Sanctuaire inaltérable du luxe depuis cent-cinquante ans et refuge des stars, le mythique palace a décroché, avec Éric Fréchon, une étoile au Michelin pour son restaurant, le Louroc. Il vient aussi d’inspirer un parfum à la maison Dior. Effluves du rêve.
Certains sont prêts à tout pour mettre un pied à l’Hôtel Cap-Eden-Roc ,situé à la pointe du cap d’Antibes et qui vient de célébrer ses 150 ans. Surtout pendant le Festival de Cannes, quand les vedettes investissent le lieu. «Lors d’une soirée donnée pendant le Festival, nous avons vu sortir de la piscine un homme en smoking avec une coupe de champagne à la main. Il disait être tombé dans l’eau, mais nous savions qu’il était venu à la nage dans cette tenue pour essayer de se joindre à la fête sans y être convié», raconte Philippe Perd, président-directeur général de ce palace niché dans neuf hectares de jardins luxuriants s’avançant comme une proue sur la Méditerranée.
Monsieur Perd a bien d’autres souvenirs, lui qui, pour accueillir le célèbre gala de l’AmfAR (qui, cette année, situation sanitaire oblige, aura lieu en petit comité à quelques kilomètres de là) sans défigurer l’allée de graviers menant à la mer, a eu la géniale idée d’installer les convives sous des barnums montés sur les 1 500 m² de terrains de tennis en terre battue s’étalant sous les majestueux pins d’Alep. Toutes les équipes ici ont d’ailleurs en tête des anecdotes, comme Christophe Lencioni, élégant et discret barman en chef du Bellini, étape incontournable d’un séjour au Cap-Eden-Roc, qui se rappelle Bruce Willis lui demandant à l’aube s’il pouvait boire une dernière bière. «On était en train de passer l’aspirateur en bras de chemise et je craignais que cela ne le dérange. Mais pas du tout ! Il nous a dit qu’il fallait qu’on continue notre travail, qu’il avait juste envie d’être là avec nous. C’est un homme formidable.»
En images, l’esprit de l’Hôtel Cap-Eden-Roc
L’une des 31 cabanes, avec cabine et terrasse, situées au bord de l’eau.
Le bar La Rotonde, son design tout en courbes et son lustre en albâtre.
Le Bar Eden-Roc, dont la déco de style nautique fait la part belle au bois et aux tons pastel.
Derrière les pins d’Alep du parc, se dessine la silhouette majestueuse de l’hôtel.
Une adresse mythique
Il en est ainsi : douces sont les journées, du matin au soir, entre ces murs. Et ce n’est sans doute pas un hasard si Francis Scott Fitzgerald a écrit ici son roman Tendre est la nuit, publié en 1934. Son âme, comme celle des Murphy – qui, dans les années 1920, contribuèrent à faire de la French Riviera une destination estivale pour les Américains et qui ont inspiré à Fitzgerald le couple de héros de son ouvrage -, d’Hemingway, de Picasso, de Rudolph Valentino… flotte dans le lieu. Tout au Cap-Eden-Roc est histoire et histoires : la piscine creusée dans la roche immortalisée par Slim Aarons, l’étroit plongeoir d’où Kirk Douglas a admiré l’horizon, les cabanes aux toits verts semées le long de la roche où l’on s’attend à croiser Marlene Dietrich…
La vie d’un palace
Il fallait bien un livre pour raconter l’histoire du Cap-Eden- Roc, dont les fondations ont été jetées dès 1865 par Jean Hippolyte Auguste Delaunay de Villemessant alors propriétaire du Figaro, qui voulait y créer sa Villa Soleil, retraite pour artistes et écrivains épuisés. Mais c’est un ex-capitaine d’un régiment de hussards de la garde impériale russe, Alexis de Pestcheyeff, qui y fit construire un somptueux hôtel, le Grand Hôtel du Cap, en 1870… année du début de la Grande Dépression. En 1876, la société de Pestcheyeff est en liquidation et en 1877, l’hôtel vendu aux enchères. Il faudra dix ans et le rachat par un Piémontais, Antoine Sella, pour qu’il retrouve sa splendeur. Et son histoire se fond dans celle de la Côte d’Azur, prisée des Anglais l’hiver, des Américains l’été. Le lieu traverse la Grande Guerre se transformant en maison de convalescence puis, dans les années 1920, devient le refuge des Murphy qui y reçurent Picasso. Le mythe est lancé. Racheté en 1969 par Rudolf-August et Maja Oetker, il continue de rayonner dans le monde entier. D’où vient cette incroyable aura ? On trouve la réponse dans cet album glamour et romanesque, ponctué de photos exceptionnelles.
Hôtel du Cap-Eden-Roc, la légende éternelle de la Riviera, d’Alexandra Campbell, Éditions Flammarion, 312 p., 75 €.
Le mythe est tel que le palace vient de donner son nom à un parfum Dior, qui marie notes solaires et salines. Un miracle que d’avoir, au fil des années, préservé la légende, l’atmosphère unique où se mêlent le passé et le présent ? «Plutôt un dialogue avec nos hôtes, précise Philippe Perd. Nous recevons beaucoup de fidèles qui viennent de génération en génération. Ils sont ici comme dans une maison de famille et la moindre transformation est une déchirure pour eux. Alors, dès que nous rénovons, nous les consultons et faisons en sorte que tout change sans rien changer !»
Le Sud et ses parfums
Si les stars d’hier et d’aujourd’hui font partie de cet iconique décor, il manquait cependant une étoile au palmarès du Cap-Eden-Roc… Ce sont les chefs Éric Fréchon et Sébastien Broda qui l’ont décrochée en début d’année pour le Louroc, la table gastronomique de l’hôtel. Dans l’assiette, ils subliment le meilleur du terroir provençal. Pour donner le ton, le repas débute avec une dégustation autour de l’olive, suivie d’une soupe de poissons – livrés chaque jour en bateau par un petit pêcheur sur le ponton de l’hôtel – avec un galet de pomme terre. «Le trompe-l’œil est tellement réussi qu’un client nous a dit qu’il y avait un caillou dans la soupe», s’amuse Éric Fréchon.
Parmi les recettes déjà incontournables : les petits farcis sans viande, délicats légumes produits par un maraîcher qui travaille à quelques kilomètres. «C’est un résistant qui cultive ses trésors entre un magasin de bricolage et des supermarchés», s’enthousiasme Éric Fréchon. L’agneau des Alpilles est lui aussi à l’honneur, issu d’un seul cheptel, rôti aux herbes de la garrigue, servi avec un jus que l’on saucera avec du pain maison et un rouleau de fromage et de courgettes. Le fromage, voilà aussi un sujet d’importance pour les deux chefs qui ont imaginé un plateau constitué uniquement de chèvres, à l’exception d’un brebis emblématique aussi de la région. «Au restaurant, on ne prend plus de fromage. Avec Sébastien, nous avons fait le pari de remettre ce rituel au goût du jour. Et cela fonctionne : la plupart des clients commandent le plateau», se réjouit Éric Fréchon.
Seul écart aux produits méditerranéens, la volaille de Bresse, produit fétiche du chef. «Nous la pochons longuement et doucement dans un bouillon de verveine cultivée dans notre jardin pour lui donner une saveur toute provençale», précise cependant Sébastien Broda. Elle est présentée entière dans une cocotte sur mesure. Les suprêmes sont alors découpés et on les savoure avec des gnocchis et des girolles. La bête repartant ensuite en cuisine pour que ses cuisses soient rôties, avant de revenir sur une deuxième assiette.
Un moment spectaculaire, à l’image de l’arrivée en salle du soufflé à la fleur de sureau et aux fruits noirs du village de Barjols et qui cache un cœur de stracciatella di bufala .«Nous avons aussi créé un dessert au chocolat qui reflète notre identité, complète Sébastien Broda. Nous le déclinons dans différentes textures avec, notamment, une ganache infusée à la liqueur de Farigoule aux accents de thym.»
Le Sud et ses parfums sont bien là, jusque dans le dernier bonbon qui conclut le repas et révèle les délicates notes d’herbes fraîches d’une liqueur concoctée par les moines de l’abbaye des îles de Lérins toutes proches. Le tout se déguste les yeux dans le bleu, dans de la vaisselle de Vallauris, bichonné par une équipe aux petits soins qui a le sens de la perfection. Si le paradis existe, pas de doute il ressemble au Cap-Eden-Roc.
Hôtel du Cap-Eden-Roc, plus d’informations sur oetkercollection.com/hotels/hotel-du-cap-eden-roc.
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