La plupart des gens qui écoutent la musique de Neil Young l’ont abordée par ce disque. C’est la porte d’entrée la plus courante pour découvrir son œuvre foisonnante. Paru le 1er février 1972, il est resté la meilleure vente de l’année, et même si certaines critiques n’ont pas été très enthousiastes à sa sortie, il a été reconnu au fil des ans comme un album majeur, et le plus emblématique de Neil Young.
L’album le plus connu de Neil Young
Pourtant le songwriter canadien ne l’a jamais considéré comme différent du reste de sa discographie. Pour lui c’est juste « un disque comme les autres ». Mais le public l’a rapidement plébiscité, notamment à travers ses deux tubes Heart of gold et Old man.
Après ses débuts dans les années soixante au sein de Buffalo Springfield, puis en solo ou en quatrième mousquetaire du trio devenu quatuor Crosby, Stills, Nash & Young, le Loner arrivait en 1972 à un moment clé de sa carrière.
Harvest marque en effet une charnière entre ses précédents albums avec le groupe Crazy Horse et les années noires qui vont suivre, marquées par la mort de son guitariste Danny Whitten et le handicap de son fils. Avant de sombrer dans la dépression et enregistrer trois albums très sombres, Neil Young signe ce disque lumineux et intemporel.
Trois styles musicaux bien distincts
Il s’affranchit momentanément de Crazy Horse en recrutant les Stray Gators, musiciens orientés plutôt country. Le disque fleure bon l’ambiance bucolique dès son ouverture Out on the weekend ou la chanson-titre, et la plupart des morceaux baignent dans une atmosphère acoustique et campagnarde. D’ailleurs la chanson Are you ready for the country ? joue sur les mots : « êtes-vous prêt pour la campagne ? / êtes-vous prêts pour la musique country ? ».
Neil Young devient ainsi un des hérauts du folk-rock, mais ne s’y enferme pas en ouvrant son album sur d’autres genres musicaux. Deux titres sortent du lot où le chanteur est accompagné par le London Symphony Orchestra : le jugé sexiste A man needs a maid (« un homme a besoin d’une servante ») et l’existentialiste There’s a world, considéré trop « exagéré » par Young lui-même.
Du folk qui lorgne vers la country, des chansons avec arrangements symphoniques, mais aussi du rock. Car un album de Neil Young ne serait pas complet sans quelques riffs hargneux. Celui qui deviendra plus tard le parrain du grunge glisse dans le doux Harvest deux morceaux rageurs dont un va rester célèbre par une prétendue querelle avec un autre groupe.
Une polémique montée en épingle
Si le disque se clôt sur le jeu de guitare écorché de Neil Young dans Words (Between the Lines of Age), c’est surtout Alabama qui retient l’attention du public, et notamment celle du groupe Lynyrd Skynyrd.
Sur son précédent album After the goldrush, le songwriter avait déjà exprimé son aversion des « bouseux » peuplant les Etats du sud des Etats-Unis dans Southern man et son texte acide. Il enfonce le clou avec Alabama où il évoque « les restes de l’Union », en référence aux Confédérés de la guerre de Sécession, et fustige les relents ségrégationnistes encore bien présents un siècle après.
L’occasion est trop belle pour certains de cataloguer le groupe de raciste, et le placer en ennemi juré de Neil Young. Mais ce raccourci facile oublie que la phrase semblant encenser le gouverneur de l’Alabama de l’époque partisan du White power « in Birmingham they love the governor » est immédiatement suivie de « bouh bouh bouh ! ». Et en concert, ces chœurs chanteront même « down down down ! », confirmant l’ironie de la chanson et la volonté de Lynyrd Skynyrd de n’être récupéré par aucun mouvement politique.
Mais surtout, l’animosité supposée entre les deux artistes ne sera qu’artificiellement exagérée par la presse. En effet Neil Young a toujours revendiqué aimer Lynyrd Skynyrd et Ronnie Van Zant, l’auteur des paroles de Sweet Home Alabama, n’a jamais caché son admiration pour le songwriter. Chacun a d’ailleurs arboré des T-shirts à l’effigie de son soi-disant ennemi, et avant la mort de Ronnie Van Zant, le groupe sudiste devait enregistrer Powderfinger du Canadien, texte pas franchement glorieux sur la colonisation de l’Amérique.
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