Depuis son lancement en 2013, &Other Stories a eu à coeur de raconter des histoires de mode.
Il y a le développement de ses lignes inspirées par des villes cosmopolites mais avec un fil rouge stylistique fort comme Paris, Berlin, Los Angeles et Milan…
Mais il y a aussi les collaborations, moments de mode à travers lesquels le label suédois met en lumière le travail de créatifs installés ou émergents.
C’est important de donner du pouvoir aux femmes à travers le vêtement. – Sindiso Kumalo
L’annonce d’une collaboration avec la créatrice de mode, basée en Afrique du Sud, Sindiso Khumalo n’avait donc pas de quoi surprendre les aficionados d’&Other Stories.
Il faut dire aussi que la créatrice partage des valeurs communes avec ce géant du prêt-à-porter; l’amour des couleurs et des imprimés, la volonté de créer des pièces de bonnes factures et qui puissent durer.
À l’occasion du lancement de la collaboration Sindiso Khumalo x &Other Stories, nous avons pu aller à la rencontre de celle qui sait raconter des histoires, un imprimé à la fois.
Sindiso Khumalo : « le textile, c’est écrire en imprimés »
On a tendance à oublier le pouvoir principal de la mode : l’art de créer des histoires, de les raconter et de les transmettre.
C’est ce que beaucoup de voix au sein de l’industrie de la mode ont essayé de rappeler ces dernières années ; la mode est plus qu’une futilité, plus qu’un vêtement que l’on achète avant de l’oublier au fond du placard. À sa façon, au travers les inspirations de ceux qui la font, des corps qui la porte, des tissus qui la façonne : la mode raconte des histoires.
L’une des histoires qui nous frappe ce printemps-été, est celle raconter par Sindiso Khumalo.
Depuis 2015, la créatrice de mode s’est imposée comme une figure incontournable de la scène mode sud-africaine, et comme un talent incontestable de la jeune création internationale.
Chaque collection lui permet de créer des textiles durables, de valoriser son héritage Zoulou et d’allier son sens unique de la création d’imprimés à son agilité pour travailler les couleurs.
Des éléments majeurs que l’on retrouve d’ailleurs dans sa collaboration avec &OtherStories.
Pour cette capsule de 10 pièces, Sindiso Khumalo a voulu montrer que le vêtement pouvait être positif, qu’il pouvait aider à guérir. « Le vêtement peut être une forme de médecine.
Il peut évoquer des émotions et vous faire sentir fort, vivant et autonome. C’est ce que je veux apporter à mes créations », explique-t-elle dans le communiqué transmis à la presse.
À l’occasion du lancement de la collaboration Sindiso Khumalo x &Other Stories, nous avons pu aller à la rencontre de celle qui sait raconter des histoires, un imprimé à la fois.
Marie Claire : Vous présentez votre collection avec &OtherStories, qu’est-ce qui vous a intéresser dans l’idée de travailler avec la marque ?
Sindiso Khumalo : J’ai reçu un email d’&Other Stories en plein covid et c’était clair que j’allais accepter. Vous savez, j’ai fait mes études à la Central Saint Martins et à l’époque je vivais pratiquement dans la boutique de Regent Street (rires).
C’est une marque que j’aime depuis si longtemps et qui parle aussi aux femmes qui achètent du Sindiso Khumalo ; singulières, excentriques et qui porteront toujours les vêtements à leur manière. Et j’adore aussi qu’ils parlent de manière inclusive.
Il existe tellement de femmes différentes et c’était une occasion fun de créer des vêtements pour elles.
Comment avez-vous imaginé les pièces qui composent la collection ?
Je voulais parler de chance. J’ai des amis qui ont perdus des membres de leur famille des suites du covid et j’avais envie d’apporter un peu d’optimisme à cette période difficile que nous avons tou.te.s vécu.
Et quelle meilleure manière pour redonner un peu d’optimisme à sa vie de tous les jours, en portant des vêtements qui l’exprime ?
Pour moi, s’habiller est un besoin aussi important que manger.
On ne peut pas être nus, pas vrai ? Donc si on peut créer des vêtements qui peuvent nous inspirer, nous redonner confiance, apporter un peu de chance… J’ai donc incorporé des petits éléments et détails comme les œillets d’Inde, des cornes de vache Mzungu issue de la culture Zulu… Des éléments de chances qui traversent les cultures que je connais.
J’adore le textile, c’est écrire en imprimés.
C’est une période incroyable pour les designers africains. – Sindiso Kumalo
Comment s’est déroulé la collaboration ?
Ça été collaboratif du début jusqu’à la fin. On m’a laissé exprimer une vision de l’Afrique qui est rarement vue. Il y a tellement d’expressions et d’éléments que j’avais à cœur d’exprimer incluant qui je suis, mon héritage et d’où je viens.
Ce que les gens aiment dans votre travail, c’est aussi son caractère enjoué notamment dans la manière de s’habiller, entre deux âges, entre l’écolière et la femme…
Je pense qu’il y a un côté espiègle dans mon travail et j’aime l’idée qu’on puisse créer des personnages à travers la manière dont l’on s’habille.
Et c’est peut-être l’origine de ma marque, l’idée de devenir la personne qu’on a envie d’être en fonction de son humeur du jour.
Je pense qu’il devrait y avoir une aisance dans notre manière de nous habiller.
C’est important de donner du pouvoir aux femmes à travers le vêtement, qu’elle se sentent à l’aise dans toutes les situations dans lesquelles elles se trouvent et les faire se sentir bien.
Votre marque va bientôt célébrer ses 10 ans…
Avoir une marque est un voyage. C’est apprendre à se connaître et, plus je crée, plus je comprends mon identité, ce que je veux dire et la raison pour laquelle je le fais.
S’interroger soi-même c’est permettre à son identité et son langage de se développer.
J’ai aussi vécu à Londres pendant 18 ans et j’ai été tellement influencée par la culture afro-caribéenne et la diaspora africaine originaire d’Afrique de l’Ouest…
Je pense sincèrement qu’une grande partie de mes influences mode vient du fait que j’ai vécu à Londres et vu les différents visages de l’Afrique.
Vous parliez plus tôt du fait que la collection vous a permis de développer des produits que vous n’aviez encore jamais créé comme du bijou ou de la maroquinerie. Vous pouvez nous en parler ?
Le sac a eu tellement de versions… C’est l’une des pièces qu’il nous a été le plus difficile de créer. Je voulais faire quelque chose de véritablement éco-responsable.
À la base on a essayé avec du cuir végan et finalement on a opté pour du papier recyclé qui permet un bon maintien du sac.
Concernant les bijoux, on a créé un collier avec des Cauri qui sont un coquillage à la symbolique forte en Afrique.
Plutôt que de pulvériser du métal sur des coquillages existants, on a utilisé du métal brossé. La longévité a été au cœur de la création de ces pièces.
J’ai la chance de toujours posséder les pièces données par ma grand-mère, je veux pouvoir transmettre les choses que je créées à mes petits-enfants.
Je ne crois pas en « une mode africaine », il y a tant d’expressions et on le fait tous d’une manière unique. – Sindiso Kumalo
Vous parlez de durabilité, d’où vient votre intérêt pour une mode éco-responsable ?
Faire attention à l’environnement est très important pour moi et je pense qu’avoir un enfant m’a fait me sentir responsable pour sa génération et leur future et donc j’ai interrogé mon style de vie.
Nous sommes des consommateurs et derrière le concept d’écoresponsabilité il y a l’idée d’interroger la nature de notre consommation et de faire en sorte que nous avons toujours une planète à léguer à nos enfants.
J’ai la chance de vivre en Afrique du Sud où mes enfants grandissent en voyant des lions et des éléphants… On oublie qu’il y avait également des lions en Europe et ils ont disparus.
Comment cette appétence pour l’éco-responsabilité se traduit dans votre travail ?
En Afrique du Sud, je collabore avec énormément d’ateliers et d’artisans à Durban, Capte Town.
Par exemple les poches en crochet sont devenues notre signature et c’est un savoir-faire issu de femmes demandant l’asile, je trouvais leur travail très beau et j’avais envie de le mettre en valeur.
On en retrouve d’ailleurs dans cette collection. &OtherStories a un process de circularité du vêtement impressionnant.
On a donc utilisé du coton organique mais aussi du lin, une matière extraordinaire qui peut se dégrader en 2 semaines.
La mode éco-responsable est une conversation large et je pense qu’il faut montrer aux consommateurs qu’ils peuvent altérer leur mode de vie, sans intégrer de pratiques qui soient trop intrusives, et faire une différence.
Et c’est le cas lorsqu’on l’on parle de la circularité, on va toujours créer des vêtements donc comment s’assurer qu’ils durent où qu’ils peuvent permettre la création d’autre chose est essentiel.
Est-ce que ce la recherche d’une mode circulaire, outre les questions de diversité et d’inclusion, ne serait pas l’une des raisons pour laquelle les pays occidentaux s’intéressent aux créat.eur.ice.s de mode africains ?
L’idée de circularité existe depuis si longtemps… Je me souviens de ma tante faisant des matelas de sol à partir de deadstocks. Ré-utiliser, recycler fait partie d’un style de vie, d’éléments culturels que l’on peut facilement lier à l’Afrique.
Et n’oublions pas le travail manuel. Ma mère peut faire du crochet, tresser, elle m’a appris à coudre quand j’avais 8 ans. Faire les choses pour soi fait partie de notre héritage.
Je pense que c’est la raison pour laquelle j’ai attendu aussi longtemps avant de dire de ma marque qu’elle était éco-responsable ; ce n’était pas un concept pour moi car il s’agit de pratiques inhérentes à mon histoire et à ma culture.
Parlez-nous de la scène mode sud-africaine. En 2015 – vu de France – elle était déjà leader sur les questions de « mode africaine ». Comment les choses ont évolué près de 10 ans après ?
L’Afrique du Sud est un pays qui m’inspire. Il faut comprendre qu’ici la mode et la musique se répondent l’une et l’autre.
Tout a vocation à devenir une source d’inspiration, on a même une chanson sur les coupures de courants (rires).
Concernant la mode, on a des designers comme Thebe [Magugu], Lukhanyo Mdingi… une explosion de talents incroyables et ce qui est génial c’est que même si l’on vient du même pays, chacun d’entre nous exprime des choses différents.
Finalement c’est ce qui a le plus changé en une décennie. On est passé d’une vision monolithe de l’Afrique à une conversation spécifique sur différentes scènes mode africaines.
Exactement. Et c’est le cas dans toute l’Afrique aujourd’hui.
Je suis passionnée par la mode nigériane, la mode ghanéenne… Et c’est la raison pour laquelle l’exposition Africa Fashion au V&A est si importante. C’est un rappel de toutes les influences, de toutes les images…
Je dis toujours que je ne crois pas en « une mode africaine », il y a tant d’expressions et on le fait tous d’une manière unique et c’est excitant.
C’est une période incroyable pour les designers africains.
Je suis moi-même surprise de la manière dont j’exprime mon héritage. – Sindiso Kumalo
On parle souvent de votre héritage Zulu sans jamais entrer dans les détails. Que signifie-t-il pour vous ?
En grandissant dans la culture Zoulou, il y a des rites de passage que l’on traverse en tant que jeunes filles et comme femmes mariées.
J’essaye d’imbriquer ces éléments comme les vaches Mzungu qu’on retrouve en imprimé sur certaines pièces de la collection avec &Other Stories.
C’est un symbole de richesse et j’aime discrètement intégrer un imprimé, une couleur… Ce n’est pas évident mais ceux qui viennent de ces cultures reconnaîtront ces symboles.
C’est ma manière de travailler et, parfois, je suis moi-même surprise de la manière dont j’exprime mon héritage.
Comment voyez-vous la suite ?
Pour moi la suite c’est de devenir une marque lifestyle. On a tellement appris sur la l’éco-responsabilité, les textiles, l’artisanat…
Apporter la joie que l’on retrouve dans nos vêtements dans vos maisons ? C’est notre prochaine étape.
Vous avez commencé cette interview en parlant de joie et vous finissez cette interview avec ce même élan. Quelle est votre relation à cette idée ?
L’an dernier, et même dans les dernières semaines, j’ai reçu beaucoup de mauvaises nouvelles et je pense que cela me pousse à me demander : comment transformer les citrons en limonade ?
C’est important de rester positif, de faire du mieux que l’on peut, de donner le meilleur de nous-même. Se souvenir qu’il y a un équilibre à toute choses et qu’elles finiront par s’améliorer.
Essayer d’amener du positif est l’une des meilleures manières d’opérer pour moi.
Tant de choses arrivent et sont difficiles… J’essaye de revenir à une vision plus spirituelle parce qu’au final, on veut tous et toutes être heureux.
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