Rideau sur le Festival de Cannes 2022, avec la récompense suprême attribuée au film Sans Filtre (Triangle of Sadness). Le réalisateur suédois de 48 ans Ruben Östlund reçoit pour la deuxième fois la récompense ultime sur la Croisette, après avoir été couronné pour The Square en 2017. Un prix spécial a été attribué aux frères Dardenne et leur film Tori et Lokita pour célébrer cette 75e édition. Focus sur l’intégralité du palmarès.

La Palme d’or pour « Sans Filtre » (« Triangle of Sadness »)

Ruben Östlund remporte une deuxième Palme d’Or pour son film Sans Filtre (Triangle of Sadness). Selon le président du jury Vincent Lindon, “tout le jury a été extrêmement choqué par ce film”.

Déjà récompensé de la Palme d’or en 2017 pour le film The Square, Ruben Östlund signe avec son dernier long métrage une satire sur le pouvoir de l’argent roi en mettant en scène deux mannequins et influenceurs en croisière sur un luxueux bateau. « Je pense qu’en commençant ce film, nous n’avions qu’un but : faire un film qui intéresse le public et lui apprenne des choses en même temps. Nous étions tous d’accord pour dire que ce qui est unique dans le cinéma, c’est qu’on peut s’amuser en vivant une expérience qu’on montre au public ensuite », s’est ému le cinéaste suédois. 

>> Notre critique du film « Sans Filtre »

Le Grand Prix pour « Close » et « Stars at Noon », à égalité

Entre Close et Stars at Noon, le jury a décidé de ne pas trancher. Le film du réalisateur belge Lukas Dhont et celui de la Française Claire Denis reçoivent tous les deux le prestigieux Grand Prix. 

Mal reçu par la critique, Stars at Noon a pourtant séduit le jury présidé par Vincent Lindon. Ce long métrage met en scène deux amants joués par Margaret Qualley et Joe Alwyn, qui s’aiment et se s’épient dans un Nicaragua au bord de la guerre civile. “Margaret Qualley, je l’ai vue pour la première fois à Cannes en regardant le film de Quentin Tarantino Once Upon A Time In Hollywood. J’en suis tombée sous le charme”, a expliqué Claire Denis dans son discours.

>> Notre critique du film « Stars at Noon »

Lukas Dhont, jeune réalisateur de 31 ans, l’a suivi sur scène pour recevoir également le Grand Prix pour Close. “Je voulais faire un film sur la jeunesse et montrer qu’ être vulnérable n’est pas une faiblesse. Si on laisse les autres s’approcher, la vulnérabilité peut se transformer en super courage”, a-t-il déclaré. Close raconte l’histoire de deux adolescents dont l’histoire d’amitié vire au drame à cause du regard des autres.

>> Notre critique du film « Close »

Le Prix du jury pour « Les Huit Montagnes » et « Hi-Han », ex-aequo 

Autre égalité, cette fois sur le prix du jury, attribué aux films Les Huit Montagnes et à Hi-Han.

La co-réalisatrice belge Charlotte Vandermeersch explique qu’ils ont « voulu réaliser un film qui parle de la vie en toute fragilité et de toute sa force » avec Les Huit Montagnes : « Ce film était nécessaire pour nous et c’était très beau, je t’aime du fond du coeur », déclare-t-elle avant d’embrasser Felix Van Groeningen, son partenaire et co-réalisateur.

>> Notre critique du film « Les Huit Montagnes »

De son côté, le réalisateur polonais Jerzy Skolimowski, âgé de 84 ans, a tenu à « remercier ses ânes », stars du long-métrage : « Une grande partie du film a été tournée en Pologne, mais j’ai été suffisamment intelligent pour choisir une espèce intelligente d’âne, qui vit en Sardaigne. Nous n’en avons que deux en Pologne, je vais vous donner leurs noms : Stacko et Pola. Ensuite, nous avons tourné en Italie où il y a beaucoup d’ânes sardes », déclare-t-il avant d’imiter le cri de l’âne.

>> Notre critique du film « Hi-Han »

Le Prix de la mise en scène pour Park Chan-wook (« Decision to leave »)

Troisième trophée à Cannes pour le réalisateur sud-coréen Park Chan-wook, cette fois-ci récompensé du prix de la mise en scène pour son film Decision to Leave, qui raconte l’histoire d’un détective chevronné, qui enquête sur la mort suspecte d’un homme au sommet d’une montagne. Il commence à soupçonner Sore, la compagne du défunt, tout en étant déstabilisé par son attirance pour elle. 

« Avec la pandémie, les frontières avec les pays se sont fermées, commente Park Chan-wook en recevant son prix. On a eu du mal à communiquer. Parfois c’était assez compliqué. On avait très peur des uns des autres et les salles de cinéma ont été désertées. Mais maintenant, peut-être que le public va reprendre petit à petit le chemin des salles. On a pu vaincre ce virus et je suis persuadé qu’avec les cinéastes, on peut vaincre la peur des spectateurs pour qu’ils puissent revenir en salle. »

>> Notre critique du film « Decision to Leave »

Le Prix spécial du 75e anniversaire pour « Tori et Lokita » des frères Dardenne

À édition spéciale, prix spécial ! Le jury de ce 75e Festival de Cannes a décidé de créer un prix pour l’occasion et de récompenser les frères Jean-Pierre et Luc Dardenne (déjà double Palme d’or) pour leur film Tori et Lokita. « Quand on préparait notre film en janvier dernier, nous avions rencontré un boulanger à Besançon qui luttait pour éviter l’explusion de son apprenti de France, raconte Jean-Pierre Dardenne. Notre film, nous le dédions à ce boulanger qui a fait une grève de la faim pendant 12 jours pour éviter l’explusion de son apprenti sans papier pour qu’il puisse obtenir une régularisation ».

>> Notre critique du film « Tori et Lokita »

Le Prix d’interprétation masculine pour l’acteur Song Kan-ho (« Les Bonnes Étoiles »)

Une ovation pour Song Kan-ho, qui joue l’un des rôles principaux dans le film sud-coréen Les Bonnes Étoiles (Broker). L’acteur de Corée du Sud, connu à l’international depuis son rôle dans le film Parasite (la Palme d’or 2019), joue cette fois un homme qui cherche à offrir une nouvelle famille à un bébé abandonné par sa mère dans une « baby box » : “Je remercie vraiment notre réalisateur. Je dédie également ce prix avec les autres acteurs de ce film. Je suis très heureux aussi de partager ce prix avec ma famille qui est tout là haut dans la salle », a déclaré l’acteur de 55 ans.

>> Notre critique du film « Broker »

Le Prix d’interprétation féminine pour Zar Amir Ebrahimi (« Les Nuits de Mashhad »)

Le prix d’interprétation féminine 2022 a été attribué à l’actrice iranienne de 41 ans Zar Amir Ebrahimi. Dans Les Nuits de Mashhad (Holy Spider), elle joue une journaliste courageuse et obstinée qui enquête sur un serial killer de prostituées en Iran. 

>> Notre critique du film « Les Nuits de Mashhad »

« Je souhaite d’abord parler en farsi à mon peuple chez moi. Ce film parle des femmes de leur corps, de mains, de sexe, de pieds. Tout ce qu’on peut montrer à  l’écran. Merci Ali Abassi d’avoir été si fou et généreux, merci de cet art si puissant ». Elle a poursuivi son discours dans un français parfait : « Je suis fière de ma famille, et merci à la France, ce pays exotique et paradoxal, rempli de gens heureux qui adorent être malheureux ». 

Le Prix du scénario pour Tarik Saleh pour « Boy from Heaven »

Boy from Heaven de Tarik Saleh est récompensé par le Prix de scénario 2022. Le réalisateur d’origine égyptienne et de nationalité suédoise de 50 ans a dédicacé son prix « aux jeunes réalisateurs en Égypte, pour qu’ils montrent leur travail ». Son film raconte l’histoire d’Adam, simple fils de pêcheur, qui intègre la prestigieuse université Al-Azhar du Caire, épicentre du pouvoir de l’Islam sunnite. Il se retrouve alors, à son insu, au cœur d’une lutte de pouvoir implacable entre les élites religieuse et politique du pays.

>> Notre critique du film « Boy from Heaven »

La Caméra d’or pour « War Pony »

La Caméra d’or 2022 récompensant le premier film est attribuée à War Pony de Riley Keough et Gina Gammell, un film sélectionné dans la catégorie « Un Certain Regard » : “C’est un des films merveilleux cette année. Je suis très heureuse que ce merveilleux film soit mis en valeur. Merci au jury d’avoir reconnu notre merveilleux film. C’est un rêve pour nous », s’est émue la réalisatrice.

La Palme d’or du court métrage pour « The Water Murmurs »

La Palme d’or 2022 du court métrage est attribuée à The Water Murmurs, de la Chinoise Jianying Chen. “Je suis très heureuse de voir que mon courage est mis en valeur. J’ai l’espoir que les films peuvent changer des choses notamment en Chine”

La Mention spéciale pour un premier film pour « Plan 75 » de Chie Hayakawa 

La Mention spéciale pour un premier film a été attribuée à Plan 75 de la réalisatrice japonaise de 45 ans Chie Hayakawa. “Tout réalisateur commence par faire un premier film. Je suis très heureuse que ce film qui compte tant pour moi ait été sélectionné à Cannes. Quelqu’un m’a dit que c’était un film nécessaire pour nous qui vivons cette époque et je le remercie, j’ai été énormément touchée. » 

Et aussi : le discours émouvant et drôle de Vincent Lindon

Vincent Lindon, président du jury de ce 75e Festival de Cannes s’est montré particulièrement ému mais également fier d’avoir pu remplir son « mandat de 10 jours » avec passion : « Pendant ces jours trop courts, j’ai tout aimé, les gens, les films et l’électricité qui règne dans les rues. Chacun des films de cette remarquable sélection a donné lieu à des échanges passionnés, mais surtout utiles. Toutes nos décisions ont été prises avec une belle unanimité ».

Puis il a manié l’humour pour montrer son attachement profond à la fonction : « Un seul mandat, une dizaine de jours seulement, vous trouvez ça normal ? Il faut que tout change pour que rien ne change, comme disait Alain Delon. Il est temps de mettre fin à cette tradition que la jury de Cannes change chaque année. Innovons ! We need four more years ! À l’unanimité nous exigeons une réélection. » Avant de conclure avec un grand sourire : « Merci de m’avoir accepté avec autant d’amour, de gentillesse, de bienveillance, et il ne me reste plus qu’à vous dire à l’année prochaine ! » 

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