À l’instar de nombreux artistes de jazz, Brad Mehldau adore revisiter des musiques extérieures à son univers de prédilection. Il a glissé de nombreuses reprises de chansons rock dans son répertoire : Radiohead, Nick Drake, Jeff Buckley, Nirvana, Paul Simon, les Beach Boys, Sufjan Stevens, Oasis, Soundgarden… et bien sûr les Beatles. En toute logique, le pianiste américain, qui a fêté ses 50 ans le 23 août dernier, a été invité à participer au week-end spécial que la Philharmonie de Paris dédie aux « Quatre garçons dans le vent », les 18, 19 et 20 septembre 2020. Il se produit en solo samedi soir et dimanche soir.
La première chose que l’on note en parcourant les reprises des Beatles proposées par Brad Mehldau au fil de sa carrière, c’est sa prédilection pour les chansons écrites par Paul McCartney au sein des Fab Four, mais aussi en solo. L’esprit explorateur du bassiste anglais, ouvert à différents genres musicaux et rythmes, associé à son génie mélodique, transparaît dans ses compositions et a inspiré de nombreux artistes de jazz. Toutefois, les titres écrits ou co-écrits par John Lennon ne sont pas tout à fait absents du répertoire de Mehldau. Petit tour d’horizon.
« Blackbird » (1968), repris par Brad Mehldau en 1997 et 2011
Brad Mehldau Trio : « Blackbird » (Lennon-McCartney), extrait de « The Art of the Trio, Volume 1 » (Warner Bros, 1997), avec Larry Grenadier (contrebasse) et Jorge Rossy (batterie)Chanson iconique de Paul McCartney, créditée Lennon-McCartney (comme beaucoup de titres écrits en vérité tantôt par l’un, tantôt par l’autre), Blackbird figure dans l’album blanc des Beatles de 1968. Auréolé d’une dimension sociale (le mouvement pour les droits civiques a été l’une des sources d’inspiration du texte, a relaté McCartney), le titre a été repris par Brad Mehldau dans différents recueils discographiques. D’abord dans le premier volume de sa fameuse série The Art of the Trio, avec Larry Grenadier à la contrebasse et Jorge Rossy à la batterie. Puis, seul au piano, dans une version hypnotique et poignante captée en 2011, et qui figure dans une anthologie de morceaux live couvrant les années 2004-2014, 10 Years Solo Live. Par ailleurs, en 2010, Mehldau a accompagné la mezzo-soprano suédoise Anne Sofie von Otter sur cette chanson pour leur album en duo Love Songs.
« Dear Prudence » (1968), repris par Mehldau en 2002
Brad Mehldau : « Dear Prudence » (Lennon-McCartney), extrait « Largo » (Warner Bros, 2002)Dear Prudence, éblouissante chanson de John Lennon (créditée Lennon-McCartney) figurant dans l’album blanc des Beatles (1968), a été écrite lors du séjour des Fab Four en Inde où ils étaient venus pratiquer la méditation. Elle s’adressait à la sœur de Mia Farrow, Prudence, qui était du voyage et s’isolait tout le temps pour méditer. Brad Mehldau reprend la chanson en 2002 dans son album Largo, un disque dans lequel le pianiste expérimente des sonorités électriques et sort des schémas du trio, du quartet ou du piano solo. Sa version de Dear Prudence, somptueuse ballade acoustique, est de toute beauté. Sur YouTube, on en trouve également une version live en piano solo captée il y a une bonne dizaine d’années au festival de jazz de Montreux, dans un enchaînement avec le célèbre Moon River d’Henry Mancini.
« Mother Nature’s Son » (1968), repris par Mehldau en 2002
Brad Mehldau : « Wave / Mother Nature’s Son » (Jobim / Lennon-McCartney), extrait de « Largo » (Warner Bros, 2002)Brad Mehldau aime tenter des associations étonnantes. Dans Largo (2002), cet album où il s’aventure dans des contrées plus rock (écoutez son sidérant Paranoid Android de Radiohead), outre Dear Prudence, le pianiste revisite un autre titre de l’album blanc des Beatles. Il propose une reprise ébouriffante de Mother Nature’s Son (1968), sublime chanson de Paul McCartney, qu’il associe à Wave (1967), grand standard jazz d’Antônio Carlos Jobim. Les deux morceaux s’enchaînent au sein d’un même arrangement haletant, entre hip-hop et électro. Un an avant la sortie de cette version électrisante, Brad Mehldau avait participé à une reprise plus douce, délicate, acoustique de Mother Nature’s Son en sideman du saxophoniste Joel Frahm dans l’album Don’t Explain (2001) de ce dernier.
« She’s Leaving Home » (1967), repris par Mehldau en 2005
Brad Mehldau Trio : « She’s Leaving Home » (Lennon / McCartney) au festival Jazz Baltica 2006 avec Larry Grenadier (contrebasse), Jeff Balard (batterie)Si elle est née sur une idée de Paul McCartney (qui avait lu un article sur la fugue d’une adolescente), la chanson She’s Leaving Home des Beatles est un pur partenariat avec John Lennon, Paul ayant écrit les couplets, John les refrains. Ce chef-d’œuvre du répertoire des Beatles, qui figure dans l’album Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club (1967), a été repris par Brad Mehldau dans l’album Day is Done sorti en 2005, dans lequel le pianiste revisite aussi Martha my Dear et des classiques de Radiohead et Paul Simon. Dans ce disque, le trio de Mehldau se présentait sous une nouvelle configuration : si le bassiste Larry Grenadier était toujours là, le batteur Jeff Ballard reprenait le flambeau de Jorge Rossy. Dans cette relecture du trio, She’s Leaving Home débute comme une douce ballade avant que des dissonances, cassures et digressions ne trahissent les tourments non-dits d’une famille anglaise en souffrance.
« Martha My Dear » (1968), repris par Mehldau en 2005 et 2011
Brad Mehldau joue « Martha My Dear » des Beatles pour la radio californienne KCRW en 2009, dans l’émission « Morning Becomes Eclectic »Autre titre des Beatles repris dans l’album Day is Done (2005), Martha My Dear est une délicieuse ode de Paul McCartney à une dédicataire dont l’identité suscite des doutes aujourd’hui encore (le titre a-t-il été écrit pour sa chienne bobtail Martha ou pour sa fiancée de l’époque ?). Mélodieuse, syncopée, la chanson des Beatles qui démarre comme un vieux morceau de cabaret avait tous les attraits pour séduire Brad Mehldau. Laissant ses camarades Larry Grenadier et Jeff Ballard au repos, seul au piano, il s’en donne à coeur joie, de contrepoints en digressions. En 2006 à Marciac, le pianiste a proposé sur scène une relecture vertigineuse en solo de la chanson, immortalisée dans l’album Live in Marciac sorti en 2011.
« And I Love Her » (1964), repris par Mehldau en 2013 et 2016
Brad Mehldau : « And I Love Her » (Lennon-McCartney), reprise de 2013 figurant dans l’album « 10 Years Solo Live » (Nonesuch, 2015)And I Love Her, pépite intemporelle des Beatles signée Paul McCartney, figure dans l’album et le film A Hard Day’s Night (1964). Sous son apparente simplicité, la chanson possède un charme, un lyrisme et un romantisme qui n’ont pas manqué d’inspirer Brad Mehldau. Le pianiste en a glissé deux versions dans sa discographie. La première, captée sur scène en piano solo en 2013, figure dans l’anthologie 10 Years Solo Live parue en 2015. Longue de 16 minutes, elle embarque l’auditeur dans une saisissante ascension émotionnelle. Outre la version de l’album, on trouve aussi une vidéo live sur YouTube, captée à Toronto en 2016 (mais le son de l’archive n’est pas optimal). La deuxième version discographique, un peu plus courte (9 mn 25), a été enregistrée en trio avec les complices de Mehldau, Jeff Ballard et Larry Grenadier, pour l’album Blues and Ballads (2016).
« Eleanor Rigby » et « Let It Be » revisités en sideman de Joshua Redman
Joshua Redman : « Let It Be » (Lennon-McCartney), extrait de « Walking Shadows » (Nonesuch, 2013), produit par Brad MehldauAjoutons que Brad Mehldau a enregistré deux autres immenses classiques des Beatles en tant que sideman pour le saxophoniste américain Joshua Redman. Des chansons écrites par Paul McCartney, une fois de plus. D’abord, Eleanor Rigby (1966), reprise dans l’album Timeless Tales (For Changing Times) de Redman (1998), avec le bassiste Larry Grenadier et le batteur Brian Blade. Ensuite, Let It Be (1970), titre revisité dans l’album Walking Shadows (2013) du saxophoniste, dont Mehldau est par ailleurs le producteur.
« Junk », « Great Day », ‘My Valentine », trois chansons de la carrière solo de McCartney reprises par Mehldau
Brad Mehldau : « Junk » (McCartney), version live de 2004 figurant dans l’album « 10 Years Solo Live » (Nonesuch, 2015)Enfin, Brad Mehldau ne s’est pas arrêté à la discographie des Beatles pour célébrer l’illustre bassiste gaucher des Fab Four. Dans son anthologie 10 Years Solo Live (2015), il a intégré une magnifique version de Junk, joyau mélancolique du premier album solo du Beatle, McCartney, lancé en 1970. Cette chanson, sorte de dénonciation de la société de consommation, avait été écrite en 1968 mais n’avait pas trouvé sa place dans les derniers albums des Beatles. Dans Blues and Ballads (2016), le pianiste américain a repris My Valentine, chanson de l’album Kisses on the Bottom (2012) de l’ancien Beatle. Enfin, en 2018, dans son disque Seymour Reads the Constitution !, Brad Mehldau a repris Great Day, un titre de l’album Flaming Pie (1997) de Paul McCartney.
Brad Mehldau joue les Beatles à la Philharmonie de Paris Samedi 19 septembre 2020 (20H30) Dimanche 20 septembre 2020 (19H00) > Le programme du week-end Beatles à la Philharmonie > L’agenda-concert de Brad Mehldau (il jouera notamment le 15 octobre au Tourcoing Jazz Festival)
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