De 1984 à 1997, le rendez-vous dominical de TF1, animé à 19 heures par Anne Sinclair, était incontournable. L’intimité en bandoulière, elle confessait la classe politique et le star-system.

Lorsque le générique signé Gérard Gesina et Jean-Claude Pierric retentit, le téléspectateur sait que le week-end touche à sa fin. En effet, 7 sur 7, l’émission-phare du dimanche soir de la Une, ne conclut pas la semaine, elle lance la suivante.

Toutefois, si la mémoire audiovisuelle a béatifié Anne Sinclair pour l’éternité comme visage du programme et diva du journalisme télé, cette émission qui la hissera au panthéon médiatique avait commencé bien avant elle. Le concept est né de Jean-Louis Burgat, Érik Gilbert et Frédéric Boulay. Le programme s’installe en 1981, au temps du mitterrandisme triomphant, d’abord le mardi, puis le samedi soir. En 1983, place au stratégique dimanche, 19 heures. Mais c’est en invitant des vedettes (on ne parle pas encore de people) que 7 sur 7 détonne.

L’un des faits d’armes de Jean-Louis Burgat ? Le 11 mars 1984, Serge Gainsbourg brûle, en direct, un billet de 500 francs.

Le scandale est immédiat, eu égard à la puissance visuelle et symbolique du geste autour duquel s’enroule tout le mythe Gainsbourg, alors que le pays, en proie à de nombreux problèmes économiques, est gouverné depuis trois ans par les socialistes.

©GINIES/SIPA

Du cran à l’écran

En 1984, après le départ de ses créateurs pour Canal +, Jean Lanzi et Anne Sinclair leur succèdent. L’aménité consensuelle et le style Sciences Po et glamour de cette dernière font vite mouche, éclipsant Lanzi. Elle prend seule les rênes de l’émission qui lui colle rapidement à la peau comme le grand rôle de sa vie. À la manière d’Oprah Winfrey, elle réalise des interviews d’une voix posée, qui vient appuyer un phrasé structuré, des idées claires, des questions précises et argumentées.

Alors que l’autre rendez-vous politique phare des années 80, L’Heure de vérité, confronte une personnalité à trois interviewers successifs, Anne Sinclair mène seule, avec ses yeux bleus dans ceux de l’invité, un face-à-face autour d’une table.

Ce rendez-vous capte jusqu’à dix millions de téléspectateurs. Les politiques de tous bords – sauf Jean-Marie Le Pen, boycotté par la journaliste – et le monde entier, de Gorbatchev à Hillary Clinton, de Sharon Stone à Hassan II, viennent commenter l’actualité heureuse ou malheureuse. Cette proximité dans l’espace avec les invités crée une atmosphère intime qui incite à la confidence.

Elle quitte sa zone de confort

On ne compte plus les grands moments de télé qui demeurent à jamais ancrés dans la mémoire de nombreux téléspectateurs, à l’instar de cette dernière émission où, interrogée par Robert Namias, le directeur de l’information de TF1, elle est sa propre invitée pour faire le bilan de treize années à la tête du programme – la nomination à Bercy de son mari d’alors, Dominique Strauss-Kahn, l’oblige à quitter l’antenne.

D’une pierre, deux coups. Éthique et tactique mêlées, Anne Sinclair décide de mettre un terme à ce rendez-vous sacramentel. Michel Field et Ruth Elkrief tentent alors de faire oublier la reine Anne et ses pulls en mohair (qui, selon son propre aveu, ne représentait seulement que 1 % de ses tenues dominicales). En vain. Il faudra attendre trois bonnes années pour que TF1 retrouve la martingale avec le magazine d’information, Sept à huit.

Et aussi…

Des moments cultes

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Parmi les numéros les plus mémorables figure celui diffusé le 11 décembre 1994 où Jacques Delors va préciser s’il est candidat ou non à l’élection présidentielle de 1995. Mais 7 sur 7, ce furent aussi des entretiens avec des chefs d’État étrangers comme le chancelier allemand Helmut Kohl ou, lorsqu’en décembre 1991, alors que le destin de l’Union soviétique bascule, Gorbatchev se confie depuis son bureau du Kremlin. Les vedettes eurent également leurs ronds de serviette : Alain Delon, Madonna déguisée en Heidi avec une dent en diamant, Patrick Bruel qui exhorte les gens à voter, le magnat de la presse britannique Robert Maxwell, le commandant Cousteau, l’abbé Pierre, Guy Bedos ou encore le futur président du Conseil italien Silvio Berlusconi, qui chercha à débaucher Anne Sinclair pour La Cinq.

Une Marianne aux trois 7 d’or

En 1989, l’année du bicentenaire de la Révolution française, les maires choisissent la madone de l’info aux trois 7 d’or pour incarner Marianne.

La journaliste s’invite aussi à domicile !

De 1985 à 1989, Anne Sinclair anime, parallèlement à 7 sur 7, une autre émission politique, mensuelle celle-là : Questions à domicile. Avec Pierre-Luc Séguillon, puis Jean-Marie Colombani, la journaliste s’invite chez les politiques comme Jean-Pierre Chevènement, Valéry Giscard d’Estaing, dans les appartements privés de l’Élysée, occupés par François Mitterrand, ou encore chez Yves Montand pour savoir s’il sera candidat à la présidentielle de 1988.

Elle fait écran au Front national

Face à la montée du Front national, Anne Sinclair campera sur son refus de recevoir Jean-Marie Le Pen, arguant qu’« on n’a pas à lui tendre le micro ». Après la présidentielle de 1988, c’est donc Gérard Carreyrou qui la remplacera lors de la venue du leader frontiste sur le plateau de 7 sur 7.

Dominique PARRAVANO

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