Les « grandes écoles » produisent, de temps à autre, des chanteurs qui marquent leur époque. Guy Béart avait étudié à l’école des Ponts et Chaussées avant de se produire sur scène, en solo ou avec Juliette Gréco. Antoine était, comme Boris Vian, diplômé de Centrale lorsqu’il a conquis l’Olympia.
Marie T., alias « Slow Jane », connaîtra-t-elle le même succès que ces brillants aînés ? La jeune femme, ancienne élève de Normale Sup et d’HEC, sort, en tout cas, cet automne, un premier album remarquable. Nourri d’influences très seventies, cet opus compte onze titres qui développent « un univers personnel à la fois onirique et troublant », selon Karol Beffa, qui lui a enseigné la musicologie et l’art de la composition, rue d’Ulm.
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Les amateurs de musique électronique passeront leur chemin. Intitulé « Caroline », ce disque privilégie en effet l’acoustique. Les fans de folk, en revanche, s’attarderont sur cet album autoproduit, enregistré l’an dernier au « studio Bernadette », ainsi baptisé en l’honneur d’une illustre voisine : Bernadette Chirac.
Une easy-pop?
En 2013, la jeune femme participe à un premier groupe (Carolina, auquel le titre de cet album fait un clin d’?il). Ce premier quatuor joue alors dans les bars de l’Est-parisien une easy-pop légère. En 2015, la normalienne met la musique entre parenthèses. Elle commence à travailler : d’abord dans le domaine de la production cinématographique, puis comme « conseil » en stratégie dans un influent cabinet de conseil américain.
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Trois ans plus tard, l’envie de jouer se fait plus forte et la pousse à reprendre les concerts, le week-end. Désireuse de graver un CD, elle recontacte l’un de ses anciens professeurs d’HEC où elle a suivi un Master en management des industries culturelles. « Il m’a présenté son fils, Max Darmon, qui joue de la basse. C’est avec lui, tout comme Romain Roussoulière et Mathieu Mongetin, que j’ai travaillé sur cet album », confie-t-elle.
? entre Nick Drake et Fiona Apple
Slow Jane ne dissimule pas ses influences. Le nom du groupe vient d’une chanson de Nick Drake. « J’écoute beaucoup Angie McMahon, Neil Young et John Mitchell, mais aussi Joan Baez ou encore Fiona Apple. Je suis aussi très fan de la musicienne Linda Peretz, qui a sorti un album unique dans les années 70 avant de devenir dentiste », émet la jeune femme.
Si elle chante en anglais, c’est à une enseignante qu’elle le doit. « J’ai eu une excellente prof d’anglais en hypokhâgne, Mme Charlotte Levrard. Elle m’a fait découvrir et apprécier la musicalité de la langue anglaise, et découvrir Shakespeare que j’ai lu pour la première fois en classe avec elle. »
Références littéraires
La (littéraire) musicienne confie vouer un culte particulier au « barde d’Avon ». Elle relit régulièrement ses pièces. Ses favorites ? « Macbeth, Romeo & Juliet, A Midsummer Night’s Dream notamment. À plusieurs siècles d’écart, j’aime aussi beaucoup la littérature américaine de la beat-generation, surtout Jack Kerouac [Sur la route, Big Sur] et John Fante [Demande à la poussière]. » Côté français, la chanteuse cite plutôt Gide (Les Nourritures terrestres mais aussi son journal?) et Mallarmé.
« Si je dois trouver un fil directeur pour relier ces influences variées, je dirais que ce qui me plaît et me fascine dans la littérature ce sont les images : la capacité de la langue à faire naître et advenir des images. Une économie de mots au service du dévoilement de l’essence du monde », émet-elle, soudain lyrique. On ne saurait mieux décrire sa musique.
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