« Victoire », a écrit la réalisatrice française Euzhan Palcy sur son compte twitter pour annoncer que son film, Ruby Bridges (1998), est maintenu au programme d’une école primaire en Floride, aux Etats-Unis. Il avait été retiré du catalogue de la North Shore Elementary suite à la plainte d’un parent d’élève qui jugeait que l’œuvre enseignerait (lien en anglais), entre autres, aux enfants que « Les Blancs détestent les Noirs ». Le film Disney raconte l’histoire vraie de Ruby Bridges, six ans, qui est devenue la première élève afro-américaine à avoir intégré une école primaire à la Nouvelle-Orléans (Louisiane) en 1960, suite au vote de la fin de la ségrégation scolaire.

Vote unanime

L’interdiction par la North Shore Elementary, école située à Saint-Pétersbourg (Floride), a été levée lundi 3 avril après la réunion d’un comité composé de parents et d’enseignants. Cette dernière n’a duré qu’une vingtaine de minutes, rapporte un journaliste de la chaîne ABC Action News qui note également que la décision a été applaudie. « 7-0 », a précisé Euzhan Palcy pour indiquer que le vote « pour conserver le film Ruby Bridges dans le programme de l’école » a été unanime. Les détracteurs ne sont même pas venus… », a ajouté la cinéaste martiniquaise tout en remerciant tous ceux qui l’avaient soutenue. 

Quelques jours plus tôt, Euzhan Palcy avait fait savoir que « la forte couverture médiatique et sur les réseaux » avait changé la donne dans cette affaire. Comme le rappelle Guadeloupe la 1ère, les évènements remontent au 2 mars où Ruby Bridges a été projeté à une soixantaine d’élèves. Comme le veut le règlement, les parents avaient été prévenus mais deux d’entre eux n’ont pas autorisé leurs enfants à voir Ruby Bridges, rapporte ABC Action News. Le parent, qui a plus tard porté plainte, est l’un d’eux.

« Comme l’a dit Nelson Mandela [le premier président noir de l’Afrique du Sud], les gens, en particulier les enfants, ne haïssent pas une autre personne pour la couleur de sa peau, ils doivent ‘apprendre’ à haïr, avait fait remarquer Euzhan Palcy sur les réseaux sociaux quelques jours avant la réunion qui a décidé du sort de son film. Un avis que partage Ruby Bridges qui s’exprimait dans un reportage qui lui était consacré par CBN News il y a quelques années. 

Dans la même optique, Euzhan Palcy souligne que si les enfants « peuvent apprendre à haïr, ils peuvent apprendre à aimer – l’enseignement, en particulier l’enseignement intergénérationnel, signifie également apprendre des erreurs du passé. Les enfants ont beaucoup de pouvoir pour surmonter les difficultés qu’ils ont héritées de nous. Les laisser dans l’ignorance ne les aidera pas à faire de meilleurs choix à l’avenir ».  

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Racisme, le sempiternel tabou américain

Pour la cinéaste, « la grandeur d’une nation se mesure à sa capacité à assumer toutes les pages de son histoire ». Le gouverneur de la Floride ne s’inscrit pas dans cette démarche estime Euzhan Palcy. « Le gouverneur DeSantis, probable candidat (à la présidentielle) de 2024, est la tête de pont d’un attaque féroce contre l’Histoire qu’il/ils souhaite(nt) effacer », écrit-elle.

Ron DeSantis, le gouverneur républicain de la Floride, s’est distingué par ses idées très conservatrices. Les « guerres culturelles » de DeSantis sont nombreuses. Le dernier épisode en date, rappelle l’AFP, est la suppression en février du statut spécial de Disney (le plus gros employeur de l’Etat), « mettant fin aux avantages dont le parc d’attractions Disney World bénéficiait depuis les années 60 ». La décision a été prise en représailles contre l’entreprise « qui avait dénoncé un projet de loi restreignant l’enseignement des sujets en lien avec l’orientation sexuelle dans les écoles primaires de Floride ». Robert Iger, le président de Disney a dénoncé le 4 mars une entrave à la liberté d’expression. 

Sous DeSantis, la Floride se transforme en un Etat de plus en plus puritain : une enseignante a été récemment poussée à la démission pour avoir montré le « David » nu de Michel-Ange. De même, des livres ont été retirés des écoles de l’Etat (lien en anglais) parce qu’ils portaient, entre autres, sur l’homosexualité ou les questions raciales. The Wrap (lien en anglais) rappelle que l’ouvrage dont le film est adapté avait été aussi, en son temps, attaqué par les conservateurs 

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