Selon la fondation Alzheimer Recherche, 2 malades atteint.e.s de démence sur 3 sont des femmes. Pour expliquer cette disparité sexuelle face à Alzheimer, les scientifiques ont longtemps accusé la chute des taux d’œstrogènes à la ménopause ou encore le fait que les femmes soient plus sujettes à la dépression que les hommes. Sans jamais pouvoir déterminer de cause exacte.
Des chercheur.euse.s de l’Institut de recherche Scripps (San Diego) et du Massachusetts Institute of Technology (MIT), dont l’étude est parue le 14 décembre 2022 dans la revue Sciences Advances disent avoir découvert que la forme modifiée d’une protéine immunitaire inflammatoire était présente à des niveaux beaucoup plus élevés dans le cerveau des femmes décédées, atteintes de la maladie, par rapport aux hommes. De nouvelles données qui viennent complémenter la théorie hormonale et le rôle de la ménopause.
« Nos nouvelles découvertes suggèrent que la modification chimique d’un composant du système du complément aide à conduire la maladie d’Alzheimer et peut expliquer, au moins en partie, pourquoi la maladie affecte principalement les femmes », précise l’auteur principal de l’étude, Stuart Lipton, professeur au Département de médecine moléculaire de Scripps Research et neurologue clinique à La Jolla, en Californie dans un communiqué.
Des taux élevés de protéines modifiées dans le cerveau des femmes malades
Forme la plus commune de démence, la maladie d’Alzheimer est entourée d’encore bien des mystères : on tente notamment à expliquer pourquoi les femmes en représentent plus de deux tiers des cas.
“Les scientifiques savent depuis plus de 30 ans que les cerveaux d’Alzheimer ont des niveaux plus élevés de protéines du complément et d’autres marqueurs d’inflammation, par rapport aux cerveaux neurologiquement normaux”, indiquent les chercheur.euse.s en préambule de l’étude.
Partant de ce postulat, ils ont ainsi cherché à découvrir si la réaction chimique modifiant le complément C3, une protéine contribuant à la défense de l’organisme contre les pathogènes, pouvait avoir un impact sur le déclenchement d’Alzheimer, comme c’est le cas pour d’autres maladies neuro dégénératives. On appelle ce processus la « S-nitrosylation ».
À l’aide de méthodes innovantes, les chercheur.euse.s ont pu quantifier les protéines modifiées dans 40 cerveaux humains post-mortem. La moitié des cerveaux provenaient de personnes décédées de la maladie d’Alzheimer, et chaque groupe était divisé entre les sexes.
Résulat : parmi les 1 449 protéines S-nitrosylées trouvées dans les cerveaux, le nombre de C3 modifié était six fois plus élevé dans le cerveau des femmes atteintes d’Alzheimer que dans le cerveau des hommes malades.
La ménopause de nouveau mise en cause
Pour tenter d’expliquer ces conclusions, les scientifiques font plusieurs suppositions. La première est que l’action des protéines du complément sur les cellules immunitaires du cerveau pourrait favoriser la destruction des synapses, ce qui pourrait déclencher le processus de la maladie d’Alzheimer.
Concernant le fait qu’une plus grande proportion de femmes détiennent ces protéines dans leur cerveau, les chercheurs ont émis l’hypothèse que “l’œstrogène protège spécifiquement le cerveau des femmes de la nitrosylation C3 S – et cette protection est perdue lorsque les niveaux d’œstrogène chutent fortement avec la ménopause”.
Les scientifiques révèlent d’ailleurs que d’autres expériences, menées sur des cellules cérébrales humaines cultivées, ont préalablement démontré que les niveaux de C3 modifié augmentaient à mesure que les niveaux d’œstrogènes diminuaient. Prochaine étape : comprendre si la “dénitrosylation” peut permettre de réduire la pathologie chez des animaux atteints de la maladie, et éventuellement, dans un second temps, chez les humains.
« Pourquoi les femmes sont plus susceptibles de contracter la maladie d’Alzheimer est depuis longtemps un mystère, mais je pense que nos résultats représentent une pièce importante du puzzle qui explique mécaniquement la vulnérabilité accrue des femmes à mesure qu’elles vieillissent », a déclaré Stuart A. Lipton.
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