Quand elle ne se consacre pas à son label parisien de tricot, Alexandra Golovanoff se ressource dans sa maison, à Bréhat. La créatrice journaliste mode nous ouvre les portes de son paradis breton.

Elle a ce genre de beauté presque intimidante qui accroche tous les regards. Longs cheveux blonds, pommettes hautes, bouche pulpeuse, grands yeux bleu baïkal qui soulignent ses origines slaves qu’elle tient de son père, fils d’immigrés russes. Du côté de sa mère bretonne, Alexandra Golovanoff a aussi reçu en héritage cette élégance à la française et deux tocades familiales : celle du pull tricoté et Bréhat, cette petite île de granit rose aux champs fleuris d’agapanthes et d’hortensias.

«Mon premier lien avec le vêtement, c’est ma mère», raconte celle qui, en 2016, a lancé sa propre marque de pulls en cachemire (1). «Elle savait coudre et tricoter, et nous habillait intégralement, mes trois sœurs et moi. Avec les chutes de tissu, elle confectionnait aussi des tenues pour nos poupées.» Bréhat, c’est aussi une histoire d’enfance. Dans cette micro-île bretonne, lieu de villégiature familiale depuis qu’elle est née, Alexandra rêvait, depuis l’âge de 11 ans, d’y posséder sa propre maison. Dont acte il y a une dizaine d’années. Bréhat est devenue son refuge, celui qu’elle investit de longs week-ends pour y jardiner, cuisiner, peindre, s’occuper de la déco (une autre de ses grandes passions) et se couper du monde en compagnie de son chien, Koshka, et de son chat, Tolstoï : «Mes nouveaux enfants, dit-elle en riant, car les miens – Virgile et Mila, 19 et 22 ans, NDLR – sont maintenant grands et autonomes.»

Ensemble en cachemire rayé, Alexandra Golovanoff. Bottes Aigle

Koshka : pull en cachemire, Alexandra Golovanoff.

Blazer, body et jean, l’ensemble Celine par Hedi Slimane. Sandales Pierre Hardy, sac Louis Vuitton.

Salopette en patchwork de denim, Chanel, débardeur en cachemire, Alexandra Golovanoff.

Une enfance bohème

Avant de devenir la créatrice «des tricots qui rendent beaux» que les filles des quartiers chics s’arrachent pour leur «fit» flatteur et leur palette de couleurs, la tout juste quinquagénaire (qui en paraît dix de moins avec sa taille et son teint de jeune fille) a connu plusieurs vies. Elle raconte de sa voix grave et posée la première : celle d’une petite fille ballottée entre Paris et Moscou, où son père travaillait. Elle en a gardé des photos sépia et des souvenirs d’elle à 5 ans, courant sur la place Rouge ou perdue, en collant et tutu rose, dans le vaste escalier du mythique hôtel Metropol, où descendaient parfois ses parents.

Quand ces derniers, devenus antiquaires, s’installent définitivement dans le XVIe arrondissement, Alexandra atterrit alors chez les bonnes sœurs à l’école de la Providence. Si on n’est pas chez la famille Groseille de La vie est un long fleuve tranquille, d’Étienne Chatiliez, les Golovanoff ne sont pas non plus les Le Quesnoy. Loin de là. «Certes, mes parents ont tous les deux reçu une éducation bourgeoise, raconte Alexandra, mais ils étaient très fantaisistes, un peu foutraques, pas du tout classiques. Du genre à nous trimbaler mes sœurs et moi à l’arrière de leur voiture pour nous emmener visiter les antiquaires en Allemagne et en Angleterre. Je les ai vus aussi très stressés par leur métier, dont le statut est plus qu’incertain, risqué même», poursuit celle qui gardera quand même de la profession de ses parents un vrai regard d’experte sur les belles choses.

Parcours mode

Après le bac, Alexandra fait du droit, de l’histoire de l’art, s’ennuie sur les bancs de l’université, devient costumière, travaille dans la production de films, puis dans la finance, atterrit à la Bourse sur le marché des dérivés, part ensuite en Inde, au Bangladesh, chine au Sénégal pour la boutique déco CSAO… Un véritable feu follet qui, poussé par la curiosité, expérimente, tente, parfois déchante. À 27 ans, après avoir postulé pour une petite annonce de Libération, elle devient journaliste économique dans l’émission Les Femmes et les Patrons d’abord.

Un peu plus tard, elle décroche le casting du magazine culte La Mode, la mode, la mode, sur Paris Première, où son côté solaire et son ton décalé l’amèneront en front row des défilés et en coulisses interviewer les plus grands, Karl Lagerfeld en tête. Elle y restera une quinzaine d’années, avant de se décider à franchir le cap en lançant sa propre petite entreprise de mode. En septembre dernier, elle a aussi créé un parfum, Eucalyptic, qui sent bon l’air breton, et pense encore élargir son champ d’activité en ce début d’année. Prochaine étape après les pulls ? Ce sera sans doute le jean, confie celle qui ne s’arrête jamais et qui cite cette phrase d’André Gide, comme l’un de ses mantras préférés : «Il est bon de suivre sa pente, pourvu que ce soit en montant.»

(1) alexandragolovanoff.com

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