Jean-Marie Straub, artisan depuis les années 1960 d’un cinéma engagé et anti-conformiste, avec sa compagne Danièle Huillet, est décédé à 89 ans à son domicile de Rolle, en Suisse, a indiqué dimanche à l’AFP la Cinémathèque suisse. « J’ai parlé avec Mme Straub (sa dernière épouse) ce midi, il est décédé à six heures ce matin, chez lui à Rolle », a expliqué à l’AFP Christophe Bolli, en charge de la communication de la Cinémathèque suisse, confirmant une information donnée par le journal français Le Monde.
« On était très, très proches de lui. Il a fait un don chez nous de ses films. Il habitait à Rolle. Il était aussi voisin de Jean-Luc Godard, qui était aussi très proche de la Cinémathèque », a développé Christophe Bolli. « La Cinémathèque suisse avait fait pas mal d’hommages à Straub, beaucoup de projections avec lui, et puis il est venu encore beaucoup entre 2018 et 2019 », a encore confié le chargé de communication. « Puis, sa santé s’est détériorée. Ça fait deux ans qu’on ne le voyait plus chez nous », a-t-il conclu.
Déserteur réfugié en Allemagne
Avec sa compagne précédente Danièle Huillet rencontrée en 1954 et décédée en 2006, Jean-Marie Straub remettait en cause les schémas narratifs et esthétiques traditionnels.
Né le 8 janvier 1933 à Metz (France), Jean-Marie Straub fait des études littéraires et anime un ciné-club dans sa ville natale, avant de monter à Paris où il rencontre Danièle Huillet. Il commence par être assistant de grands cinéastes comme Jean Renoir, Abel Gance, Jacques Rivette ou Robert Bresson. C’est alors un proche de la bande formée par Jacques Rivette, François Truffaut et Jean-Luc Godard, futurs porte-étendards de la Nouvelle Vague.
Appelé en 1958, il refuse d’aller combattre en Algérie et se réfugie en Allemagne. Il est condamné à un an de prison pour désertion par le tribunal de Metz. Avec Danièle Huillet, il y réalise un court-métrage, Machorka-Muff (1962), inspiré des écrits de Heinrich Böll sur la survivance du nazisme en Allemagne.
Cinéma indépendant
Les bases du style intransigeant du duo de cinéastes sont posées dès 1967 avec le long métrage Chronique d’Anna Magdalena Bach. Installés ensuite en Italie, ils filment, montent et produisent eux-mêmes pour garder toute leur indépendance. S’inspirant de mythes ou de personnages historiques, ils s’interrogent sur la société contemporaine et engagent une réflexion critique du capitalisme, avec des films comme Moïse et Aaron (1974), un opéra filmé d’après l’œuvre d’Arnold Schönberg, ou Amerika-Rapports de classe (1984).
En 1989, Cézanne, retrace la vie du peintre. Ils s’inspirent de tragédies grecques (Antigone), s’interrogent sur les rapports de couple (Du jour au lendemain, 1996) ou évoquent le monde rural italien. Le duo réalise ensemble une trentaine de films de durées variables. Puis, après la mort de sa compagne, Jean-Marie Straub continue à faire des films, essentiellement des courts métrages.
Si leurs films sont peu connus du grand public Straub et Huillet sont considérés par certains comme des cinéastes majeurs. En 2006, ils avaient reçu un Lion spécial « pour leur innovation dans le langage du cinéma » et en 2017 Jean-Marie Straub recevait le Léopard d’honneur du festival suisse de Locarno pour l’ensemble de son œuvre. En 2002, le Portugais Pedro Costa leur a consacré un documentaire, Où gît votre sourire enfoui ?
« Merci Jean-Marie pour ta générosité et ton regard acéré sur le monde, d’une grande actualité. Nous veillerons sur ton héritage et le ferons rayonner », a écrit Frédéric Maire, directeur de la Cinémathèque suisse, sur le site de son institution.
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