- Marilyn Monroe, quand la femme se fait robe
- La robe la plus chère du monde
- Kim Kardashian, nouvelle Marilyn ?
La mode ne manque pas de pièces iconiques, surtout quand il s’agit de les lier à des événements cinématographique ou de pop culture.
On pense aux chaussures rouges à paillettes de Judy Garland dans le Magicien D’Oz ou bien à cette robe noire Guy Laroche portée par Mireille Darc dans Le Grand blond avec une chaussure noire.
Mais LA robe portée par Marilyn Monroe pour le 45ème anniversaire du président états-unien John Fitzgerald Kennedy occupe une place à part dans ce panthéon mythologique.
Cette robe est donc plus chargée d’une histoire de violence que de glamour. – Dana Tarabey de The House of Dana
D’abord parce que les deux protagonistes étaient amenés à disparaître peu de temps après cette date entrée dans l’histoire. Marilyn Monroe se donne la mort trois mois plus tard, le 4 août 1962, tandis que JFK sera assassiné un peu plus d’un an après, le 22 novembre 1963. Des fins tragiques qui ont fait passer ces personnages historiques au rang de figures incontournables des années 60.
La seconde raison pour laquelle cette robe de Marilyn occupe une place unique dans la mode, c’est parce qu’elle est devenue le symbole de l’une des actrices les plus iconiques du cinéma hollywoodien et de ses travers.
Marilyn Monroe, quand la femme se fait robe
19 mai 1962. Sur la scène du Madison Square Garden, Marilyn Monroe se fait attendre. Le président John F. Kennedy célèbre ce soir-là son 45ème anniversaire et l’actrice qui fait vibrer le grand écran depuis le début des années 50, joue avec facétie les retardataires.
Elle a répété durant des heures chaque placement de bras et de voix et chaque sautillement comme le prouvent les images de répétitions prises en amont de l’évent.
« Ladies and gentlemen, the late Marilyn Monroe » declare le présentateur. « The blond bombshell » comme l’appelle alors la presse apparaît finalement tout sourire, une fourrure blanches glissée sur ses épaules. Sur son corps, une robe seconde peau scintillante dessinée par un jeune Bob Mackie – qui deviendra par la suite le designer favori de Cher – pour le créateur français Jean Louis.
Elle lui va comme un gant, galbe ses formes généreuses et ancre dans de nombreuses mémoires le corps de Monroe comme idéal féminin. Elle commence à chanter et dans la salle, le silence se fait. Hypnotique, Marilyn Monroe joue son plus grand rôle, celui de Marilyn l’icône glamour et sensuelle.
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« Il y avait comme un silence quand je suis venue chanter Joyeux anniversaire. Si j’avais porté un slip, il se serait vu je pense », expliquera-t-elle quelques mois plus tard à Life magazine lors de la dernière interview qu’elle ait donné avant sa disparition.
« Les gens se souviennent du glamour de la robe mais on oublie que lorsqu’elle entre sur scène, Marilyn est en état d’ébriété et souffre de dépression. Cette robe est donc plus chargée d’une histoire de violence que de glamour », commence à expliquer Dana Tarabey, critique mode sur Instagram et fondatrice de House of Dana.
« Cette robe fait presque partie du corps de Marilyn, et a une dimension de seconde peau presque réelle, comme un linceul. Quand on connaît bien son histoire, elle fait office de sarcophage, comme si le corps que l’actrice s’était créé avait fini par se retourner contre elle ».
Il ne s’agit pas ici de regarder hier avec les yeux d’aujourd’hui comme le précise Dana Tarabey, mais bien de remettre « la robe du male gaze dans son contexte et de son histoire ».
Pourtant, 60 ans plus tard, au Met Gala 2022, la silhouette retrouve l’aura d’hypersexualité à laquelle l’actrice des années 50 a essayé d’échapper.
La robe la plus chère du monde
54 ans plus tard, en novembre 2016, la robe Jean Louis portée par Marilyn Monroe devient la robe la plus chère au monde vendu aux enchères par la maison Julien. 4,8 millions de dollars soit bien au-dessus des 3 millions auxquels elle était déjà estimée.
Déjà, en 1999, elle s’était vendue chez Christie’s pour un record de 1,27 millions de dollars. Pas mal pour une robe qui avait été achetée 12 000$ par Monroe.
Et c’est la chaîne de musée Ripley’s Believe It or Not qui a pu mettre la main sur cette pièce emblématique de la mode et du cinéma. « Nous pensons que c’est l’élément le plus emblématique de la culture pop qui soit. Au XXe siècle, je ne peux pas penser à un seul article qui raconte l’histoire des années 1960 aussi bien que cette robe. C’est un nouveau record du monde pour une robe », avait rappelé à l’époque Edward Meyer, le vice-président de Ripley.
Quand Kim Kardashian apparaît sur le tapis rouge du Met Gala 2022, elle s’attend à faire sensation comme le chronique The Kardashian, la nouvelle tv réalité dans laquelle elle joue avec ses sœurs et sa mère. On voit notamment les essayages et le fait que la célébrité ne puisse fermer cette tenue malgré les 7kg qu’elle assume avoir perdu en 3 semaines.
On parle quand même de la Mona Lisa de la mode. – Donna Tarabey de House of Dana
Sur les réseaux sociaux, les conservateurs de musée sont horrifiés, comme l’illustre Sarah Scaturro, conservatrice en chef au Cleveland Museum of Art dans un post qui fera le tour d’Instagram. Dans son texte, elle rappelle les enjeux de la préservation de vêtements historiques et la facilité avec laquelle ceux-ci peuvent s’abîmer.
« Une robe en soie embellie de 60 ans va avoir des problèmes et des points faibles. Et Kim [Kardashian] met certainement des produits, des lotions, des crèmes, des parfums, du maquillage pour le corps, etc., qui vont l’endommager davantage. Ne me lancez même pas sur sa lutte pour monter les escaliers dans ses talons aiguilles transparents, marchant sur l’ourlet », exprime la conservatrice.
Elle ajoute : « Aujourd’hui, les restaurateurs de mode, les gestionnaires de collections et les conservateurs vont subir la pression de riches puissants qui pensent qu’ils devraient pouvoir porter des objets dans des collections de costumes car après tout « ce n’est qu’une robe » plutôt qu’une culture matérielle irremplaçable et fragile. En 1986, des historiens et des professionnels de la robe se sont regroupés pour décréter que le port de vêtements historiques est contraire à l’éthique. Chers collègues, je vous souhaite courage et force d’âme alors que vous luttez contre cet assaut insensé contre notre profession ».
Kim Kardashian, nouvelle Marilyn ?
« On parle quand même de la Mona Lisa de la mode », rappelle Dana Tarabey. « Et pour être honnête, j’aime bien la controverse autour de cette robe. Je ne pense pas que Kim Kardashian se doutait que les gens seraient irrités par le fait que la vraie robe soit sortie d’un musée. Et ça a permis de mettre une conversation de niche sur le devant de la scène ».
La raison pour laquelle Kardashian a fait le choix de porter cette robe malgré le challenge évident de se glisser à l’intérieur et de braver un interdit des professionnels de la conversation ? Se hisser au rang mythologique de Marilyn Monroe devenir, comme elle, un totem de la pop culture états-unienne.
Je ne me considère pas comme une marchandise, mais je suis sûr que beaucoup de gens l’ont fait – Marilyn Monroe
« Les réactions positives sont aussi dues au fait que l’histoire de Marilyn et de cette robe est sans doute moins connue, mais aussi qu’on a toujours besoin d’un moment fort, de quelque chose de plus spectaculaire et exclusif sur lequel prendre la parole. Et cela devient superficiel, ça manque de fond et de regard critique », analyse Dana Tarabey, « C’est un regard de fan alors qu’il y a des choses à raconter. Finalement, le MET Gala devient très premier degré ».
Dans une autre vidéo qui circule beaucoup depuis une semaine, on peut voir Ripley offrir une mèche des cheveux de Marilyn Monroe à Kardashian en récompense. « Oh mon Dieu, je vais littéralement faire du vaudou pour la canaliser », s’exclame la businesswoman.
« C’est bien d’être inclus dans les fantasmes des gens, mais vous aimez aussi être accepté pour vous-même », exprimait pourtant Marilyn Monroe dans sa dernière interview. « Je ne me considère pas comme une marchandise, mais je suis sûr que beaucoup de gens l’ont fait ».
Comme le concluait Sarah Scaturro dans son post : « Au final, Kim Kardashian n’est pas Marilyn Monroe ».
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