Elle a côtoyé les plus grand·es créateur·rices, lancé des photographes visionnaires, fait rêver des générations de femmes et incarné, pendant des années – de 1972 à 1988 – le style Marie Claire.

Claude, c’est l’intelligence du style. – Olivier Châtenet

Claude Brouet, légendaire rédactrice de mode et femme de presse, publie ces jours-ci son livre de mémoires. Sobrement titré Claude Brouet. Journaliste de mode, il retrace ses décennies d’aventures professionnelles exaltantes.

 Claude Brouet, journaliste mode iconique des années 70 et 80

Avec Claude Brouet, on pénètre les coulisses de shootings exceptionnels, on découvre les personnalités piquantes qui composent ce milieu créatif et fascinant.

Pour brosser avec elle cette époque, nous avons rouvert les archives de notre magazine et ressorti les trésors, désormais cultes, qu’elle contribuait à créer mois après mois, dessinant une allure absolument libre, à mesure que les femmes s’émancipaient.

À 93 ans, cette personnalité vive au chic fou n’a rien oublié et est affûtée comme jamais.

Pour écrire ces grandes pages de Marie Claire, vous n’avez eu de cesse de travailler avec d’illustres noms de la photographie…

Il y avait Peter Knapp, bien sûr, avec qui j’ai tant aimé collaborer. Il était photographe, mais aussi directeur artistique.

Avec lui, nous avons fait travailler Steve Hiett, au début de sa carrière. Steve avait beaucoup de cordes à son arc, il était musicien, graphiste…

Il y avait aussi Hans Feurer, dont j’avais remarqué le travail dans des journaux pointus néerlandais et britanniques.

Je lui ai téléphoné, il est venu avec nous. Et la liste est longue des grandes signatures de Marie Claire : Peter Lindbergh, Paolo Roversi, Sarah Moon, etc.

Nous avions une liberté éditoriale et créative totale.

Ce qui faisait la force du titre, c’était aussi de proposer en même temps des images plus piquantes, plus insolentes. – Claude Brouet

Et puis il y a Sacha, qui a fait de nombreuses photos pour Marie Claire. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette figure centrale mais relativement méconnue du grand public ?

Elle avait commencé sa carrière à Elle, comme moi du reste. Et elle nous a rejoints dans les années 70.

Il s’est trouvé que le regard qu’elle posait sur les femmes nous a beaucoup plu. Elle ne les mettait jamais dans une position asservissante.

Elle avait toujours un regard bienveillant, doux. Elle dit d’ailleurs que c’est à Marie Claire qu’elle s’est mis à changer de style de mannequin, que son regard s’est modifié.

Au début, elle choisissait des modèles sexy et, de fil en aiguille, elle est allée vers des filles plus douces. Elle incarnait parfaitement l’esprit Marie Claire.

Même si, ce qui faisait la force du titre, c’était aussi de proposer en même temps des images plus piquantes, plus insolentes. 

Il y a un style qui s’impose tout de même au fil des pages, une allure de la modernité…

J’aimais les femmes qui semblaient à l’aise. Les femmes bien dans leurs vêtements. Les mains dans les poches, par exemple, voilà une attitude que je trouvais très cool.

Vous dites aussi avoir été inspirée par la rue. Qu’y trouviez-vous ?

C’est là, dans la rue, que s’observaient les fractures : à partir des années 60, on y voyait se croiser les femmes modernes, celles qui portaient le pantalon, la minijupe, envoyaient valser comme moi leur soutien-gorge, et les femmes rétrogrades, celles qui restaient sur les codes traditionnels. Mon ambition, c’était d’aider ces femmes à se libérer.

Par la suite, les créateurs comme Jean Paul Gaultier se sont inspirés de la mode de la rue. Le photographe Bill Cunningham a immortalisé les looks de rue, leur conférant de l’intérêt.

Tout cela a contribué à démontrer que la mode n’est en aucun cas une histoire de statut social mais bien une affaire de style !

© Peter Knapp

Justement, comment définiriez-vous le « style Brouet » ?

J’ai toujours eu l’obsession de la simplicité, mais avec quelque chose qui sorte du commun. Ça peut tenir à un accessoire ou au vêtement lui-même.

À la manière de le porter. L’androgynie m’a toujours intéressée, aussi, et bien avant l’heure. Et puis, j’ai toujours accordé une grande attention au confort. C’est très important, le confort !

Aujourd’hui, il n’y a plus de vêtements qui vous empêchent de marcher, de faire de grandes enjambées…Mais quand j’ai débuté dans le métier, ce n’était pas le cas.

J’ai toujours promu le progrès, l’aisance, la chaussure pour marcher, les vêtements avec lesquels on peut faire tous les mouvements du monde, ce que j’appelle « les acquis »… Mais attention, sans renier le style : le débraillé, je trouve ça abominable !

Que vous inspire la mode d’aujourd’hui ?

Je vous avoue que je ne suis plus l’actualité mode, je ne vais plus en défilé, je ne regarde plus ce qui se fait. Je reste avec mes souvenirs, ce que j’ai dans la tête et dans le cœur.

Dans la rue, je regarde les jeunes gens d’aujourd’hui – il y a quelques jours, je suis restée en admiration, dans le bus, devant une jeune fille au look extraordinaire et audacieux, en jupe rose vif, les cheveux roses aussi d’ailleurs, j’aurais voulu la prendre en photo.

Pour le reste, je suis bien consciente de la problématique écologique de l’industrie textile.

Lorsqu’on voit les tonnes de vêtements qui ne sont pas revendus, pas recyclés, qui pourrissent et polluent les plages africaines… C’est monstrueux ! Alors, il faut une vraie révolution, non ? 

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