La retraite, c’est pour demain. Ou pas. Jeudi 17 février 2022 sera le jour du bicentenaire de l’entreprise familiale Bolloré, et devrait marquer le retrait des affaires de
Vincent Bolloré, mais celui-ci semble désormais très hypothétique, tant les dossiers à régler sont encore nombreux. « Aujourd’hui, je finis de laisser ma place de conseiller, après avoir été dirigeant jusqu’il y a trois ans. Ma famille a accepté de poursuivre cette saga industrielle. Elle va représenter la septième génération », expliquait le 19 janvier l’industriel dans le cadre d’une commission d’enquête sénatoriale sur
la concentration des médias.
Encore plusieurs dossiers importants à gérer
« Je laisserai ma place lorsque nous fêterons le bicentenaire du groupe », ajoutait le milliardaire, 70 ans en avril, à la tête d’un empire avec un pied dans l’industrie (groupe Bolloré dans le transport et la logistique) et l’autre dans les médias (Vivendi). Or, le bicentenaire sera finalement fêté à deux reprises : la première fois jeudi à Ergué-Gabéric, près de Quimper, où est implanté le siège social de l’entreprise, la Compagnie de l’Odet, puis, en juillet, en grande pompe avec plusieurs centaines de personnes. Mais la perspective de la passation de pouvoir semble s’éloigner à mesure que l’échéance s’approche : elle sera reportée en raison de plusieurs dossiers importants à gérer, affirmait la semaine dernière BFM Business.
Parmi lesquels : acquérir la totalité du capital du groupe Lagardère – une opération dont le début est attendu d’ici début mars –, empêcher le fonds d’investissement américain KKR de prendre pied dans Telecom Italia – dont Vivendi est premier actionnaire – et convaincre le gouvernement espagnol de laisser Vivendi prendre près de 30 % du capital du groupe de médias Prisa, propriétaire notamment du quotidien El Pais, contre 9,9 % actuellement. Sans compter la cession planifiée de la branche logistique du groupe en Afrique, minée par plusieurs poursuites judiciaires, qu’il entend mener à bien.
Un fin connaisseur de l’univers Bolloré rappelle que l’homme d’affaires « a bien engagé un processus de transfert des responsabilités » à ses enfants, « qui est en grande partie réalisé mais pas totalement ». Son fils Yannick, âgé de 42 ans, PDG de Havas depuis 2013, est devenu président du conseil de surveillance de Vivendi en 2018, tandis que son frère cadet Cyrille, 36 ans, a pris les rênes du groupe Bolloré en mars 2019.
Il gardera toujours la tour de contrôle
« Il est impossible de savoir quand il décidera de réaliser complètement son retrait. De toute façon, même s’il le réalise, il gardera toujours la tour de contrôle de la Compagnie de l’Odet » qu’il préside, croit savoir cette même source. Cette holding, pilotée par le seul milliardaire, est à la tête de l’empire Bolloré, façonné en quarante ans à coups d’acquisitions et qui totalise désormais environ 80.000 salariés et 24 milliards d’euros de revenus.
Vincent Bolloré aime à rappeler qu’au début des années 1980, quand il s’est attelé au redressement de la papeterie familiale alors en difficulté, celle-ci « employait un peu moins de 800 personnes » pour un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros. Depuis, elle s’est développée dans les médias – parfois au prix de remaniements brutaux –, entre audiovisuel (groupe Canal+ et ses chaînes C8 et CNews ou la radio Europe 1), presse (Prisma Media, premier groupe de magazines en France, le JDD, Paris-Match, Prisa en Espagne), publicité/communication (Havas), édition (Editis) ou télécoms (Telecom Italia).
Face aux sénateurs, Vincent Bolloré a nié tout objectif politique dans sa stratégie d’acquisitions dans les médias, tandis que ses détracteurs dénoncent notamment une chaîne d’information CNews qui serait devenue le porte-voix de ses opinions conservatrices.
« Stop Bolloré », un collectif de syndicats, associations, médias et personnalités
D’ailleurs, un collectif baptisé « Stop Bolloré », composé de syndicats, associations, médias et personnalités de gauche, a lancé un appel mercredi pour dénoncer la constitution par le milliardaire d’un « empire médiatique tentaculaire » accusé de servir une « idéologie réactionnaire ». « Cette concentration de médias est sans précédent dans notre histoire. Sous nos yeux incrédules se déroule une révolution rétrograde qu’il est urgent d’empêcher », plaide l’appel, présenté lors d’une conférence de presse à Paris.
Il est notamment signé par des syndicats de journalistes (SNJ, SNJ-CGT), des associations (Attac, Maison des potes, Mrap), des médias (revue Regards) ainsi que des journalistes et personnalités de gauche (Edwy Plenel, Daniel Schneidermann, l’avocat Arié Alimi, les historiennes Mathilde Larrère et Laurence de Cock…).
Le collectif vise en particulier la chaîne CNews, accusée de nourrir « une obsession pour les thèmes d’extrême droite ». Via certains de ses membres, il a saisi l’Arcom (ex-CSA) au sujet de « multiples manquements » observés selon lui dans l’émission « Face à l’info ». Entre 2019 et 2021, elle accueillait le journaliste Eric Zemmour, désormais candidat d’extrême droite à
l’élection présidentielle. Par ailleurs, des structures membres du collectif ont déposé plainte contre X pour notamment « provocation à s’armer contre une partie de la population non suivie d’effet ». Déposée mercredi auprès du parquet de Paris, cette plainte vise des propos tenus par Eric Zemmour sur CNews.
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