Suzane, artiste la plus programmée dans les festivals l’été dernier en France, sort vendredi un premier album qui répond aux attentes, entre textes ciselés par son sens de l’observation et habillage électro efficace.

Quand on parle habillage, on pense aussi à sa signature sur scène, cette fameuse combinaison « graphique », comme elle la décrit pour l’AFP, inspirée par « Bruce Lee dans la +Fureur du Dragon+ que je regardais avec mon père ».

Autre référence, Elvis Presley: « quand je servais des gros burgers, pas bons, très chers, à la télé du restaurant il y avait Elvis dans +Jailhouse Rock+ et je me disais +il a l’air libre quand il danse, je crois que je me trompe de chemin+. Merci Elvis! »

Dernière influence après le « King », le roi Louis XIV. « J’étudiais l’histoire de la danse et il aimait porter du bleu, c’est mon bleu de travail ».

Au fil de ses 32 dates l’été dernier, les spectateurs ont pu apprécier son jeu de scène entre punch et élasticité. A 29 ans, elle fait d’ailleurs sans problème le grand écart facial pour la séance photo avec l’AFP. Héritage de 15 ans de danse au conservatoire d’Avignon. Le titre de l’album, « Toï Toï », est d’ailleurs un encouragement avant d’entrer en scène dans le monde du spectacle.

– « Des personnes qui me touchent » –
L’AFP a montré ses vidéos à deux danseurs qui travaillent avec plusieurs compagnies. Agnès Canova aime « vraiment bien l’idée d’utiliser la danse contemporaine pour des clips, plutôt que la danse tape-à-l’œil show biz ». Sa préférence va aux vidéos de « L’insatisfait » et de « SLT », où « la danse est plus sensible, utilisée pour traduire des émotions ». Pour Bruno Maréchal, ces clips « s’inspirent du contemporain et du +street style new hip-hop+ ». « J’ai l’impression de voir des petits clins d’œil à Stromae et donc à sa chorégraphe Marion Motin », ajoute-t-il.

Stromae? « Un artiste qui a cassé les codes, mais je suis allée chercher un peu mon propre ADN, un mélange de textes français et d’électro. J’ai écouté Brel, Vitalic, Justice », développe Suzane.

Les textes ont jailli de son poste d’observation, un autre job de serveuse à Paris dans le XXe arrondissement. « J’entendais les discussions malgré moi. +L’insatisfait+, c’est un gars que j’ai servi, complétement frustré de la vie. +Monsieur Pomme+, c’est un couple qui ne se parle pas car ils sont sur leur téléphone. Mais ce sont des personnes qui me touchent: je suis insatisfaite, je suis addict au téléphone ».

– « Plus la tolérance gagnera » –
Dans « SLT », Océane Colom (Suzane est un alias inspiré d’une arrière grand-mère) se met « dans la peau d’un harceleur » de rue, au boulot, ou sur les réseaux sociaux « pour deviner ce qui peut se passer chez quelqu’un » qui éructe « Tu l’as bien cherché/T’as une jupe tellement courte même pas besoin de la soulever ».

Suzane aborde aussi l’homosexualité, côté masculin et féminin. « +P’tit gars+ (coming out pendant un repas en famille le dimanche), c’est quelque chose qui est sorti du cœur, de façon assez spontanée. J’avais le film en tête, l’impression de l’avoir déjà vécu, j’avais envie que les personnes concernées se sentent moins seules ».

« Anouchka », côté filles, « c’est un personnage réel de ma vie et, comme je fais toujours attention dans ces cas-là à ne pas abîmer leur histoire, elle a mis du temps à sortir cette chanson. Je voulais qu’elle soit assez subtile, qu’on se pose des questions ».

Elle l’a aussi écrite car l’homosexualité féminine est peu représentée dans la chanson. « Quand j’étais ado, il n’y avait aucune série, aucun film, livre » avec une fille qui ne va pas « non plus s’excuser/De n’pas trouver Brad Pitt parfait ». « Plus on en parlera, plus la tolérance gagnera du terrain », conclut-elle.

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