Des maillots de bain issus de bouteilles de plastiques, de la fibre de lait ou d’araignée, du cuir de poisson… de nouvelles matières pourraient bien remplir nos dressings dans un futur proche. Pour le bien de la planète ?

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« Il m’arrive souvent de craquer pour un imprimé et de ne pas l’acheter à cause de sa composition, assure Arysone qui travaille dans la boutique vintage Love and Dress à Paris. Je ne porte que du cuir de seconde main et plus de polyester depuis au moins dix ans. C’est une matière très polluante et peu confortable ». Pour cela, elle regarde chaque étiquette des vêtements qu’elle achète, aussi bien pour elle, que pour sa fille ou dans le but d’approvisionner le magasin dans lequel elle travaille. « Je chine beaucoup de vêtements vintage. En boutique, j’essaie de choisir des matières naturelles ou les plus nobles possibles comme le coton, la laine ou la soie. » Arysone a choisi de faire attention à ce qu’elle porte pour ne pas alourdir le bilan carbone catastrophique de l’industrie de la mode, l’une des plus polluantes pour la planète.

Selon le rapport « la mode sens dessus dessous » de l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie), chaque année, le secteur du vêtements émettrait 1,2 de tonnes de gaz à effet de serre soit environ 2 % des émissions globales, plus que les vols internationaux et le trafic maritime réunis. Si les tendances de consommation se poursuivent, le chiffre pourrait monter jusqu’à 26 % en 2050. Ce n’est pas nouveau : la facture écologique est lourde. « On ne peut pas se reposer sur le polyester et le coton qui dominent 80 % du marché. Le secteur doit miser sur la plus grande diversité possible », analyse Aurélie Mossé, enseignante-chercheuse en design à l’École des arts décoratifs. « Dans un monde idéal, ces fibres disparaîtraient d’elles-mêmes », renchérit Hélène des Longchamps, responsable du département textile du cabinet de tendance Promostyl. Au profit de textiles nouvelle génération…

Recyclage toute !

Des polaires fabriquées avec des bouteilles en plastique recyclées ou encore des baskets élaborées à partir des déchets ramassés dans les océans, les initiatives de ce genre se développent de plus en plus. À l’image de Seaqual qui récolte son plastique dans la mer et le transforme en fibres de polyester : « C’est un très bel exemple de réussite. Chaque saison, nous proposons de plus en plus de tissus composés de Seaqual », atteste Hélène des Longchamps. Ces nouveautés marquent des points mais le processus d’industrialisation est toujours présent, avec la teinte, la filature, le tricotage, etc. Les prix, quant à eux, varient selon les marques : « Comptez au minimum une centaine d’euros pour une chemise, difficile de trouver des tarifs inférieurs pour ces matières écologiques », observe Hélène des Longchamps. En ce qui concerne la qualité, ces textiles ne présentent pas de problème particulier. « En revanche, la boucle n’est plus si vertueuse que ça, rappelle Julia Faure, fondatrice de la marque de vêtements durables Loom. Nous utilisons du plastique issu de bouteilles pour un maillot de bain, qui ne pourra pas être reconverti en maillot de bain ». Il reste encore des progrès à faire sur ce sujet. Une fois les différentes technologies de recyclage maîtrisées, environ 70 % des déchets textiles en Europe pourraient être réutilisés d’ici 2030 selon le rapport « Scaling textile recycling in Europe – turning waste into value » (« évaluer le recyclage en Europe – transformer les déchets en valeur ») du cabinet McKinsey & Company. « Nous aurons bientôt des procédés qui permettront de produire des matériaux pouvant être réintroduits dans des chaînes de production, détaille Christine Browaeys, fondatrice du bureau de consulting T3Nel. L’autre enjeu est d’avoir une meilleure organisation pour récupérer les textiles via des éco-organismes de façon à les réorienter vers des centres de tri de plus en plus industrialisés qui identifient les matières et de les trier correctement« .

Du bois dont on fait les fibres

Le Lyocell, créé par Tencel, est une fibre produite à partir de cellulose, c’est-à-dire de pulpe de bois, souvent de l’eucalyptus. C’est donc une matière synthétique mais tout de même biodégradable. Côté empreinte écologique, le Lyocell est meilleur élève que le coton : moins d’eau consommée et moins de surfaces de terres cultivées. Mais son processus de fabrication implique l’utilisation de produits chimiques toxiques. Ses avantages ? Un tissu résistant, respirant et qui absorbe l’humidité. De plus en plus présent dans les magasins, on le trouve aussi bien dans des collections sportswear ou casual que dans des lignes plus chic. « Les procédés d’innovation s’améliorent pour le rendre encore plus écolo. Par contre, il reste cher, même si des efforts ont été faits sur son prix », explique Hélène des Longchamps. Un produit plutôt destiné pour les marques de moyenne gamme.

Fringues vegan

Cellulose de noix de coco, textile de raisin, fibre d’orange, cuir de pomme, fibre de carotte… Les végétaux sont une source inépuisable d’innovation pour les chercheurs et créateurs de mode. Par exemple, le Pinatex qui s’est fait connaître en 2014 intègre 72 % de feuilles d’ananas des Philippines et 18 % de plastique biodégradable et de plastique. S’il n’est pas biodégradable, il peut être recyclé. Sur le marché, sont vendus chaussures, perfecto, ceintures et portefeuilles fabriqués dans cette matière. Il existe aussi un tissu à partir de mycélium (une composante de la racine des champignons) à partir duquel Stella McCartney a développé en collaboration avec Paul Pogba et Adidas une chaussure de foot 100 % vegan. « La créatrice anglaise a annoncé, l’année dernière, les premiers vêtements à base de mycélium, avec la matière Mylo », avance Aurélie Mossé. Il existe aussi du simili cuir de cactus, composé de poudre de cactus (20 %), de plastique biodégradable et de plastique. Il permet de fabriquer sacs, chaussures et vêtements. « Pour l’instant, nous n’avons pas assez de recul sur le prix de ces nouveautés. Pour être développé à grande échelle, il faut que les gens adhèrent et achètent, souligne Hélène des Longchamps. L’achat est un acte militant, c’est le consommateur qui a le pouvoir ! ». Reste la question de la qualité. Le Mylo est-il aussi résistant qu’un cuir animal ? Julia Faure a tranché : « Chez Loom, nous avons fait des tests avec des cuirs alternatifs mais nous nous sommes rendu compte que la plupart contiennent beaucoup de plastique et peu de matières naturelles. Par exemple, pour des baskets, la matière craquelle et ne s’adapte pas aux pieds qui ont besoin de respirer ». Difficile de rivaliser avec le cuir pleine fleur, confortable et résistant. Julie Solal, coach sportif, a acheté des sneakers composées de viscose, fabriquée en Italie à base de céréales et utilisée pour la matière extérieure et la doublure intérieure : « Ce qui remplace le cuir remplit bien son rôle, même si les coutures sont un peu fragiles. Surtout, j’aime leur design et leurs valeurs responsables. Je rachèterai très probablement cette marque ».

La piste animale

Mais ce n’est pas tout. Des chercheurs ont réussi à reproduire de la soie d’araignée par mimétisme. Très résistante – trente fois plus que l’acier, elle est biodégradable et légère « mais difficile à produire », précise Aurélie Mossé, donc trop chère pour le moment. Proche de la soie et peu gourmande en eau (2 litres par kilo contre 10 000 pour le coton), la fibre de lait a la particularité de rendre les vêtements compostables et biodégradables. D’autant plus qu’elle permet d’utiliser le lait de vache excédentaire. De son côté, le cuir de poisson est intéressant car c’est un sous-produit déjà consommé donc plutôt intéressant financièrement, et utilisable pour la petite maroquinerie, les chaussures, les sacs, les ceintures ou encore les bracelets de montre. D’ailleurs, chaque poisson a plus ou moins sa spécialité selon l’épaisseur de la peau et la taille des écailles. Le saumon est le plus polyvalent. La morue, plutôt difficile à teinter, a une surface irrégulière. Le loup de mer, sans écaille, est doux au toucher. Si cette option est de plus en plus utilisée, il faut beaucoup utiliser de poissons compte tenu de leur taille.

Encore plus innovant, la chercheuse Suzanne Lee a créé la biocouture il y a plus de 15 ans. Avec des souches de kombucha et un mélange de bactéries et de levures, elle est arrivée à faire pousser ses propres vêtements ! Plus précisément, elle a réussi à cultiver des tissus en fibre de cellulose bactérienne. On peut d’ailleurs trouver la recette sur internet. À bon entendeur…

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