Avec Solinum, à seulement 24 ans, cette ingénieure a mis la technologie à disposition des sans domicile fixe. Ou comment le numérique solidaire change le quotidien dans le rue.
« C’était une évidence, assure Victoria Mandefield. Quand je suis montée à Paris, j’ai été confrontée à une grande précarité. C’était choquant pour moi qui arrivais des Vosges, je n’étais pas habituée à cela. Il fallait que je fasse quelque chose ».
L’évidence ? Celle de permettre aux personnes en grande précarité, pour qui le quotidien se vit dans la rue, d’obtenir des informations sans dépendre de personne, en toute autonomie : où trouver une douche publique, une distribution de nourriture, des wc publics, l’horaire d’ouverture des bibliothèques, des plans wifi publics.
« L’idée est aussi de casser les préjugés et les stéréotypes à l’encontre des sans domicile fixe, explique la jeune femme. Ca peut paraître étrange, mais oui, les SDF ont des Smartphones. Les gens ne comprennent pas la diversité de profils des SDF. Il ne s’agit pas de barbus alcooliques de 50 ans. Aujourd’hui ce sont aussi des femmes, des familles, des exilés, des réfugiés, des enfants : c’est très divers. Mais le grand public est resté bloquée sur cette image et pense qu’une personne SDF n’a pas accès au numérique. C’est faux. Et de renchérir, en poursuivant son récit, pleine de dynamisme, comme si le temps lui était compté : quand on pense au numérique, on pense exclusion, mais avec l’administration, où tout est numérisé, nous, on a préféré voir le côté positif. Avec les copains de prépa, on s’est dit qu’il fallait penser les choses de façon intelligente, que numérique pouvait créer du lien et de l’efficacité dans l’action sociale. Il faut évidemment le prendre comme un outil, pas comme une solution ».
Hyperactive, tournée vers les autres
Victoria Mandelfied est une geek, hyperactive. Elle a additionné ses compétences en technologie et en entreprenariat pour aider les plus démunis. En 2017, alors en études d’ingénieur, du haut de ses 22 ans, elle lance Solinum, Solidarité numérique, une association dont le but est de mettre le numérique au service des SDF.
En 2018, le Soliguide voit le jour. Cette plateforme, composée d’une carte interactive mise à jour quotidiennement par des bénévoles, permet aux personnes précaires d’avoir facilement accès aux informations de première nécessite. « Pendant mes études d’ingénieur, je faisais des maraudes auprès de SDF à Paris. J’avais aussi déjà fait du bénévolat aux USA. Mais c’est en France que j’ai réalisé que le numérique pouvait véritablement aider les plus précaires, raconte l’ancienne étudiante de l’ECE Tech. Les SDF me demandaient des informations basiques. J’avais listé sur papier les lieux où il était possible de manger, dormir, se laver. Ce n’était pas très pratique. Donc j’ai commencé à tout noter sur mon Smartphone, puis à faire un fichier Excel. Et voilà comment le projet est né. »
Aujourd’hui, Solinum travaille en lien avec le 115, qui utilise le guide imaginé par l’ingénieure pour orienter par téléphone des personnes dans le besoin. « Une grande fierté pour nous ». En plus du site internet, l’association dispose aussi de bornes interactives permettant aux personnes précaires de s’orienter. Le Soliguide est quant à lui implanté à Bordeaux, Paris, Nantes, et se développe en Seine Saint-Denis, dans les Hauts de Seines et les Yvelines. Plus de 5000 structures sont référencées en France.
« Beaucoup de villes nous ont contactées. On a notamment très envie de s’implanter à Strasbourg, où il existe des actions sociales très dynamiques, mais on a besoin de se structurer pour voir comment bien s’implanter ailleurs, ajoute la jeune femme. Il n’y a rien de pire que des projets qui se déploient sans écouter en amont le terrain, sans aller à la rencontre des premiers concernés, sans prendre en compte les différences régionales et sans s’adapter aux besoins locaux. »
Rester en contact
Désormais directrice salariée à plein temps, à la tête d’une structure qui fait vivre sept personnes, Victoria Mandefield poursuit néanmoins toujours ses maraudes, « pour rester en contact avec les SDF », et sensibiliser les travailleurs dans des lieux référencées par le Soliguide pour qu’ils parlent du guide aux SDF. « On est très contents de pouvoir les orienter mais ça ne va pas les sortir de la rue automatiquement. »
Raison pour laquelle elle vient de lancer « Merci pour l’invit’ », un projet en cours d’expérimentation où les femmes sont hébergées chez des particuliers faute d’hébergements d’urgence saturés. « Via nos réseaux sociaux et notre site internet, les personnes intéressées peuvent se renseigner et s’inscrire pour héberger une femme SDF orientée par un travailleur social. Nous on regarde dans notre base d’hébergeurs ce qui est le plus pratique pour elles, car beaucoup de SDF ont un emploi et il ne s’agit pas de les héberger à l’autre bout de leur lieu de travail, et on les met en contact. Elle l’assure : Je n’ai pas l’égo de penser que je change le monde, mais j’apporte ma brique en aidant quelques personnes, ce qui permet au système de s’améliorer. C’est déjà ça. »
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