Peut-on rire du Velvet Underground ? Premier groupe de rock à chanter la drogue, les prostituées, le sado-masochisme, les travestis et la marge, le groupe culte new-yorkais connu pour sa noirceur n’est pas un fleuron de la gaudriole. Groupe influent s’il en est, le Velvet Underground est surtout intouchable. Pas pour tout le monde. L’auteur, dessinateur et musicien de rock Prosperi Buri tente l’impensable avec sa bande dessinée Une histoire du Velvet Underground : se moquer (gentiment) du groupe de Lou Reed et John Cale en racontant une version désopilante et sans complaisance de leur parcours.
« A la Factory, c’est très mal vu de rigoler »
Pour ce groupe « malsain » et vénéneux, on imaginait en effet une BD sombre au trait volontiers difficile, accidenté. Prosperi Buri fait tout l’inverse. Avec son trait joyeux, il croque avec humour une légende en bichromie (rose et noir) que tous les admirateurs du groupe connaissent : la rencontre à New York dans les années 60 entre Lou Reed, un étudiant en littérature porté sur l’héroïne, et John Cale, un musicien expérimental venu du Pays de Galles, déterminés à « révolutionner le rock« . Puis l’arrivée de Sterling Morrison (basse, guitare) et Maureen Tucker (batterie), et la rencontre déterminante de la petite troupe avec Andy Warhol, entouré de la faune arty de sa Factory.
« A la Factory, c’est très mal vu de rigoler…Tout le monde est sous speed, et le top du cool c’est de faire la gueule… être odieux, snober son voisin… prendre des poses suffisantes« , les prévient Andy Warhol dans la BD. Le pape du pop art les appelle ses « chouchous« , se fout royalement de la musique assommante de sa « nouvelle lubie » mais conceptualise le groupe et leur impose Nico au micro (« qui chante comme une patate« ), ce qui donne lieu à quelques scènes très drôles.
Si Warhol en prend pour son grade, tous ou presque, sont épinglés et en particulier la susceptibilité et l’ambition dévorante des deux leaders, leur guerre d’egos, leur snobisme, le fait qu’ils trainent par pur opportunisme avec « des cinéastes chiants« , l’échec commercial mal digéré du groupe durant ses années d’activité – « quatre albums en trois ans et pas un seul ne s’est vendu » – jusqu’au cynisme de leur manager Steve Sesnick, dépeint par le dessinateur avec une tête de serpent.
Une satire pleine d’admiration
La rivalité de John Cale et Lou Reed, qui se disputent le leadership, est particulièrement réjouissante lorsqu’elle atteint son paroxysme au second album et qu’ils en viennent aux mains. « Si je n’avais pas été là, tu serais encore en train de composer des bluettes pour Pickwick Records« , fait valoir John Cale en substance. « Et qui t’a sorti de ta musique concrète de merde, qui ?« , lui demande Lou Reed. « Ecoutez, m’sieurs-dames, je vais jouer la même fausse notre pendant huit heures !« . Ambiance. Le plus drôle c’est que rien ne dit que cela ne s’est pas passé ainsi.
« La première fois que je vous ai entendus, je me suis dit : Mais comment peut-on faire un disque avec un son aussi merdique ?!« , leur assène Iggy Pop avec admiration à ce moment-là. Et Maureen Tucker de se demander « Alors c’est pour ça qu’on a eu autant d’influence ? A cause de notre son pourri ?« .
Une histoire du Velvet Underground de Prosperi Buri (Dargaud)
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