« C’est un monument Jessye, on ne peut pas s’imaginer que cette voix n’est plus là, c’est une grande peine », a confié mardi 1er octobre sur franceinfo, Marc Minkowski, directeur général de l’Opéra National de Bordeaux, après la disparition de la cantatrice Jessye Norman, à l’âge de 74 ans, lundi 30 septembre à New York. « Jessye Norman, c’est de l’airain c’est de l’or c’est du bronze qui chantait », a ajouté Marc Minkowski, qui a raconté que Jesye Norman, « chantait toujours dans le style juste » avec « une voix qui vous enveloppait, avec ses décibels, ses couleurs infinies. Cette profondeur. Et on pleurait aussi parce qu’elle avait aussi un jeu scénique totalement incroyable, unique« , a-t-il témoigné.

franceinfo: Votre sentiment après la disparition de la cantatrice Jessye Norman ?

Marc Minkowski: Je suis bouleversé. Hier j’ai passé ma soirée sur Youtube pour me rappeler toutes les choses, Didon et Enée, Carmen, Dalila. C’est un monument, Jessye et on ne peut pas s’imaginer que cette voix n’est plus là. C’est tellement unique. Jessye Norman, c’est de l’airain c’est de l’or c’est du bronze qui chantait. Et oui, c’est aussi une grande peine. Mais en même temps qu’est-ce qu’on a vécu comme vibration incroyable et magique avec elle. C’est quelqu’un qui chantait toujours dans le style juste, que ce soit dans notre langue, une magnifique diseuse française ou bien italienne ou allemande. Et puis cette stature incroyable quand même, une déesse extraterrestre, une figure d’une beauté tellement inhabituelle sur une scène d’opéra, absolument incroyable. Je crois aussi, un être humain qui a beaucoup souffert dans son enfance et qui est devenu avec le travail, le don, la persévérance, une star planétaire et en plus une star française.

Jessye Norman a commencé en Europe. C’est grâce peut-être à l’Europe qu’ensuite elle est devenue une star aux Etats-Unis, elle qui était américaine ?

C’est souvent comme ça que ça se passe. Un peu comme les Français quand ils vont ailleurs. Nul n’est prophète en son pays c’est toujours un petit peu ça. Et puis elle vient aussi du gospel, du spiritual. Elle faisait du jazz de manière totalement magique et inhabituelle. C’est cça qui est extraordinaire.

Est-ce que vous vous souvenez du moment où vous l’avez découverte ?

Oui, j’étais un jeune mélomane instrumentiste et apprenti chef d’orchestre. J’allais à Aix-en-Provence voir Hippolyte et Aricie en 1983 avec John Eliot Gardiner qui dirigeait et à Aix-en-Provence on entendait des voix plutôt légères, plutôt blanches sans faire de mauvais jeu de mots, plutôt mozartienne. Et tout d’un coup José van Dam est arrivé sur la scène, Rachel Yakar. Jessye est arrivée pour chanter Phèdre et c’était irrésistible, c’était une voix qui vous enveloppait avec ses décibels, ses couleurs infinies. Cette profondeur. Et on pleurait aussi parce qu’elle avait aussi un jeu scénique totalement incroyable, unique. J’ai toujours rêvé de la diriger. Il a fallu que j’attende 2006. C’est arrivé quand même.

C’était un rêve devenu réalité pour vous, comment ça s’est passé ?

C’est Jean-Pierre Brossmann qui pour ses adieux au théâtre du Châtelet m’avait demandé de faire Didon et Enée de Purcell avec elle et les Nuits d’été de Berlioz. Et ça a été difficile. C’était une artiste avec des exigences incroyables mais c’était passionnant, très émouvant. C’était aussi la pédagogue qui coachait plein de jeunes chanteurs qui étaient présents. Et puis c’était aussi toujours cette leçon de diction française dans Berlioz, unique et cette profondeur et ces sons comme une contrebasse. C’était indescriptible. Ces sons tellement profonds et qui vous enveloppaient complètement. Que ce soit dans la salle ou quand on était à côté d’elle.

C’était une femme de conviction, c’est peut-être aussi ça qui a fait de Jessie Norman une icône, une star ?

Absolument. Sur l’action humanitaire sur beaucoup de sujets. Elle a perpétué la voix comme notamment Aretha Franklin. Dans le jazz même d’autres classiques avant elle. Elle a imposé ce style et ce ton de voix absolument unique. Jessye c’était comme une statue une statue qui vous faisait pleurer par l’intensité de son style et de son timbre. Avec le gospel avec toute sa période un peu jazzy à partir des années 2010, je crois qu’elle a beaucoup contribué à faire entendre la musique classique dans des endroits inhabituels, dans un style inhabituel sans démagogie toujours et avec style.

Source: Lire L’Article Complet