- Les Rencontres Films Femmes Méditerranée se tiennent à Marseille jusqu’à jeudi soir.
- Pour sa présidente Karin Osswald, il faut non seulement montrer ce cinéma féminin du sud mais aussi convaincre qu’il s’adresse à tout le monde et s’empare de tous les genres.
- Parmi les temps forts de cette édition, un hommage rendu à la réalisatrice Cecilia Mangini, seule cinéaste femme du néoréalisme italien.
Les premières soirées ont fait salle comble. Pour sa 16e édition, jusqu’à jeudi à Marseille, les
Rencontres Films Femmes Méditerranée ont retrouvé le chemin des salles obscures avec, cette année, les longs-métrages de 17 réalisatrices qui nous emmènent sur les deux rives de la Méditerranée. Rencontre avec Karin Osswald, présidente de ce festival dont la vocation première est la découverte de films réalisés par des femmes.
Aviez-vous le sentiment d’être précurseurs en créant, en 2006 à Marseille, ce rendez-vous annuel dédié au cinéma au féminin au sud de la Méditerranée ?
Le sentiment qui nous anime depuis le début, c’est celui d’être engagés, militants, pour donner à voir ce cinéma de femmes. Quand on a commencé, ce cinéma était une totale terra incognita. On le voyait très peu en salles, et à Marseille c’était un peu la double peine tant il manquait à l’époque de salles où le diffuser. Sans compter les immenses difficultés à produire ces films, au nord et davantage encore au sud de la Méditerranée. Plus que précurseurs, on a le sentiment d’avoir défriché.
Comment mesurez-vous le chemin parcouru ?
On a montré plus de 500 films en seize ans. On peut dire que le paysage a changé. Au sud de la Méditerranée – même si c’est une région de conflits et de chaos –les mouvements de libération des Printemps arabes ont participé à un certain changement. Je pense par exemple à Kaouther Ben Hania dont L’Homme qui a vendu sa peau est le premier film tunisien sélectionné aux Oscars. Les voix commencent à se faire entendre, on voit émerger une cinématographie féministe de la rive sud au sens large.
Papicha, le film de Mounia Meddour que nous avions montré en 2019, n’aurait sans doute pas pu se faire il y a dix ans. Aujourd’hui, cela devient possible. Même si les difficultés persistent, liées à des raisons politiques et économiques.
Portez-vous un regard optimiste sur le cinéma féminin en Méditerranée ?
Il ne faut pas baisser la garde, pour que ce ne soit pas un effet de mode. Notre difficulté, c’est de produire au départ. C’est pourquoi nous avons monté il y a quatre ans des journées professionnelles, qui permettent à huit réalisatrices sélectionnées de présenter leur projet à des productions. Et beaucoup de films ne sont malheureusement pas vus dans leurs pays, soit par défaut de salles de cinéma, soit pour des raisons politiques. C’est un vrai challenge. En France, malgré la prise de conscience post-Meetoo, un récent rapport du CNC montre que seuls 25 % des films sont réalisés ou coréalisés par des femmes. La marge de progression est importante.
En quoi le festival Films Femmes Méditerranée peut-il participer à une meilleure visibilité du cinéma au féminin ?
On essaie d’accompagner ça aussi, avec des partenariats avec les instituts français à l’étranger pour montrer les films. La gratuité que nous avons mise en place pour les jeunes de moins de 26 ans et les demandeurs d’emploi marche bien, ils sont plus nombreux à venir. Mais une chose est de montrer ce cinéma, une autre est de convaincre qu’il s’adresse à tout le monde. C’est un regard féminin sur toutes sortes de questions, de genres cinématographiques, des films intimistes, comme des documentaires, des films de genre, des films d’animation. Notre combat est de montrer que les femmes au cinéma font des films qui s’adressent à tout le monde.
Justement, quels sont les prochains temps forts de cette édition, après celui autour de la cinéaste afghane pour son film L’Orphelinat ?
On se rend compte qu’il y a toujours une couleur à une programmation. Ce qui revient cette année, c’est la transmission, l’héritage, comment cet héritage nous porte quand la vie nous amène à partir, comment il imprime le territoire dans lequel on vit. C’est un thème que l’on retrouve dans Radiograh of a family, de Firouzeh Khosrovani qui vit à Téhéran, ou de Memory Box, film de clôture en présence des réalisateurs libanais Joana Hadjithomas et Khalil Joreige. On a aussi un hommage à la réalisatrice et photographe italienne Cecilia Mangini, seule femme cinéaste du néoréalisme italien. Mercredi soir à l’Alhambra, il y a aussi Leur Algérie, le très beau documentaire de Lina Soualem sur la séparation de ses grands-parents, absolument magnifique.
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