Lars Vogt, brillant pianiste et chef d’orchestre, s’est décédé lundi 5 septembre à trois jours de son 52e anniversaire, emporté par un cancer, a annoncé son agent. « C’est avec une grande tristesse que nous annonçons le décès du pianiste et chef d’orchestre allemand Lars Vogt », a indiqué sur Twitter l’agence Askonas Holt. « Lars s’est éteint en paix cet après-midi entouré par sa famille après avoir combattu le cancer. » Le musicien luttait depuis mars 2021 contre un cancer du foie, a précisé sur son site France Musique qui rend hommage à l’artiste durant la journée et la soirée de mardi.
Une carrière de concertiste lancée à 18 ans
Depuis juillet 2020, Lars Vogt était le directeur musical de l’Orchestre de chambre de Paris, une fonction dans laquelle il avait été confirmé en 2021. Lauréat de plusieurs prix prestigieux, dont le prix Brahms (en 2004), il avait été recruté par la mairie de Paris alors qu’il était directeur musical de la Royal Northern Sinfonia de Gateshead, en Grande-Bretagne.
Né le 8 septembre 1970 à Düren, dans l’ouest de l’Allemagne, formé à l’Université de musique et de théâtre de Hanovre, Lars Vogt remporte en 1990, à 18 ans, le deuxième prix du Concours international de piano de Leeds. Cette performance lance sa carrière, lui ouvrant les portes des scènes et des orchestres les plus prestigieux, de New York à Paris en passant par Londres, Tokyo, Chicago. Dans la saison 2003-2004, il est le premier pianiste en résidence de l’Orchestre philharmonique de Berlin. Durant sa carrière de concertiste, Vogt aura travaillé avec plus de 200 chefs d’orchestre, dont Claudio Abbado et Simon Rattle, rappelle France Musique qui rapporte cette citation qui relie les deux activités de prédilection du musicien allemand : « Lorsque je joue du piano, j’ai l’impression de diriger un orchestre, en quelque sorte. Je joue avec mes doigts, mais dans ma tête il y a un chef d’orchestre. J’aspire à obtenir le son d’un violon, d’une flûte, d’un hautbois, d’un basson, des couleurs qui ne sont pas uniquement les couleurs d’un piano. »
En tant que chef d’orchestre, Lars Vogt assure la direction de plusieurs formations, dans son pays d’origine (Mahler Chamber orchestra…) mais aussi en Pologne avec l’Orchestre philharmonique de Varsovie, ou aux antipodes (orchestres symphoniques de Sydney, Nouvelle-Zélande, Singapour). Porté par sa passion pour la musique de chambre, il fonde par ailleurs le festival Spannungen (« tensions ») dédié à ce genre musical, en 1998. En 2015, il prend ses premières fonctions officielles de directeur musical d’un orchestre, celle du Royal Northern Sinfonia, avec lequel il connaîtra de belles heures de musique et de partage.
Dans un entretien posté en 2021 sur le compte Youtube du légendaire Herbert von Karajan, Lars Vogt confiait, cité par France Musique : « J’adore observer les autres chefs. D’abord il y a la technique, mais n’empêche que cela reste un mystère. Ce qui reste mystérieux, c’est que la technique seule ne résout rien. Décider à quel moment l’orchestre a besoin d’aide, d’inspiration. C’est comme un train en marche, lorsqu’il est lancé il faut savoir se retirer, ce que savent faire les grands chefs. Là, ils se focalisent sur la ligne mélodique, la respiration. »
Côté répertoire, le champ d’exploration de Lars Vogt voyage de Bach à la musique contemporaine, en passant par Beethoven, les compositeurs romantiques ou ceux du XXe siècle comme Chostakovitch (vidéo ci-dessous).
En 2021, il parlait de son cancer sur France Musique
L’artiste, d’esprit ouvert et sincère, avait tenu à se confier sur sa maladie il y a un an, le 3 septembre 2021, dans la Matinale de France Musique (il s’exprime à partir de 1h24mn, extrait vidéo ci-dessous). À l’époque, il déclarait que son traitement était efficace. « J’ai eu le diagnostic en mars [2021]. Ça a vraiment changé ma vie, naturellement. Je ne peux pas travailler comme j’en ai l’habitude, il me faut prendre des pauses et dormir un peu plus. » Alors qu’on lui demandait pourquoi il avait décidé de révéler son état, il répondait simplement : « C’est devenu une part essentielle de ma vie, comme la musique. J’exprime toutes les choses qui parlent de la vie. Il y a peut-être une autre perspective sur les choses, on profite plus de chaque instant, de faire de la musique. Quel privilège ! Et de voir chaque jour le lever du soleil, c’est vraiment un miracle. Ça a l’air d’un cliché, mais c’est vrai, car je sais que le temps est limité (…) Et la musique peut consoler, Mozart, Brahms… Je joue beaucoup Bach pour moi-même. Mais aussi, être dans le travail avec l’Orchestre de chambre de Paris. Ils sont vraiment devenus mes amis. Faire de la musique entre amis, être dans le processus de travailler ensemble sur une pièce de musique qu’on aime… On oublie tout et c’est vraiment formidable. »
À l’Orchestre de chambre de Paris, il avait pris ses fonctions de directeur musical le 1er juillet 2020. En décembre 2021, son mandat avait été prolongé jusqu’en juin 2025. Lundi soir sur Twitter, la formation a fait part de son « immense tristesse » de perdre son directeur musical « après plusieurs mois d’un long et courageux combat contre la maladie », se souvenant d’« un homme d’une incommensurable humanité » qui « avait su tisser avec chaque musicien et chacun des membres de l’équipe un lien personnel fort. Animé par une extrême bienveillance, il leur partageait son enthousiasme sans limite. »
Quelques hommages sur les réseaux sociaux
Dans le monde de la musique, artistes et professionnels rendent hommage à Lars Vogt depuis lundi soir, saluant autant l’être humain que le musicien.
L’équipe du Théâtre des Champs-Élysées se dit « bouleversée » par la mort du musicien, « emporté par un cancer dont nous le croyions vainqueur il y a encore quelques jours », concluant son message par un extrait de son dernier concert dans la célèbre salle parisienne.
Le pianiste François-Frédéric Guy a posté sur Twitter un message plein d’émotion : « Adieu mon ami. Ton sourire ton humour comme sur cette photo… ta simplicité ta sincérité et… ta divine musique au piano comme au pupitre … Tu laisse un vide immense. Notre cœur est brisé. Adieu Lars. »
La violoncelliste autrichienne Julia Hagen a posté sur Twitter : « Rarement un musicien ne m’a autant émue que Lars Vogt. Son jeu était comme lui : honnête, authentique, incroyablement chaleureux, ouvert, pas vantard, avec une profondeur et une chaleur que j’ai rarement connues. Toujours voir le bien chez les autres, fou. »
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