N’en déplaise à ceux qui s’entêtent à faire de la mode un objet de frivolité, certaines femmes au gré de l’histoire n’ont pas manqué de démontrer que le vêtement ou l’accessoire pouvait se muer en puissant instrument de conquête du pouvoir.

Si les femmes politiques et business women ont dû s’affubler du costume -réputé masculin-  pour se faire une place parmi leurs pairs, d’autres ont fait de leur style vestimentaire une façon d’affirmer leur identité, d’obtenir une certaine reconnaissance et/ou une certaine légitimité dans un domaine donné ou tout simplement pour signer un trait d’audace singulier, dans un moment de leur vie où plus personne ne les attendait.

Démonstration avec notre sélection (subjective, arbitraire et bien entendu non exhaustive) de femmes qui ont su immortaliser des instants de mode légendaires.

L’uniforme guerrier de Jeanne d’Arc

Ce n’est plus un scoop : c’est en arborant l’uniforme masculin socio-culturellement défini que les femmes ont pris le pouvoir, que ce soit dans la sphère politique, économique, littéraire ou scientifique. Costume structuré, veste épaulée, pantalon architecturé : elles n’ont cessé de conquérir les sommets en s’octroyant l’uniforme des dominants, parfois illégalement.

La première d’entre elles, du moins historiquement ? Jeanne d’Arc qui, en se coupant les cheveux à la garçonne et s’appropriant l’uniforme de guerre masculin, armes inclus, a su acquérir la confiance de milliers de soldats et s’arroger des victoires militaires dont on parle encore dans les livres d’histoire.

Des accomplissements remarquables, sources indéniables de pouvoir, qui n’ont pas su faire oublier son « travestissement », jugé alors illégal et condamné d’une peine de mort supposée fermement condamner cette transgression.

Le sac de Margaret Thatcher

À chaque personnalité politique son gimmick stylistique. Le chapeau haut de forme d’Abraham Lincoln, le cigare de Winston Churchill, l’écharpe rouge de François Mitterrand… et le sac à main en cuir de Margaret Thatcher.

Accessoire mué en extension naturelle de son corps, la pièce de maroquinerie lui permettait aussi bien d’asseoir de façon stylistique les valeurs conservatrices de son parti politique que de signer une allure singulière, immédiatement reconnaissable, mêlant col lavallière, tailleur-jupe BCBG et brushing soigné.

Une silhouette bourgeoise stéréotypée aux fonctions émancipatrices, la fille d’épicier devenue cheffe du gouvernement ayant dû tout au long de sa carrière affronter une classe politique aux relents sexistes mais aussi ultra-classistes.

« Bien sûr, je suis obstinée à défendre nos libertés et notre loi. C’est pourquoi je porte un gros sac à main », avait-t-elle plaisanté un jour, comme le rapporte le British Vogue.

Car au-delà de son aura identitaire, le sac à main de Margaret Thatcher était aussi considéré, par ses alliés comme ses opposants, comme une arme politique redoutable en raison de son contenu dont nul ne connaissait réellement la nature.

Notes froissées, documents officiels, discours spécialement imprimés dans une taille adaptée à l’accessoire : le sac pouvait renfermer une déclaration de Guerre aux Malouines comme un remaniement ministériel, au point que ses détracteurs avaient créé le terme handbagging pour décrire sa manière d’exercer le pouvoir.

La "revenge dress" de Diana Spencer – 1994

C’est certainement la plus célèbre des petites robes noires. Alors qu’elle vient tout juste de divorcer du Prince Charles au terme d’une saga médiatique digne d’un soap opéra, la princesse Lady Diana décide de se rendre à une soirée Vanity Fair à la Serpentine Gallery.

Encolure Bardot un brin suggestive, drapé moulant sublimant la silhouette et traîne asymétrique qui accentue la démarche : la robe signée de la créatrice grecque Christina Stambolian fait d’emblée figure de statement mode libérateur, au vue notamment de l’ascendance aristocratique de la princesse.

Achetée trois ans plus tôt, Diana Spencer n’aurait d’ailleurs pas osé la porter jusqu’à cette fameuse soirée, la jugeant un brin sulfureux…

C’était sans compter les infidélités de son mari publiquement avouées, un divorce rapidement entériné et un changement de vie à 360 degrés.

Accessoirisée de collants noirs, d’escarpins aiguisés et d’un énorme saphir en guise de ras-de-cou, Lady Di change ainsi radicalement de ton et fait le pari d’une audace vestimentaire au message subliminal à peine dissimulé : non, la Famille royale n’aura pas ma peau.

La robe noire Nike x Virgil Abloh de Serena Williams – 2019

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« Mère, Championne, Reine, Déesse ».  Quand elle fait son entrée sur le court de Roland Garros habillée d’une tenue de tennis floquée de ses 4 mots, Serena Williams sait qu’elle enfreint le strict dress code du tournoi français, qui impose de porter une robe entièrement blanche.

Et pour cause, elle n’est que la version raccourcie de celle portée lors de la cérémonie d’ouverture, qui avait alors déjà été vivement critiquée par le comité de direction.

Signée  Virgil Abloh pour Nike, la robe fait également écho à une autre tenue – un justaucorps ultra-moulant de l’équipementier américain – dont le design avait été jugé inapproprié par la Fédération française de Tennis, en dépit de sa fonction principalement médicale.

Malgré les propos de la championne américaine expliquant qu’il lui permettait de réguler ses problèmes de circulation sanguine post-grossesse, l’institution en a profité pour durcir les règles vestimentaires de la compétition en imposant des tenues au blanc immaculé.

En les enfreignant ostentatoirement avec une silhouette à dominante noire, Serena Williams réussit l’audacieux pari d’imposer les siennes.

Les robes traditionnelles de Frida Kahlo

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Si la peintre mexicaine s’est fait connaître pour ses tableaux au surréalisme bouleversant, elle n’en était pas moins une modeuse avertie qui utilisait le vêtement comme un mode d’expression identitaire, artistique mais aussi politique.

Originaire du village Istmo de Tehuantepec, dans l’état mexicain de Oaxaca, la robe traditionnelle « tehuana » dans laquelle elle se mettait régulièrement en scène, aussi bien en public que dans ses autoportraits, était pour l’artiste au corps mutilé un symbole fort de force et d’indépendance féminine.

Et pour cause, comme le souligne l’exposition « Las aparencias engañan : los vestidos de Frida Kahlo »* du Musée Frida Kahlo à Mexico City, cette communauté était alors régie sous le modèle du matriarcat, dirigée et gérée par des femmes.

Une façon pour Frida Kahlo d’asseoir visuellement son identité auprès du grand public mais aussi de se distinguer symboliquement dans un monde des arts alors particulièrement dominé par les hommes.

S’il a été dit que cette tenue lui fut aussi demandée par son époux, le peintre Diego Riviera, elle aurait été aussi manière de s’en démarquer et de faire reconnaitre ainsi sa singularité, loin de l’image de “femme de” que beaucoup d’artistes contemporains voulaient lui affubler.

Ou quand le vêtement se mue en ressource stylistique d’empowerment.

Le style présidentiel d’Ellen Johnson Sirleaf

Lorsque cette ancienne économiste diplômée d’Harvard devient en 2005 la première femme dirigeante élue du Libéria, mais aussi de l’Afrique entière, Ellen Johson Sirleaf fait de sa silhouette iconique le nouveau style présidentiel mais aussi le vecteur d’un message d’unité politique.

Composé de tuniques amples à l’encolure brodée, de jupes longues confortable aux fentes latérales, un foulard enroulé et noué en turban sur la tête et d’un châle rabattu sur l’épaule gauche, son vestiaire inclut des tailleurs jupe quatre pièces fabriqués à partir de lapa, un tissu haut en couleurs typique de l’Afrique de l’Ouest, mais aussi des versions modernisées de la-dite silhouette traditionnelle.

Celle qui recevra le Prix Nobel de la Paix en 2011 n’hésitera pas en effet à les jouxter de colliers de perles aux accents BCBG et de boucles d’oreilles assorties.

Le costume noir et violet d’Hilary Clinton

Une veste de smoking noir au revers violet satiné assortie d’un top monochrome de la même teinte : c’est ce qu’a choisie de porter Hilary Clinton en novembre 2016 alors qu’elle doit concéder sa défaite en faveur de Donald Trump, alors élu président des Etats Unis.

Signé Ralph Lauren, la silhouette aux couleurs inhabituels porte en réalité un message politique fort : celui d’une femme forte et déterminée qui, malgré les résultats de l’élection, entend bien continuer de lutter en faveur de ses valeurs.

Symbole d’autorité historiquement arboré par les élites politiques, royales et religieuses, mais de loyauté et de dignité selon les experts de la couleur, le violet est également – dans le monde politique contemporain – la couleur affichée par les féministes.

Nous n’avons pas encore brisé le plafond de verre et j’espère que cela sera plus tôt que nous le pensons », avait-t-elle déclaré en s’adressant aux femmes de son pays.

« À toutes les petites filles : ne doutez jamais de votre importance, vous méritez toutes les chances du monde d’accomplir vos rêves. » Ou quand un simple tailleur-pantalon en dit (très) long.

La robe D&G haute couture de Naomi Campbell

Super-modèle élevé au rang de mythe, la top Naomi Campbell a pu (aussi) se faire remarquer par un comportement un brin problématique.

Ainsi, lorsqu’elle est accusée par son (ancienne) assistante de coups et blessures au visage, la mannequin britannique flamboyante est condamnée en 2007 par un tribunal new-yorkais à 5 jours de travaux d’intérêt géneral, en tant que femme de ménage dans des bureaux administratifs.

Une peine à laquelle l’ancienne muse d’Azzedine Alaïa se soumettra avec une flamboyance vestimentaire légendaire, arrivant chaque jour en limousine sur les lieux de sa pénitence dans des tenues plus iconiques les unes que les autres.

La plus marquante ? Une robe longue métallisée aux reflets d’argent signé Dolce & Gabbana Alta Moda qui symboliquement, l’instant de quelques secondes, transformera l’allée du bâtiment en catwalk improvisé, sous le regard éberlué des paparazzi présents.

Une façon pour Naomi Campbell de rappeler au monde entier son statut d’icône suprême, celui d’une femme forte que rien n’atteint, pas même la justice et la loi.

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