la peine. Je suis ravie qu’on ait pu sans vraiment avoir besoin de creuser plus que ça, trouver spontanément des femmes d’absolument tous les milieux qui ont eu envie de témoigner. C’est aussi un souci d’intersectionnalité et de faire en sorte que la parole puisse aussi concerner des choses comme la grossesse ou la ménopause, c’est important. Et puis qu’on puisse aussi voir le passage des générations. Notre mère de famille de 50 ans est hyper fun et vachement drôle ! Dans les esprits l’image d’une mère de famille c’est toujours la ménagère de moins de 50 ans… Je pense que ça remet un peu les pendules à l’heure.

Vous donnez de votre personne en participant à une expérience scientifique pour observer quelles zones du cerveau s’activent lors d’une pulsion érotique. Il est précisé que c’est la première expérience de ce type en France sur le désir féminin. Vraiment ?

Tout à fait. On en a pas mal discuter avec Guillaume Sescousse, le chercheur en neurosciences qui était notre interlocuteur. Il nous a dit que lui quand il a commencé sa carrière par exemple, c’étaient des questions qui ne se posaient pas. Maintenant bien sûr que ces gens-là lisent la presse et se demandent comment ces études ont été menées sur des cohortes d’hommes et absolument pas sur des femmes. Alors que les hommes ne cessent de se poser la question du désir féminin, qu’ils n’aient pas été tout simplement voir dans le cerveau, c’est une info hallucinante oui. Mais ça change et le chercheur en neurosciences disait être vachement intéressé de pouvoir refaire cette expérience avec plein de femmes !

Source: Lire L’Article Complet