Jusqu’alors, les chercheurs misaient davantage sur des causes d’ordre infectieuses ou immunologiques pour expliquer le syndrome de fatigue chronique, cette maladie qui touche 13 000 à 270 000 personnes selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Et si l’encéphalomyélite myalgique (EM/SFC) – son nom scientifique – était en fait le fruit d’un microbiote déséquilibré ?
C’est ce que des scientifiques du Jackson Laboratory (États-Unis) et de l’Université de Columbia ont tenté de démontrer. Au travers de leurs études, toutes deux publiées le 8 février 2023 dans la revue Cell Host and Microbe, les chercheurs soutiennent que les personnes atteintes du syndrome de fatigue chronique présentent des niveaux anormalement bas de plusieurs espèces de bactéries intestinales.
« Ces résultats fournissent des informations uniques sur le rôle que joue le microbiote dans la maladie et suggèrent que certaines différences dans les microbes intestinaux pourraient servir de biomarqueurs pour l’EM/SFC », a déclaré Vicky Whittemore, directrice de programme au National Institute of Neurological Disorders des NIH, dans un communiqué.
Un manque de bactéries intestinales associé à des symptômes divers
Pour diagnostiquer un syndrome de fatigue chronique, il faut que l’épuisement ait été constant pendant six mois consécutifs. D’autres symptômes peuvent l’accompagner tels que des troubles du sommeil, des difficultés cognitives, des douleurs, des problèmes gastro-intestinaux ou une sensation de malaise après un effort. Mal connu, aucune hypothèse n’a encore dépassé le statut de théorie pour expliquer la survenue de ce syndrome qui touche surtout les femmes jeunes.
Pour mener à bien leurs recherches, les deux équipes de chercheur.euse.s ont utilisé deux méthodes distinctes.
Les scientifiques de l’Université de Columbia ont inspecté les échantillons fécaux prélevés sur une cohorte de 106 personnes atteintes d’EM/SFC et de 91 témoins sains, afin d’analyser la composition génétique des bactéries intestinales. Ils ont découvert que les malades présentaient des niveaux anormalement bas de plusieurs espèces de bactéries dont Faecalibacterium prausnitzii. « Une abondance de F. prausnitzii était inversement associée à la sévérité de la fatigue dans l’EM/SFC », expliquent les chercheur.euse.s dans le communiqué.
Mais ces micro-organismes sont aussi essentiels à la santé intestinale, puisqu’elles produisent du butyrate, « un métabolite fournissant jusqu’à 70 % de leurs besoins énergétiques, qui soutient le système immunitaire intestinal et protège contre les maladies du tube digestif », ajoutent les scientifiques. Au total, 12 espèces de bactéries identifiées pourraient être utilisées comme biomarqueurs pour mieux diagnostiquer la maladie, arguent-ils.
Un microbiote rétabli chez les patients atteints de fatigue chronique depuis plus de 10 ans
En plus d’analyser les selles des 149 patients atteints de fatigue chronique et des 79 personnes en bonne santé de leur cohorte, les chercheur.euse.s de la seconde étude ont aussi examiné leur sang. Les malades ont été divisés en deux groupes : le premier était composé de patient.e.s diagnostiqué.e.s au cours des quatre dernières années ; le second rassemblait des personnes diagnostiquées il y a plus de 10 ans.
Cette catégorisation leur a permis de découvrir que les malades à court terme avaient moins de diversité microbienne – notamment des manques en F. prausnitzii -, alors que le microbiote des patient.e.s du second groupe s’était rétabli avec le temps. D’autres problèmes de santé et de métabolisme ont toutefois persisté : leur taux de cholestérol était plus élevé, ils étaient plus nombreux à rapporter une fibromyalgie, une constipation, un manque d’appétit et des troubles du sommeil.
« Comprendre et séparer les maladies précoces des maladies à long terme a fini par être un facteur de différenciation essentiel, car les traits microbiens et métaboliques – ou biomarqueurs – différaient entre les maladies à court et à long terme », a déclaré Julia Oh, chercheuse en médecine génomique au Jackson Laboratory, à Technology Networks.
Sans affirmer que le lien entre le déséquilibre du microbiote et le syndrome de fatigue chronique est causal, les chercheur.euse.s pensent que c’est la maladie qui pourrait engendrer ce manque de diversité microbienne.
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