A la veille de la cérémonie des Oscars prévue à Los Angeles dimanche 12 mars, deux questions sont sur toutes les lèvres. D’abord, une comédie aussi déjantée et triviale que Everything Everywhere All At Once, donnée comme grande favorite, peut-elle vraiment remporter la statuette du meilleur film ? Ce n’est pas gagné…

Et sinon, quelqu’un se prendra-t-il une autre baffe ? Après le choc provoqué par la gifle inattendue de Will Smith à l’humoriste Chris Rock l’année dernière, l’Académie a créé une « équipe de crise » pour parer à toute éventualité. Cela ne devrait toutefois pas empêcher certains hôtes d’y aller de leur petite blague pour tourner la page.

Onze nominations pour « Everything Everywhere All at Once »

Sauf coup de tonnerre, la 95e cérémonie, présentée cette année par l’humoriste Jimmy Kimmel, devrait donc se concentrer sur les films en compétition. Le grand favori est Everything Everywhere All at Once, une comédie mâtinée de science-fiction nominée dans 11 catégories, où une propriétaire de laverie surmenée se retrouve plongée dans une multitude d’univers parallèles.

Dernier espoir de l’humanité, cette immigrée chinoise incarnée par Michelle Yeoh doit affronter une super-méchante qui menace le « multivers » tout entier, et s’avère être l’exubérant alter ego de sa fille dépressive. L’exploration des différents mondes glisse alors vers un voyage délirant, où certains humains ont des hot-dogs à la place des doigts, les rochers sont doués d’émotions et les sex-toys trouvent des usages insoupçonnés.

Succès en salles mais incompris chez les membres de l’Académie

Ce film indépendant et résolument foldingue a rencontré un franc succès en salles, avec 100 millions de dollars de recettes. Son intrigue, centrée sur une émouvante réflexion sur l’amour familial et portée par un casting brillant majoritairement asiatique, lui a permis de rafler la plupart des prix décernés avant les Oscars.

Le triomphe annoncé pourrait toutefois se heurter au système de vote pour l’Oscar du meilleur film, qui a tendance à pénaliser les œuvres polarisantes, rappelle-t-il. Or, de nombreux membres de l’Académie « ne comprennent tout simplement pas » l’enthousiasme autour de cette comédie réalisée par un duo de trentenaires loufoques.

Cette incompréhension pourrait profiter à l’adaptation allemande du roman pacifiste A l’Ouest, rien de nouveau, adapté du roman antimilitariste de 1929 d’Erich Maria Remarque, ou au blockbuster de Tom Cruise Top Gun: Maverick, carton populaire qui a permis au public d’enfin renouer avec les salles obscures après la pandémie.

Apre compétition du côté des actrices et acteurs

La compétition entre comédiens est en revanche bien plus serrée. « Je ne me souviens pas d’une année (…) où trois des quatre catégories d’acteurs étaient vraiment à quitte ou double« , observe Scott Feinberg,  chroniqueur spécialisé du Hollywood Reporter.

L’Oscar de la meilleure actrice se joue entre Cate Blanchett, cheffe d’orchestre sans pitié dans Tar, et Michelle Yeoh, l’héroïne d’Everything Everywhere All At Once, qui pourrait devenir la première lauréate d’origine asiatique à rafler ce prix.

Pour celui du meilleur acteur, Austin Butler (Elvis), Brendan Fraser (La Baleine) et Colin Farrell (Les Banshees d’Inisherin) sont au coude-à-coude. Tout comme Angela Bassett (Black Panther : Wakanda Forever), Jamie Lee Curtis (Everything Everywhere All At Once) et Kerry Condon (Les Banshees d’Inisherin) pour la statuette du meilleur second rôle féminin. Seul Ke Huy Quan, ex-enfant star d’Indiana Jones et le Temple Maudit oublié par Hollywood depuis plus de 20 ans, semble quasi-assuré de remporter un Oscar, à force d’accumuler les récompenses pour son second rôle de mari attendrissant dans Everything Everywhere All At Once.

Objectif : assurer le divertissement en évitant la gifle

L’ombre de la fameuse gifle décochée l’an dernier par Will Smith à l’humoriste Chris Rock, après une blague sur le manque de cheveux de sa femme, plane aussi sur cette cérémonie. L’épisode devrait générer d’inévitables plaisanteries, mais la productrice exécutive des Oscars, Molly McNearney, souhaite clairement tourner la page. « Nous allons reconnaître l’événement (…) et passer à autre chose« , a-t-elle déclaré devant la presse.

L’an dernier, l’Académie avait été critiquée pour avoir laissé Will Smith recevoir son prix de meilleur acteur sur scène après son agression. Il a depuis été interdit de cérémonie pendant 10 ans. Cette année, l’objectif des organisateurs est « d’assurer le divertissement » et que la cérémonie soit regardée. Car malgré le rebond des chiffres d’audience l’an dernier, l’intérêt pour les Oscars s’est considérablement effrité depuis l’âge d’or des années 90. En 1998, 57 millions de téléspectateurs (record absolu) avaient assisté au triomphe de Titanic, récompensé par 11 statuettes. Cette fois, la cérémonie compte sur la présence des suites de Top Gun et Avatar, deux blockbusters majeurs, pour attirer l’attention. « Mais si l’audience n’augmente pas par rapport à l’année dernière, l’Académie aura un gros problème« , pointe Scott Feinberg.

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