De retour avec « Lucky », le réalisateur Olivier van Hoofstadt nous avait accordé un entretien revenant sur « Dikkenek », film devenu culte aujourd’hui. Comment un projet aussi déjanté a-t-il vu le jour ? Une suite est-elle envisagée ? Rencontre.

A l’occasion de la sortie de Lucky, nouvelle comédie réalisée par Olivier van Hoofstadt, nous vous proposons de (re)découvrir un entretien avec son réalisateur, à propos de Dikkenek. Sorti en 2006, en pleine Coupe du monde, cette comédie belge portée par un impressionnant casting (François Damiens, Marion Cotillard, Florence Foresti, Mélanie Laurent, Jérémie Rénier…) est considéré par d’aucuns comme une comédie aux répliques cultes…

AlloCiné : Dikkenek est un film devenu culte. On vous en parle encore beaucoup aujourd’hui ?

Olivier van Hoofstadt, réalisateur et coscénariste : Souvent oui. Ca fait plaisir que les gens aiment bien. C’est dommage que pour faire des films un peu singuliers, ça soit aussi compliqué. Mais sinon, ça me fait plaisir quand on me parle du film. Il passe beaucoup à la télé.

Ce film singulier en particulier a été compliqué à monter ?

7 ans pour trouver les financements, le réaliser… De la feuille blanche à la sortie.

Pourquoi est-ce que ça été aussi long ?

Personne ne voulait le faire.

Comment percevez-vous justement que l’on s’approprie votre œuvre ? C’est plutôt flatteur ?

Je trouve ça gai qu’il y ait des gens qui s’amusent. Il y a des gosses qui ont refait le film sur Internet. Il y a des morceaux de musique avec des dialogues du film. C’est gai d’entendre des gamins répéter ton film.

Le point de départ d’inspiration de Dikkenek, c’était quoi ?

Mon enfance. J’ai cherché dans toutes les conneries que j’ai faites quand j’étais jeune, des personnages qu’on a croisé à la campagne parce qu’on habitait souvent à la campagne. Claudy Focan, le mec il existait vraiment dans le village où on habitait quand on était petit. Tous ces gars qui ont des vies complètement décalées… Pendant un an et demi, j’ai réfléchi à tout ça. On ne parle que de ce qu’on connaît bien.

Et comment le film a été perçu par les gens dont vous vous êtes inspiré ?

Ils ne savent pas, ils ne savent pas ! J’aime bien mettre des prénoms de gens que je connais, et puis ça les fait rire quand ils regardent le film ! Ils ne s’y attendent pas, ils ne savent pas au départ.

Est-ce qu’il y a une scène ou un personnage dont on vous parle plus ?

Claudy Focan. Il faut dire que je le connais bien le personnage. Il est habillé par mon père, par son père. C’est vraiment un mélange de nous.

Parfois on a des surprises quand on s’intéresse au succès en salles d’un film devenu populaire avec ses passages télé… Ces films ne font pas forcément beaucoup d’entrées en salles. Est-ce que c’était le cas de celui-là ?

Oui, carrément. Il n’est peut être pas sorti au bon moment. Il est sorti en pleine Coupe du monde où la France était en finale contre l’Italie, au début de l’été [2006]. 130 000 personnes en France. Donc ça n’a pas marché, mais c’est après. Le bouche à oreille avec la VOD, Canal+…

Et en Belgique, ça a bien marché ?

Ca a fait aussi plus ou moins 100 000 entrées. Ce qui est pas mal pour une comédie belge. C’était un film très gai à faire. On s’est bien marrés.

Et c’est un casting complètement fou. Quand on voit la carrière de Marion Cotillard, par exemple, aujourd’hui, et qu’on sait qu’elle a joué dans un film comme celui-là…

Surtout elle était dans mon premier court métrage, elle avait 15 ans.

Comment l’avez-vous connue ?

Elle tournait dans un téléfilm en Belgique avec Anna Karina [Chloé de Dennis Berry, Ndlr.]. J’ai un ami qui m’a dit : ‘Il faut que je te présente Marion. C’est une jeune comédienne. Elle va réussir, tu verras…’ J’étais à Liège, on a vu Marion. On a fait ce court métrage qui s’appelle Snuff Movie.

Il y a également Jérémie Rénier qu’on associe plutôt au cinéma des frères Dardenne et à des films plus « sérieux ». Comment vous sont venues toutes ces idées de casting et de contre-emploi ?

Quand on écrivait, on essayait de réfléchir à des gens avec qui on aimerait travailler, de justement prendre des gens à contre-emploi. Jérémie, ça lui a plu de tourner une comédie. François Damiens commençait à faire des caméras cachées en Belgique et quand j’ai vu ça, je me suis dit : il nous faut ce gars là. François est très très doué, c’est un plaisir de travailler avec lui.

Est-ce que tout était très écrit ? Par exemple les répliques de François Damiens justement ?

En fait, il y a énormément de préparation. Il y a beaucoup de répétitions. 90% était écrit. Après, ce que j’avais dit à François, un mois avant le tournage, c’était qu’on allait arrêter de répéter, arrêter de trouver des blagues, et comme ça quand on fait ensuite des prises et qu’elles sont bonnes, tu peux garder de l’improvisation, trouver d’autres choses…

Est-ce que la version qui est sortie au cinéma est une version censurée ?

Ah non, là franchement, il n’y a eu aucune censure. Luc Besson [producteur de Dikkenek] m’avait vraiment donné carte blanche. Ils ont juste oublié une feinte de Florence Foresti dans la copie 35 pour les salles, mais qui est sur le DVD.

Luc Besson justement, comment est-il arrivé sur ce projet ?

En fait, mon premier court métrage, c’était Snuff Movie avec Marion Cotillard. Puis, j’ai fait Parabellum et Keo avec José Garcia. La femme de José Garcia, Isabelle Doval, a fait Rire et châtiment [produit par EuropaCorp, la société de Luc Besson]. Je pense qu’un jour José Garcia a dû déjeuner avec Luc Besson qui avait vu Parabellum sur Canal+ ou ailleurs. Il lui a demandé comment j’arrivais à faire un court métrage de 33 minutes en scope avec des poursuites d’hélicoptère, des fusillades, 4000 figurants… José lui a expliqué comment j’avais procédé, avec beaucoup de débrouille, des sponsors… J’ai toujours fait un peu comme ça.

Luc m’a appelé en me demandant si j’avais un projet et j’avais justement Dikkenek. Tout était déjà story-boardé et tous les décors étaient pris en photo. On s’est rencontrés. Il a lu le scénario et m’a dit qu’il allait financer le film avec son propre argent et c’est comme ça qu’on l’a fait.

Avant lui, vous aviez eu beaucoup de refus parce que le film était trop…

Les gens ont la trouille, alors que c’est juste pour faire rigoler. 

Quand on voit le côté culte de Dikkenek, on pourrait se dire que ça ouvre des portes ?

Mais c’est justement ça le problème : c’est que généralement un film culte ne marche pas au cinéma.

Y aura-t-il un Dikkenek 2 ?

Jamais. Déjà parce qu’un casting comme celui-là, c’est impayable.

Parce qu’à l’époque, il n’avait pas coûté cher ?

Non, ça avait coûté 2,5 millions d’euros en tout. De toute façon, on n’aurait pas eu plus d’argent, donc il fallait le faire comme ça. On ne peut pas avoir beaucoup d’argent pour faire des films aussi décalés que celui-là. Mais les acteurs, ce n’est pas un souci.

Alors pourquoi jamais ?

Jamais parce que je trouve qu’on a fait le tour avec ces personnages et j’ai envie de m’amuser avec d’autres personnages, d’autres histoires. Et s’il y avait de quoi monter un peu plus dans Dikkenek, si on ne l’a pas fait, c’est bien comme ça.

Il y a beaucoup de scènes coupées ?

Il y en a certaines, mais il y a surtout des prises. C’est un petit peu comme si vous aviez un bêtisier.

Vous les avez déjà montées ou montrées ?

Je les ai vu pendant qu’on montait. Elles existent.

Vous ne voudriez pas les utiliser ?

Si, ce serait cool, en DVD. Un remix en fait !

Aviez-vous été contacté pour faire un Dikkenek 2 avec le succès télé ? Luc Besson par exemple vous l’a-t-il proposé ?

Non. Luc Besson souhaitait que je fasse Go Fast juste après, ce que j’ai fait. Il n’en a jamais été vraiment question.

Après Dikkenek, vous avez tourné Go Fast, dans un tout autre univers. Est-ce aussi un film dont on vous parle beaucoup ?

Surtout à Roschdy Zem, je pense. Il me disait qu’on lui parlait beaucoup de ce film, comme s’il avait fait que celui-là ! Il y a beaucoup de femmes qui adorent ce film, c’est marrant ! Un film très difficile à faire, gros tournage, mais très chouette expérience. Tous les courts métrages que j’ai faits avant sont d’ailleurs beaucoup plus comme Go Fast que Dikkenek.

Lucky : rencontre avec Florence Foresti, Michaël Youn, Alban Ivanov

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