Chez Tom Ford, le soutien-gorge triangle à logo se porte avec un pantalon de treillis turquoise métallisé, Fendi le glisse en coordonné sous un costume en satin, Blumarine noue la « bralette » sous la poitrine en version cache-cœur de mousseline rose, quand Coperni et Chanel déclinent le haut de bikini pour la ville.

Même Simone Rocha a imaginé un modèle spécial allaitement, ouvert sur le devant et brodé de strass, manière de célébrer de façon encore plus radicale la beauté de tous les seins.

Car voilà, n’en déplaise aux adeptes du « no bra » (« pas de soutien-gorge »), de plus en plus nombreuses – selon un sondage Ifop, 7 % des Françaises de 18 ans et plus n’en porteraient jamais ou presque jamais contre 3 % avant 2020 –, les créateur·rices ont, cet été, jeté leur dévolu sur cette icône de la lingerie.

Exit chemises, blouses ou T-shirts : le soutien-gorge est le nouveau top de la saison.

Un minimum de tissu pour un maximum de confort et de sensualité, qui en dit long sur le climat (brûlant) du printemps-été 2022. « Vu les restrictions que nous avons subies pendant vingt et un mois, il n’est pas étonnant que nous saisissions l’opportunité de nous habiller d’une manière qui attire l’attention », expliquait ainsi Carolyn Mair, auteure de The Psychology of Fashion.

Après les chrysalides de confort façon jogging de la pandémie, l’heure est à la célébration du corps, et donc à son effeuillage.

Car quoi de plus révélateur que la lingerie ? Brassières, bralettes, corsets, mais aussi bodys et même strings dessinent en chœur l’allure sensuelle et extravagante de la saison.

Le soutien-gorge apparent, une tendance portée par les célébrités

Les célébrités l’ont bien compris. De Bella Hadid, en dessous néo-gothiques revisités par Dilara Findikoglu, à Hailey Bieber, en short de cuir, veste de smoking et soutien-gorge strassé Saint Laurent au dernier Met Gala, la vision du glamour 2022 dévoilait les attributs classiques de la féminité sur un mode presque cabaret burlesque.

Voire militant : sur le tapis rouge, Cara Delevingne allait jusqu’à arborer une poitrine juste couverte de peinture dorée et de cache-tétons, référence au mouvement Free the Nipple et au conservatisme des réseaux sociaux, qui censurent toujours les seins nus.

Preuve que la tendance du bra top, comme l’appellent les Anglo-Saxons, n’est pas aussi futile qu’il n’y paraît.

Entre confort, affirmation de soi et plaisir esthétique, mettre un soutien-gorge pour sortir (de jour comme de nuit) est un geste libérateur pour beaucoup.

Il faut dire que le sport est passé par là. Avec l’athleisure, le fait de porter une brassière en ville ne choque plus.

Quant aux confinements, ils semblent avoir définitivement érigé le confort en Graal de la lingerie (selon le cabinet d’études américain NPD, les ventes de soutiens-gorges de sport ont augmenté de plus de 50 % depuis 2019) avec, en tête d’affiche, la bralette, ce modèle sans armatures aussi doux pour le corps que la brassière mais plus échancré.

« La lingerie est un marqueur de l’époque, un reflet de l’état d’âme des femmes », analyse Cécile Vivier-Guerin, directrice communication et marketing du Salon international de la lingerie. « Au début du millénaire, le super sexy régnait : le string sortait du pantalon, on devait exhiber son corps parfait. Sous l’influence des mouvements néo-féministes, il y a une petite dizaine d’années, les soutiens-gorges sont devenus très fonctionnels. Peu importe si les seins tombaient : il fallait que cela reste naturel, que l’on respecte la diversité des corps et que les codes du sexy, établis par le regard masculin, volent en éclats. Aujourd’hui, la mise en lumière de la sexualité féminine a changé la donne et a contribué à réinventer la notion de sexy en lien avec cette idée de plaisir pour soi ».

Le soutien-gorge apparent, un geste libérateur pour les femmes ?

Une approche presque militante portée par une génération de créatrices qui ont investi les réseaux sociaux, à l’image des soutiens-gorges fun sans armatures pour toutes les tailles de Love Stories, des modèles en dentelle recyclée de Nénés Paris ou de Savage x Fenty de Rihanna, qui a fait exploser tous les codes en faisant défiler des mannequins noires, enceintes ou plus size.

Une approche inclusive que défend la chanteuse Lizzo, dont la ligne de lingerie Yitty a été lancée en avril dernier via son compte instagram aux douze millions d’abonné·es.

Brassières ou body en tulle fluo pour femme ou homme, garantis sans mièvrerie ni retouches photo : pour Murielle Scherre, créatrice du label belge La Fille d’O, la lingerie doit  « soutenir votre corps tout en renforçant votre attitude, sans compromis et en englobant tout « . Plus qu’une mission, une religion. 

« Cette génération a intégré les codes du féminisme et ceux de la lingerie classique avec lesquels elle joue », commence Cécile Vivier-Guerin, directrice communication et marketing du Salon international de la lingerie.

En 2022, le sexy se met donc en scène dans des modèles sophistiqués et raffinés façon pin-up (la souplesse en plus), à porter sous un blazer – un contraste entre pouvoir et vulnérabilité qui a fait ses preuves depuis Yves Saint Laurent et Helmut Newton.

La transparence agrémentée de broderies a aussi le vent en poupe, dans un esprit néo-minimaliste, à l’instar de la marque chinoise Mon Tiroir, dont les effets de couleurs pop ont séduit Madonna et Lady Gaga.

Non contents de libérer les seins de leurs armatures, les dessous leur offrent également des habits de lumière, pour mieux se distinguer.

Une focalisation sur le buste qui succède aux années BBL (le Brazilian Butt Lift ou augmentation du volume des fesses) et repense avec fraîcheur et parfois humour – les vestes à seins coniques de Schiaparelli – les attributs traditionnels de la féminité.

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