« Si le nombre de postes n’augmente pas significativement, qui prendra en charge toutes les facettes de la santé gynécologique de la femme ? », alerte la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale (FNCGM), dans un communiqué transmis à Marie Claire le 16 novembre 2022.
Cette prise de parole survient quelques jours après la publication des cartes de « la fracture sanitaire » d’UFC Que Choisir, qui dénonce un accès inégal aux soins, notamment gynécologiques. Selon leurs estimations, 23,6 % des Françaises vivraient dans un désert médical.
Présidente de la FNCGM, la gynécologue médicale Isabelle Héron pointe des dysfonctionnements depuis déjà trente ans. Entretien.
Marie Claire : en 1987, vous dites que la gynécologie a été supprimée du cursus universitaire, puis réintroduite en 2003. Est-ce, selon vous, ce qui explique le désert actuel ?
Dr Isabelle Héron : « C’est l’un des éléments de réponse. Pendant 16 ans, on a arrêté de former des internes avec la spécialité ‘gynécologie médicale’. Ce qui fait qu’aujourd’hui, beaucoup de gynécologues ont plus de 60 ans. C’est difficilement rattrapable et le temps que le relai soit pris, il faut beaucoup de temps.
Pour couvrir les besoins, il faudrait environ 120 postes par an. Depuis quelques années, le nombre de postes attribués aux internes est situé entre 85 et 87 par an. C’est trop peu, et ce n’est pas en adéquation avec le nombre de gynécologues qui partent à la retraite. Les jeunes qui arrivent prennent des postes hospitaliers, font de la fertilité, mais ne couvrent pas les besoins actuels. Et ils ou elles ne vont pas s’installer dans des régions qu’ils ou elles ne connaissent pas.
Pendant 16 ans, on a arrêté de former des internes avec la spécialité ‘gynécologie médicale’. Ce qui fait qu’aujourd’hui, beaucoup de gynécologues ont plus de 60 ans.
Au final, toutes les femmes ne peuvent pas trouver un gynécologue près de chez elles quand elles en ont besoin. Nous sommes très inquiets. »
Selon l’UFC Que Choisir, la part des femmes résidant dans des déserts médicaux gynécologiques est passée à 66,8 %. Quelles en seront les conséquences ?
« Le ou la gynécologue médical.e se positionne dans la prise en charge de la santé de la femme dans sa globalité de la puberté jusqu’à la ménopause. Son absence rendra plus difficile l’accès au dépistage (du cancer du col de l’utérus et du sein, ndlr) et à la prévention, même si les sages-femmes peuvent aussi s’en charger.
La qualité de la prise en charge de la femme va baisser.
Cela complique aussi l’accès à la contraception, aux consultations pré-conceptionnelle, à la sexologie, à l’endocrinologie avec les problématiques de troubles du cycles. Cela touche aussi les femmes en ménopause qui manquent l’évaluation de leurs risques cardiovasculaires et de l’ostéoporose.
In fine, s’il n’y a plus assez de gynécologues médicaux, la qualité de la prise en charge de la femme va baisser. C’est une certitude. On sait très bien que les femmes vivant dans les territoires ruraux ont moins accès aux soins du fait de la distance qui les sépare des spécialistes, ce qui entraîne des retards de diagnostic et des manquements dans la prise en charge.
Toutefois, si vous n’avez pas de médecin de proximité, la téléconsultation est un outil intéressant pour donner un avis. Mais cela ne remplace en rien un examen clinique. »
Vous dites avoir alerté les pouvoirs publics, en vain. Vous prévoyez d’écrire au nouveau ministre de la santé, François Braun. Quelles sont vos requêtes pour remédier à la désertification du milieu ?
« J’ai effectivement envoyé une lettre à l’ancien ministre Olivier Véran lorsqu’il était encore en poste. Je n’ai jamais eu de réponse. Nous ne sommes pas entendus dans notre cri d’alerte. Dans la lettre qui partira bientôt au ministère de la Santé, nous expliquons notre inquiétude de ne pas pouvoir prendre en charge toutes les patientes.
Nous demandons d’augmenter de façon conséquente les postes. Il faut également une structure qui forme les internes de gynécologie médicale. C’est fondamental. Il faut également augmenter la valorisation de la consultation de gynécologie, car elle est longue et pas assez rémunérée.
Il s’agit aussi de leur permettre de travailler en intelligence avec les sages-femmes, via des parcours de soins plus officialisés. Ce qui est important, c’est la qualité des soins prodiguée aux patientes. »
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